LE DROIT DES ROBOTS

Internet a été une révolution majeure vers la fin du 20e siècle.  Aujourd’hui, c’est l’innovation de la robotique qui intéresse le plus grand nombre. Les robots font l’objet de nombreuses interrogations. Notamment dans le domaine juridique. Faut-il créer un droit des robots ?

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Le robot est défini par L’ALTIF (Analyse et traitement informatique de la langue française) comme « appareil effectuant, grâce à un système de commande automatique à base de microprocesseur, une tâche précise pour laquelle il a été conçu dans le domaine industriel, scientifique ou domestique ».

La notion de robotique est quant à elle plus large. Elle correspond à l’ensemble des techniques permettant la conception, la réalisation de machines automatiques ou de robots. En effet, ce terme recouvre une réalité multiple. On distingue des services de robotiques trouvant application dans des domaines différents : robotique industrielle (industrielle automobile), robotique domestique (assistants pour personnes âgées), robotique médicale (robots chirurgicaux) ou encore militaire (drones).

Les robots ont connu une évolution très importante. Tout a commencé avec les robots automates, ces derniers obéissaient à un programme préétabli, le robot quant à lui, adapte les actions permissent par son programme en fonction de l’environnement.

L’émergence de l’intelligence artificielle ces dernières années a considérablement modifié la robotique. Désormais certains robots agissent de manière autonome. Les développements de ces nouvelles technologies permettent aujourd’hui de pouvoir assister l’humain dans différentes tâches, comme des taches purement physiques. Également, l’intelligence artificielle et notamment la « conscience » robotique sont au cœur des objectifs poursuivis par la science en matière de robotique.


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A titre d’illustration, le robot « Watson » d’IBM a montré toute l’étendue de la puissance de ces nouveaux robots intelligents . Il a remporté le jeu télévisé américain « Jeopardy! » contre deux champions du monde.

L’intelligence artificielle ainsi que la robotique constitue une révolution industrielle majeure. Elles remettent notamment en cause l’efficacité même du cerveau humain (à l’inverse, les automates ne remettaient en cause que les capacités physiques de l’être humain)

Par conséquent, le développement de ces robots autonomes et interactifs fait émerger la nécessité d’encadrer cette nouvelle technologie par le droit. Peut-on parler d’un droit des robots ?

En effet, la présence de ses robots dans notre quotidien va rapidement s’intensifier.

De nombreux organismes et institutions travaillent depuis plusieurs années sur cette thématique : la Direction des affaires stratégiques du ministère de la Défense, le Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, le Commissariat à l’énergie atomique et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Ce phénomène a finalement commencé à intéresser les juristes. De nombreuses lois sont venues encadrer Internet. On peut donc imaginer que cela va être le cas avec la robotique. Le Parlement européen s’y est notamment intéressé et a présenté le 21 avril 2021 un projet de règlement intitulé « L’AI Act »

Ainsi, quel cadre juridique doit-on adopter concernant le droit des robots ?

Afin de répondre à cette question, il convient de se pencher d’une part sur l’encadrement juridique à adopter pour la robotique (I), et d’autre part, sur l’éventuelle imputabilité d’une responsabilité (II).

I- L’encadrement législatif de la robotique

L’introduction d’une intelligence artificielle implique la création de nouveaux droits à l’instar de ceux consacrés dans le monde numérique notamment concernant les droits de la personnalité. Ainsi, la solution consisterait à imaginer un statut juridique adapté, comparable à celui de la personnalité morale. Ce statut se justifie notamment lorsque les robots acquièrent un degré de liberté et d’autonomie de plus en plus important par rapport à leur environnement et aux humains qui les utilisent. Existe-t-il des outils juridiques déjà existants à notre portée ? (A) Sinon, doit-on aller vers la création d’un droit sui generis ? (B)

A. Des outils juridiques existants limités

Aujourd’hui, il n’existe pas de véritable encadrement législatif de la robotique, cependant, certains outils juridiques existants permettent néanmoins de venir encadrer les robots et plus largement la robotique.

Ces outils se retrouvent dans différentes branches du droit, notamment dans le droit des contrats, de la consommation ainsi que dans le droit de la propriété intellectuelle.

En droit des contrats, on retrouve à l’article 1603 du Code civil deux obligations principales qui sont imposées au vendeur professionnel. il y a premièrement une obligation de délivrance qui comprend une obligation de mise à disposition de la chose, ainsi qu’une obligation de délivrance conforme, ensuite on retrouve une obligation de garantie. Celle-ci comprend deux objectifs distincts le premier étant de garantir la jouissance paisible de la chose et le second de garantir l’absence de défaut de la chose vendue.

Également, l’acheteur bénéficie de la responsabilité du fait des produits défectueux prévu à l’article 1386-1 et suivant du Code civil depuis la loi du 19 mai 1998. Il s’agit d’une responsabilité spéciale, elle correspond au fait qu’un producteur va engager sa responsabilité délictuelle du fait d’un défaut de sécurité de l’un de ses produits ou services entraînant un dommage à une personne, quelle qu’elle soit.

De plus, dans un décret en date du 20 juillet 2005, est prévu en son article 5 que les équipements électriques et électroniques comme les appareils ménagers et les dispositifs médicaux doivent être conçus et fabriqués de façon à faciliter leur démantèlement et leur valorisation afin d’encadrer la responsabilité du producteur.

La directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines vient quant à elle poser des exigences de sécurité pour certains types de robots industriels tels que ceux intégrant une ligne de production. Cette directive est entrée en application depuis le 29 décembre 2009.

Enfin, un nouveau régime de responsabilité pénale applicable pour les véhicules à délégation de conduite a été mis en place par une ordonnance en date du 14 avril 2021.

En effet, la voiture autonome est considérée comme un robot spécial. Par conséquent, différents articles ont été ajouté dans le code de la route. L’article 123-1 de ce même code énonce que le conducteur ne sera pas tenu responsable dans les situations où les fonctions du véhicule étaient totalement déléguées à un système automatisé et que celui-ci exerçait un contrôle dynamique du véhicule au moment des faits. En revanche, dans cette situation, selon l’article 123-2 du code de la route, c’est la responsabilité du constructeur qui sera retenue et pourra donc être tenu pénalement responsable des dommages causés par le système automatisé.

En ce qui concerne le droit de la propriété intellectuelle, de nombreux droits sont souvent revendiqués sur les robots sans que cela ne suscite de difficulté particulière. C’est le cas, des brevets d’invention, ces derniers sont souvent accordés dans le domaine de la robotique (robots chirurgicaux). Également, le droit d’auteur est couramment invoqué (ex : tête de « Nao », robot de la société d’Aldebarran, est déposée au titre des dessins et modèles).

Le droit sui generis des bases de données pourrait notamment s’appliquer pour les données chargées dans le robot et pour celles qu’il accumule en mémorisant de nouvelles expériences.

B. Vers la création d’un droit sui generis

Actuellement, le cadre juridique ne permet pas d’appréhender la diversité de la créativité que les robots vont engendrer. Si les robots ont pu, par le passé, augmenter la productivité des entreprises, améliorer les traitements et les interventions médicales et faciliter les tâches ménagères du quotidien, aujourd’hui, l’arrivée de l’intelligence artificielle nécessite un cadre éthique et réglementaire particulier.

En effet, avec le développement des interactions entre les humains et les robots, il peut être intéressant d’imaginer un statut juridique quelque peu identique à celui des personnes morales. Dans le language juridique, être doté de la personnalité signifie, être apte à posséder des droits et à encourir des obligations. La personne, dans le sens qu’attribuent à ce terme les juristes, c’est l’être qui peut être sujet de droit.

Ainsi, le législateur a doté de la personnalité juridiques certaines entités comme par exemple les sociétés commerciales, les associations ou encore les syndicats. La personnalité morale confère à la personne morale nombre d’attributs reconnus aux personnes physiques, comme un nom, un patrimoine, un domicile. La personnalité morale permet notamment d’ester en justice et d’être tenu responsable pénalement. La création d’un statut sui generis permettrait ainsi aux robots d’avoir une personnalité juridique engendrant à leur égard un ensemble de droits et d’obligations.

En effet, si l’on franchit un pas dans l’autonomie, on se trouve confronté à des robots dont les agissements ne doivent plus rien à l’intervention directive de l’homme. Même si la machine a été programmée par un informaticien, construite par un roboticien et mise en route par son utilisateur, il arrive qu’elle prenne des initiatives en s’adaptant à de nouveaux environnements. On peut citer comme exemple les portraits du robot Paul qui produit sans nul doute des créations originales.

Cependant, la position du Parlement européen est claire, il refuse d’accorder la personnalité juridique à l’intelligence artificielle. Il a notamment rappelé cette position dans le projet de règlement sur l’intelligence artificielle présenté en avril 2021.

Toutefois, même en reconnaissant un statut juridique aux robots, il semblerait difficile, voire impossible d’admettre une éventuelle responsabilité à ces machines. Le principe d’une responsabilité civile ou pénale des robots pose de nombreuses questions qui nécessiteraient de revisiter certaines des notions fondamentales de notre droit telles que la capacité de discernement, la conscience de commettre un acte illicite et la maîtrise de ses actes.

II- L’imputabilité d’une responsabilité des robots

Avec l’introduction de robots de plus en plus intelligents et autonomes, les actions de ces derniers seront certainement de nature à échapper de plus en plus au contrôle de leur propriétaire ne leur permettant plus de maîtriser et d’en appréhender les conséquences. Un tel scénario imposerait de revisiter les fondements traditionnels du droit de la responsabilité afin de savoir si les robots pourraient un jour répondre de leurs actes. On peut donc imaginer la création d’un régime spécial de responsabilité (A), ainsi que l’hypothèse d’une responsabilité de l’homme envers les robots (B).

A) Vers la création d’un régime spécial de responsabilité

Le Code civil prévoit pour le droit de la responsabilité civile trois notions fondamentales. La première étant l’existence d’une faute, la seconde un dommage et enfin un lien de causalité. Par conséquent, pour que la responsabilité d’un individu soit engagée il faut que ce dernier dispose d’un contrôle sur ses actes et de leurs conséquences.

Ainsi, l’individu devient responsable uniquement s’il dispose d’une autonomie décisionnelle et comportementale. C’est avec discernement que les décisions doivent être prises. C’est pour cette raison que la jurisprudence refuse de retenir la responsabilité des machines, faute d’absence de capacité de discernement.

Cependant, le législateur a rapidement pris en compte la multiplication des dommages causés par les machines et est venu instaurer une responsabilité de plein droit des choses que l’on a sous sa garde.

Cette responsabilité s’applique dès lors qu’un individu a l’usage, la direction et le contrôle de la chose. La jurisprudence considère donc que la personne qui les contrôle sera tenue responsable. A l’inverse, si les faits litigieux sont la conséquence d’un dysfonctionnement alors l’individu peut écarter sa responsabilité, cette dernière retombant sur le fabricant par le biais de la responsabilité des produits défectueux.

Le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 16 février 1017 a recommandé de mettre en place un projet législatif permettant de répondre aux questions portant sur la responsabilité. Il demande notamment de réfléchir à la création d’un statut juridique spécial pour les robots.

Une nouvelle résolution a été prise le 12 février 2019. Est abordé ici par le Parlement la notion d’intelligence artificielle au sens large.

C’est ainsi qu’a émergé le projet de règlement européen « l’AI Act » présenté le 21 avril 2021 par la Commission européenne. Ce projet a pour objectif la création d’un cadre juridique commun sur l’intelligence artificielle.

On constate alors, dans le cas des robots ayant une certaine autonomie, la nécessité de faire évoluer le cadre juridique actuel. En effet, la responsabilité du fait des choses étant inapplicable en l’absence du critère de contrôle, la création d’un régime spécial semble inévitable.

B) L’hypothèse d’une responsabilité de l’homme envers les robots

Même si de prime abord, une responsabilité de l’homme envers les robots semble impensable. Il convient tout de même de se poser la question en raison d’abus éventuels que ces derniers pourraient subir par l’homme et des conséquences juridique qui pourrait apparaître. Nous avons assisté à une évolution importante en 2015 concernant la reconnaissance des animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité » désormais reconnue à l’article 515-14 du code civil. Également, le Code pénal condamne les atteintes portées aux biens d’autrui.

Les robots d’aujourd’hui sont de plus en plus semblables aux êtres humains. En effet, ils sont capables d’avoir des émotions ainsi que de ressentir de l’empathie. Le législateur pourrait par conséquent se poser la question d’une personnalité juridique spéciale combinée à un régime spécial de protection des robots.

Certaines observations scientifiques démontrent que les robots, qui seront de plus en plus présents dans notre vie quotidienne, seront davantage regardés avec anthropomorphisme.

Toutefois ces observations ne permettent pas aujourd’hui de comparer les robots aux animaux ou même aux humains. Cependant, elles pourraient amener à protéger l’intégrité des robots en réprimant les atteintes porter à l’intégrité de ces derniers. Ainsi, il ne serait pas question de protéger les atteintes matérielles en tant que telles, mais plutôt pour protéger la sensibilité des humains et les intérêts de la société.

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Sources :

Code civil
Code de la propriété intellectuelle
Wikipédia
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030250342/
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:52021PC0206
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074228/LEGISCTA000043371833/#LEGISCTA000043371833