Peut-on accuser une IA de diffamation ?

La montée en puissance des intelligences artificielles génératives, telles que ChatGPT, interroge la responsabilité juridique attachée à leurs productions.

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Lorsqu’un modèle diffuse de fausses informations susceptibles de nuire à la réputation d’une personne, peut-on envisager une action en diffamation ? Cette question, au croisement du droit de la presse, du droit civil et du droit des technologies, met en tension les cadres traditionnels de la responsabilité et les nouvelles réalités techniques de l’IA .

I. Conditions et difficultés juridiques pour qualifier une déclaration d’IA en diffamation

A. Les éléments classiques de la diffamation et leur adaptation à l’IA

Le droit de la diffamation repose sur plusieurs conditions :

  • Une imputation de fait précis, susceptible de vérification ;
  • La fausseté de cette imputation ;
  • Une faute imputable à un auteur ;
  • Un préjudice causé à la réputation ;
  • Un lien de causalité entre la déclaration et le dommage.

Or, dans le cas des IA génératives, ces éléments se heurtent à des obstacles majeurs :

  • L’auteur : une IA n’ayant pas de personnalité juridique, la responsabilité doit être recherchée du côté de l’éditeur, du concepteur ou de l’exploitant du système.
  • La faute : il est difficile de déterminer le standard de diligence applicable — s’agit-il d’une négligence dans la conception ou le contrôle du modèle ?
  • Le lien de causalité : la diffusion d’une information erronée peut résulter de plusieurs acteurs (utilisateur, plateforme, média) ; la part exacte de l’IA est alors complexe à établir.

En droit français, ces difficultés se doublent d’un formalisme procédural strict (délais, preuve, publicité), peu adapté aux mécanismes automatisés de génération de texte.

B. Obstacles pratiques et enseignements jurisprudentiels

Les tribunaux tendent à rejeter les actions dirigées contre les éditeurs d’IA, faute de faute caractérisée ou de dommage prouvé. Ainsi, aux États-Unis, dans Walters v. OpenAI, la cour a estimé que déployer une IA faillible ne suffisait pas à établir une négligence .


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De même, en Australie, une action en diffamation contre OpenAI a été abandonnée pour des motifs pratiques. En Europe, l’ONG NOYB a saisi les autorités norvégiennes après qu’un citoyen ait été faussement présenté comme meurtrier par ChatGPT, invoquant à la fois la diffamation et le manquement au principe d’exactitude du RGPD.

Face à ces cas, les défenses des éditeurs s’appuient sur les avertissements, les mesures de filtrage et l’absence d’imputabilité directe. Certains auteurs envisagent néanmoins une responsabilité du fait des produits lorsque l’IA serait considérée comme un produit défectueux.

II. Scénarios pratiques, évolutions possibles et recommandations

A. Stratégies de recours envisageables

En l’absence de responsabilité directe de l’IA, plusieurs voies demeurent :

  • Action contre l’éditeur pour défaut de vigilance ou conception défaillante ;
  • Action contre l’utilisateur ou diffuseur final, lorsque celui-ci reprend l’information ;
  • Recours en droit de la presse ou en ligne, fondé sur la diffusion publique ;
  • Plainte fondée sur le RGPD, lorsque les données personnelles sont inexactes ;
  • Médiation ou règlement amiable, face à la complexité procédurale.

Ces approches visent à contourner l’absence actuelle de statut juridique pour l’IA, tout en s’appuyant sur les obligations existantes en matière de données et de responsabilité civile.

B. Évolutions législatives et perspectives

Le projet de règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) entend imposer des standards élevés de transparence, de traçabilité et de sécurité aux systèmes à haut risque. S’il n’institue pas de responsabilité autonome pour l’IA, il pourrait faciliter l’identification d’un responsable humain ou moral.

Certains auteurs envisagent la reconnaissance d’une personnalité juridique partielle pour les systèmes d’IA, à l’image des personnes morales, mais cette idée reste controversée.

À court terme, la voie la plus réaliste demeure l’instauration d’obligations de diligence renforcée, d’audits réguliers et de mécanismes de correction. À moyen terme, le développement de fonds d’assurance ou de garanties spécifiques pourrait offrir une réponse pragmatique au risque de diffamation générée par l’IA.

L’action en diffamation contre une IA générative demeure, à ce jour, juridiquement incertaine.

Si les éléments constitutifs de la diffamation peuvent théoriquement être transposés, les obstacles pratiques — imputabilité, faute, causalité, absence de personnalité juridique — limitent toute condamnation directe.

Le droit positif s’oriente donc vers une responsabilité dérivée des concepteurs et opérateurs, tandis que les futures normes (telles que l’AI Act) chercheront à encadrer les risques par la prévention et la transparence plutôt que par la sanction.

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Sources :

  1. Blog – ChatGPT accusé de diffamation : quand l’IA invente des meurtres d’enfants
  2. Un tribunal de Géorgie rejette une plainte en diffamation contre OpenAI : une victoire pour les développeurs d’IA et une clarté juridique dans la défense contre la diffamation
  3. Diffamation générée par l’IA : risques juridiques et affaires de responsabilité
  4. Intelligence artificielle – Vers une responsabilité civile « présumée » ?
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