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Transmission des droits attachés au brevet : pas d’opposabilité aux tiers de la situation juridique nouvelle à défaut d’inscription

Les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le Registre national des brevets . L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 21 septembre 2022 en fournit une nouvelle illustration et vient rappeler l’importance cruciale pour les titulaires de brevets de mettre à jour les registres .

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Les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le Registre national des brevets. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 21 septembre 2022 en fournit une nouvelle illustration et vient rappeler l’importance cruciale pour les titulaires de brevets de mettre à jour les registres.

Le droit au brevet d’invention appartient à l’inventeur ou à son ayant cause. Il est limité territorialement à la zone géographique souhaitée. La demande de brevet peut être déposée, pour la France, auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), par une personne physique ou morale, et pour l’Europe auprès de l’Office européen des brevets (OEB). En 2012, 16 632 brevets ont été déposés en France, le tenant du titre étant PSA qui a déposé 1348 brevets cette année-là. Le montant d’une demande de dépôt de brevet est fixé aux alentours de 36 € pour une demande papier et 26 € pour le format électronique (qui représente un peu moins de 80 % des demandes). Au niveau européen, l’OEB recensait 258 000 demandes pour l’année 2012. Pour voir son brevet protégé au niveau international (brevet PCT), le demandeur peut s’adresser à son office national ou à l’OEB, les demandes étant transmises au bureau international de l’Office mondial de la propriété intellectuelle.

La durée du brevet est de vingt ans à compter du jour du dépôt de la demande.

Le titulaire d’un brevet a l’obligation d’exploiter celui-ci dans un délai de trois ans après la délivrance du titre. Il a également l’obligation de s’acquitter des redevances annuelles auprès de l’INPI.


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La commercialisation du brevet peut se faire par le biais de contrats de cessions ou de licences qui doivent être contractées par écrit à peine de nullité. Si le titulaire du brevet ne l’exploite pas pendant une durée de trois ans, un tiers peut obtenir, en justice, une licence qualifiée d’obligatoire.

Le brevet peut faire l’objet d’un apport en société ou encore d’un nantissement.

L’exploitation d’un brevet sans l’accord de son titulaire constitue une contrefaçon. Au-delà de la responsabilité civile attachée à la contrefaçon, un arsenal répressif est prévu et sanctionne celui qui se prévaut de la qualité de propriétaire d’un brevet ou qui porte sciemment atteinte à ses droits.

Par ailleurs, depuis l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, l’action en nullité du brevet est imprescriptible (CPI, art. L. 615-8-1).

Enfin, la loi PACTE du 22 mai 2019 habilite le gouvernement à introduire dans notre législation un droit d’opposition devant l’INPI pour les brevets d’invention, lequel constituera un recours administratif rapide et peu couteux. L’ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 est venue créer ce droit d’opposition aux brevets d’invention. Ce recours permet aux tiers de demander, par voie administrative, la révocation ou la modification d’un brevet d’invention.

I. Sur la demande de brevet

A. L’inscription peut intervenir à tout moment à compter de la conclusion de l’acte

Elle se fait à la demande de la partie la plus diligente, mais il est nécessaire de pouvoir établir sa qualité à inscrire. Un acte ne peut être inscrit que si la personne indiquée dans l’acte comme le titulaire du dépôt avant la modification résultant de l’acte est inscrite comme tel au registre. Si des ruptures d’inscriptions existent dans le registre, il sera nécessaire de les combler avant de procéder à la dernière inscription, ce qui retarde d’autant la possibilité d’opposer aux  tiers sa propriété.

Cette obligation d’établir une chaîne d’inscriptions ininterrompue se retrouve pour chacun des registres. Il est parfois difficile de répondre à cette exigence, si des propriétaires antérieurs ont définitivement disparu, en général, en raison de fusion, absorption, dissolution, etc. Dans ce cas, il sera nécessaire de former auprès de l’office une demande pour déroger à cette obligation.

Il y a, en la matière, une situation qui semble contraire à la fonction de l’inscription dans l’obligation d’avoir une chaîne ininterrompue de propriétaires. Le registre remplit une fonction de publicité, il n’établit pas la validité du titre, pas plus qu’il ne contrôle la substance du contrat.

Le transfert de propriété ou l’attribution d’une jouissance est valable en dehors de la publicité. Ce qui compte pour les tiers comme pour le propriétaire, c’est de pouvoir inscrire l’état actuel du brevet et non les circulations antérieures. On peut d’ailleurs penser que la possession et l’apparence doivent jouer leur rôle. Enfin, à défaut  d’ inscription , il est possible d’opposer les  droits  nés d’un acte à un  tiers afin de pouvoir rapporter la connaissance, par ce dernier, de la  situation  créée par le contrat (Paris, 24 avr. 1986, Juris-Data no 1986-022551). L’opposabilité n’est plus erga omnes mais simplement efficace à l’égard de la personne informée par le biais d’une notification (CPI, art. L. 613-8 ).

B. La propriété de la demande de brevet

Selon les appelants, la propriété de la demande de brevet en cause avait été rétrocédée à la société Finter Lane du fait de la résiliation du contrat de cession initial conclu avec la société Swisscollect. La résiliation du contrat avait, selon les appelants, été notifiée par la remise en mains propres d’un courrier de mise en demeure en raison du non-paiement de la première annuité due par la cessionnaire en vertu dudit contrat.

L’intimée, pour sa part, soutenait que la société Swisscollect demeurait la propriétaire de la demande de brevet, le contrat de cession n’ayant pas fait l’objet d’une résiliation valable. En effet, la clause résolutoire du contrat de cession stipulait que le vendeur devait adresser à l’acquéreur une lettre de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, formalité qui n’avait pas été accomplie par la société Finter Lane.

L’intimée arguait également que la mise en demeure était dépourvue de force probante, que l’on ignorait l’identité de la personne ayant prétendument reçu la mise en demeure en mains propres et que les signatures y figurant n’étaient pas lisibles. Pour identifier le propriétaire du brevet, il revenait donc à la cour de déterminer si le contrat de cession avait été valablement résilié.

En l’occurrence, le contrat de cession ne désignait pas de loi applicable. À défaut de choix des parties, la cour a appliqué l’article 4 du règlement (CE) n° 593/2008, dit « Rome I », rédigé comme suit : « Lorsque le contrat n’est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle. »

Sur ce point, la cour confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris qui a considéré que la prestation principale d’un contrat de cession de brevet consiste en la mise à disposition du brevet, et donc que la loi applicable était la loi du droit du pays du cédant, à savoir, en l’espèce, la loi panaméenne. Cette décision vient confirmer sans grande surprise que c’est bien le cédant qui fournit la prestation caractéristique du contrat de cession de brevet.

Il restait donc à déterminer si, au regard du droit panaméen, le contrat de cession pouvait être considéré comme valablement résilié. À cet égard, les appelants ont versé une attestation d’un cabinet d’avocat panaméen indiquant que, selon le droit panaméen, le formalisme de la lettre recommandée avec accusé de réception a pour unique objectif de garantir que le débiteur a effectivement reçu ladite lettre, et qu’en conséquence la notification de la mise en demeure en mains propres à l’acquéreur – ayant date certaine –, ne suffit pas à faire échec à l’application de la clause résolutoire contractuelle. Ainsi, en l’espèce, le non-respect des modalités formelles de mise en œuvre du mécanisme de résiliation prévues au sein du contrat de cession ne permet pas de considérer que le contrat n’a pas été valablement résilié.

Ce point éclairci, la cour d’appel a considéré qu’il ressortait de l’examen des pièces visées ci-dessous (versées par les appelants) que la mise en demeure avait effectivement été remise à la Société Swisscollet :

Un courrier intitulé « mise en demeure » versé au débat qui comporte une signature, le cachet de la société ECS Swisscollet, indiquant à deux reprises la date du 24 décembre 2014 ainsi que la mention « remise en mains propres » ;

L’attestation d’un expert-comptable de la société Finter Lane qui précise qu’il s’est personnellement rendu au siège de la société ECS Swisscollet le 24 décembre 2014, en sa qualité de représentant de la société Finter Lane pour la Suisse, en vue de remettre en mains propres un courrier de mise en demeure de payer à la suite d’un défaut d’exécution d’une obligation contractuelle ;

L’attestation d’une secrétaire comptable, employée de la société Swisscollet, certifiant qu’elle avait reçu en mains propres et signé la lettre de mise en demeure et qu’elle l’avait remise au représentant de la société Swisscollet.

L’intimée n’ayant pas contesté que la société ECS Swisscollet n’avait pas réglé la première annuité due en application du contrat de cession et que la mise en demeure était demeurée sans effet, la cour a ainsi retenu que le contrat de cession avait été valablement résilié.

Suivant ce raisonnement, la cour a ainsi infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris et retenu que la demande de brevet appartient à la société Finter Lane. En revanche, la cour n’a pas retenu Monsieur L. comme propriétaire de la demande de brevet. Ce dernier avait demandé à la cour de voir constater qu’il était « le bénéficiaire économique de la demande de brevet litigieux » et donc que la rétrocession de la propriété de la demande de brevet était intervenue « simultanément » à son profit. Cette notion étant inexistante en droit français, la cour a refusé de statuer sur ce point.

II. Sur l’opposabilité du transfert de propriété

A. La publicité du contrat vise à en rendre les effets opposables aux tiers

L’acte publié est présumé connu de tous, l’acte non publié est présumé ignoré de tous. Une inscription s’impose pour tous les actes visant le brevet, quelle que soit la portée de celui-ci, qu’il s’agisse d’un acte constitutif ou translatif. L’inscription ne se limite pas à la situation du brevet , elle vise aussi la  situation  de son propriétaire ; il faut pour ce dernier que le registre soit à jour du nom, de la forme sociale, de l’adresse ou encore de son statut matrimonial.

Pour maintenir l’opposabilité des éléments inscrits sur un registre de brevets, l’inscription  est impérative pour toute  transmission  ou modification des  droits attachés  au  brevet , c’est-à-dire les transferts de propriété, les concessions, les sûretés et éventuellement les revendications de propriété. Si ces  inscriptions  ne sont  pas  réalisées, non seulement la  situation   juridique   nouvelle  est inopposable aux  tiers , ce qui écarte la possibilité d’agir en justice pour défendre sa propriété, mais en plus, il y a une fragilisation du titre au moment du renouvellement. Sont, en revanche, facultatives pour maintenir la pleine opposabilité des actes portant sur un bien intellectuel les  inscriptions  des changements de dénomination sociale, de nature  juridique  du propriétaire ou du licencié, d’adresse. Cette liberté existe devant l’INPI, l’OEB et l’OMPI.

Dans certains pays, ces inscriptions sont obligatoires et peuvent remettre en cause la validité du titre. Surtout, même lorsqu’elles ne sont pas  obligatoires, les informations  nouvelles  non inscrites ne sont  pas  opposables aux  tiers , ce qui peut être un problème, pour un changement d’adresse par exemple. Si les personnes inscrites ne changent pas (propriétaire, licencié, etc.) mais que des éléments les identifiant évoluent, il faut encore envisager les procédures d’inscription. Si les coordonnées changent, certains offices imposent l’inscription d’un tel changement. Pour ces modifications tenant aux personnes inscrites et non aux actes, en premier lieu on vérifie si le changement emporte un changement de personne (physique ou morale). Il y a modification de la personne à la suite d’une cession, d’une fusion, éventuellement à la suite d’une scission d’une personne morale.

Si les appelants sont parvenus à démontrer que la demande de brevet  appartient désormais à la société Finter Lane, il n’en demeure  pas  moins que le transfert de propriété du  brevet  doit être opposable à l’intimée. À cet égard, l’intimée soutenait que le transfert de propriété lui était inopposable à défaut  d’avoir fait l’objet d’une publication au registre européen des  brevets .

En l’occurrence, la cour a effectivement constaté que le transfert de la qualité de propriétaire n’a pas fait l’objet d’une publication auprès de l’OEB, et a donc considéré, sans surprise, qu’il demeure inopposable à l’intimée.

Les conventions portant sur des brevets sont soumises à des règles strictes de formalisme, l’obligation d’établir un écrit (CPI, art. L. 613-18. – C.-Th. BARREAU-SALIOU, Les publicités légales – Information du public et preuve des actes, 1990, LGDJ, nos 98 et 211. – Com. 4 nov. 1976, Dossiers brevets 1977, III, p. 7. – TGI Bordeaux, 22 sept. 1987, PIBD 422/1987, III, p. 435), dont la fonction est d’assurer la validité, la publicité et l’opposabilité de l’acte (CPI, art. L. 613-9).

B. La contrefaçon de Brevet

La contrefaçon constitue la qualification spécifique en propriété intellectuelle pour toute atteinte ou tout usage non autorisé d’un bien intellectuel, dont un brevet. Elle vise toute utilisation non autorisée d’une invention appropriée. Cette qualification spécifique est requise notamment en raison de la conservation de la jouissance du brevet par son propriétaire lors de l’utilisation frauduleuse. Le droit civil de la contrefaçon impose de présenter, dans un premier temps, les éléments constitutifs de la contrefaçon puis, dans un second temps, la procédure civile tendant à faire condamner la contrefaçon constatée.

La contrefaçon est une atteinte au brevet. Il s’agit en pratique d’une copie, d’une utilisation non autorisée, d’un bien approprié, le contenu de la copie pris en compte variant selon l’objet approprié par tel ou tel régime de propriété.

La contrefaçon est constituée par toute atteinte à un brevet. Cette définition large recouvre précisément l’objectif du législateur. La définition légale de l’atteinte à la propriété se fait par le biais de renvois ou par une formule synthétique, adoptée pour le droit des brevets à l’article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle qui effectue un renvoi aux articles L. 613-3 à L. 613-6. Ainsi, constitue une offre, au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, toute opération matérielle tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine d’un produit, même s’il est encore au stade de prototype non homologué, dans la mesure où la présentation du produit sous forme de prototype est susceptible de détourner une partie de la clientèle du produit breveté.

L’accomplissement de tels actes sans autorisation préalable du propriétaire du brevet constitue une contrefaçon. La méthode législative adoptée pour définir les actes de contrefaçon diffère un peu, la contrefaçon est établie dès lors qu’il y a atteinte aux prérogatives, ou fonctions, attachées au brevet. Toutes les exceptions, toutes les limites à la propriété, sont hors du droit de la contrefaçon. La contrefaçon est constituée par l’usage du bien, la reproduction du bien, son importation, sa détention en vue de son utilisation ou de sa mise dans le commerce.

Une limite importante est constituée par la règle de l’épuisement des droits assurant une libre circulation des biens intellectuels sur le territoire de l’Union européenne. La contrefaçon ne se limite pas à cette seule hypothèse. Sans qu’il y ait une reproduction à l’identique, il est possible que la reproduction reprenne les caractéristiques principales du bien approprié. La question est alors de déterminer si cela constitue ou non une contrefaçon. La contrefaçon s’apprécie par la reprise des caractéristiques essentielles du bien approprié.

L’appréciation de la contrefaçon s’effectue au regard des ressemblances, non des différences. L’imitation est donc une contrefaçon comme la copie servile, ce qui étend le domaine de la propriété. En droit des brevets, il s’agit de l’utilisation de moyens équivalents (Com. 2 nov. 2011, Propr. ind. 2012. Comm. 30, obs. P. Vigand). La contrefaçon par équivalence suppose que le moyen incriminé produise le même effet technique que celui produit par le moyen revendiqué. En présence de différences de forme des moyens mis en œuvre, la reproduction de l’invention ne constitue pas une reproduction littérale des caractéristiques des revendications, mais que, remplissant les mêmes fonctions en vue du même résultat que l’invention, ou la fonction exercée par cette forme différente des moyens procurait les mêmes avantages en vue du même résultat, constitue une contrefaçon par équivalence.

On peut aussi intégrer dans ce cas la livraison ou l’offre de livraison des moyens en vue de la mise en œuvre du brevet. La Cour de cassation a ainsi rappelé que la contrefaçon, par fourniture de moyens, d’un brevet couvrant une invention consistant en une combinaison de moyens peut résulter de la fourniture d’un moyen se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ce moyen est apte et destiné à la mise en œuvre de cette invention, alors même qu’il en est un élément constitutif. Au même visa, elle ajoute qu’est interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l’offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l’invention brevetée, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel, de sorte qu’il est indifférent que ce moyen puisse consister en un élément consommable, s’il revêt ce caractère essentiel.

À l’inverse de la procédure pénale, la bonne foi du contrefacteur est indifférente en droit civil, sous réserve de quelques exceptions. Toutefois, en droit des brevets, la bonne foi est prise en considération pour une partie des actes de contrefaçon, dans une approche opposée à celle du droit d’auteur. L’article L. 615-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle expose une liste limitative d’actes constituant des contrefaçons uniquement si l’auteur de ces actes les a été commis en connaissance de cause. La bonne foi peut être invoquée en cas d’offre, de mise dans le commerce, d’utilisation, de détention en vue de l’utilisation ou de mise dans le commerce d’un produit contrefaisant (Com. 6 nov. 2012, PIBD 2013, no 976, III-893 ; Propr. ind. 2014. Comm. 1, note P. Vigand). Dans tous les autres cas, elle est indifférente.

Pour que l’action en contrefaçon soit recevable, il est nécessaire que le brevet soit opposable aux tiers, ce qui est acquis à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique (CPI, art. L. 615-4 ). Les faits antérieurs à la publication de cette demande ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés. L’article L. 615-4 ajoute deux cas particuliers à cette règle.

D’une part, entre la date de publication de la demande et celle de publication de la délivrance du brevet, ce dernier n’est opposable que dans la mesure où les revendications n’ont pas été étendues après la première de ces dates. D’autre part, lorsque le brevet concerne l’utilisation d’un micro-organisme, il n’est opposable qu’à compter du jour où le micro-organisme est mis à la disposition du public. Un décalage, pouvant atteindre jusqu’à dix-huit mois en droit des brevets, entre le moment où naît la propriété et le moment où la propriété est opposable, peut exister. Cette période grise est comblée par le propriétaire du brevet par une notification.

Les faits postérieurs à la notification faite au présumé contrefacteur d’une copie de la demande de brevet peuvent être poursuivis en contrefaçon. Dans tous les cas, le tribunal saisi sursoit à statuer jusqu’à la délivrance du brevet. L’opposabilité doit aussi être envisagée pour les cessions de brevets, toutes les fois où la cession doit faire l’objet d’une publication. Un délai créant une éventuelle période grise se retrouve. Elle peut faire éventuellement l’objet d’un aménagement contractuel.

Les actions en contrefaçon sont prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause. Le point de départ de ce délai et la nature de l’infraction, instantanée ou continue, dépendent des faits et de la qualification attribuée à la contrefaçon. L’infraction présente un caractère continu ; tant que l’on jouit du brevet sans autorisation, la contrefaçon perdure. Dès lors, le point de départ du délai de prescription devrait courir à compter du jour où cesse l’usage indu du brevet. Cependant, les juges n’adoptent pas systématiquement cette approche, retenant la date du premier acte de contrefaçon pour faire courir le délai de prescription.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la transmissibilité de brevet, cliquez

Sources :

Paris, pôle 5 – ch. 1, 21 sept. 2022, n° 20/14418.
Paris, pôle 5 – ch. 2, 9 sept. 2022, n° 20/12901
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 juillet 2017, 15-20.554, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 juin 2017, 15-24.372, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 juin 2017, 15-29.378, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 11-23.474, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

DIFFUSION D’IMAGES AU-DELA DU DELAI AUTORISE : ATTEINTE A LA VIE PRIVEE

Dans une affaire concernant la diffusion de photos érotiques sur internet au-delà du terme du contrat, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que l’article 9 du code civil devait être utilisé comme fondement juridique à l’expiration d’une autorisation d’utilisation de droit à l’image, et non la responsabilité contractuelle.

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Par son jugement du 17 mai 2023 (Tribunal judiciaire de Paris, 17ème Ch. – Presse-civile, jugement du 17 mai 2023), le tribunal condamne le photographe, responsable éditorial du site sur lequel sont publiées les photos, à verser 3 000 € à la femme modèle en réparation de son préjudice moral et 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

En 2009, une femme avait conclu un contrat de cession avec un photographe l’autorisant à faire un usage commercial de l’ensemble des photos et vidéos d’elle et notamment à les mettre en ligne, pour une durée de 10 ans. En 2021, elle a fait constater par huissier le maintien en ligne de 116 photos et vidéos de sa personne et a sollicité leur retrait ainsi qu’une indemnisation frauduleuse et commerciale de ces images. Le photographe a retiré les clichés mais a refusé de verser l’indemnité du fait de l’audience confidentielle de son site. Le tribunal a donné gain de cause à la modèle et a confirmé qu’elle avait agi sur le bon fondement juridique, celui de l’article 9 du code civil et de la violation de son droit à l’image.


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Le photographe estimait que l’action aurait dû être fondée sur le régime de la responsabilité contractuelle et non extracontractuelle car les faits litigieux se rattachaient à l’exécution du contrat et plus précisément « au prétendu manquement à l’obligation librement définie par les parties de ne pas poursuivre la diffusion des matériels en question ». Or, à compter du 25 mai 2019, il n’existait plus aucun lien contractuel entre les deux parties, l’autorisation de diffusion des images litigieuses ayant expiré et aucune disposition de ce contrat ne prévoyait que les parties seraient tenues par des obligations au-delà du terme de celui-ci. « Déduire des stipulations du contrat, et de la circonstance que la diffusion litigieuse est la continuation d’une publication licite antérieure, l’existence d’une obligation contractuelle, générale et sans terme défini, de ne pas poursuivre la diffusion de l’image de la demanderesse irait ainsi à l’encontre de l’économie générale de l’autorisation accordée et reviendrait à permettre la poursuite artificielle du contrat au-delà de sa date d’expiration, précisément fixée par les parties conformément aux règles applicables en matière de cession de droit à l’image. », rappelle le tribunal.

I. Le Tribunal exclure la responsabilité contractuelle et retient l’atteinte à la vie privée

Le Tribunal a constaté que le maintien des photos et vidéos de la requérante par le photographe sur le site internet n’était plus contractuel. Il a donc jugé à bon droit le défaut du consentement de la requérante.

A) Les éléments constitutifs de l’atteinte à la vie privée

Selon l’article 9 du Code civil, Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Le Code pénal également se prononce sur l’atteinte à la vie privée en son Art. 226-1. Il dispose qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :

1o En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2o En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ;

(L. no 2020-936 du 30 juill. 2020, art. 17) «3o En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci.»

Lorsque les actes mentionnés (L. no 2020-936 du 30 juill. 2020, art. 17) « aux 1o et 2o du [ancienne rédaction : au]» présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

(L. no 2020-936 du 30 juill. 2020, art. 17) « Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis sur la personne d’un mineur, le consentement doit émaner des titulaires de l’autorité parentale.

« Lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende.».

Le droit au respect de la vie privée est aussi protégé par l’article 8 de la CEDH en disposant que : 1/ Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2/ Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d’autrui »

Ainsi, l’atteinte à la vie privée peut prendre différentes formes, mais voici quelques exemples d’éléments constitutifs possibles :

  • L’intrusion dans la vie privée : cela peut inclure l’observation, la surveillance ou la prise de photos ou de vidéos à l’insu d’une personne dans des lieux privés (comme sa maison, sa chambre ou sa salle de bain) ;
  • La divulgation de renseignements personnels : cela peut inclure la divulgation de renseignements tels que l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro de sécurité sociale, les antécédents médicaux, les opinions politiques ou religieux, sans le consentement de la personne concernée ; un employeur a besoin de connaître l’adresse de ses salariés. En revanche, il n’a pas le droit de communiquer cette adresse aux personnes qui n’ont pas à la connaître. De la même manière, un employeur porte atteinte à la vie privée de ses salariés lorsqu’il transmet sans leur accord, à différents syndicats, des bulletins de paie sans effacer les données personnelles non nécessaires à la résolution du litige pour lequel la transmission des bulletins de paie était nécessaire ;
  • L’utilisation non autorisée de l’identité d’une personne : cela peut inclure l’utilisation du nom, de l’image ou de tout autre élément d’identité d’une personne sans son autorisation ;
  • La diffamation : cela peut inclure la publication de fausses informations sur une personne, qui peuvent nuire à sa réputation ou à sa vie professionnelle ;
  • La violation de la confidentialité des communications : cela peut inclure l’interception de communications privées, comme les courriels, les messages texte ou les conversations téléphoniques ; un employeur, qui consulte la messagerie personnelle qu’un salarié a installée sur son téléphone professionnel malgré l’interdiction énoncée par le règlement intérieur de l’entreprise, commet un délit de violation du secret des correspondances privées électroniques ;
  • La collecte de renseignements personnels sans consentement : cela peut inclure la collecte de renseignements personnels sur une personne sans son autorisation, comme le suivi de ses déplacements ou la collecte de données à partir de ses comptes de réseaux sociaux. Est légalement justifié l’arrêt qui, rendu en référé, déclare admissible la preuve tirée des constatations opérées par un huissier de justice ayant filmé une partie sur la voie publique ou en des lieux ouverts au public, sans provocation aucune à s’y rendre, et relatives aux seules mobilité et autonomie de l’intéressé, dès lors qu’a été retenue la non disproportion de l’atteinte à la vie privée par rapport aux droits et intérêts en cause ;

Si les personnes morales disposent, notamment, d’un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée au sens de l’article 9 du code civil .

B) Élément moral de l’infraction d’atteinte à la vie privée

Comme il s’agit d’une infraction intentionnelle, il est nécessaire de prouver l’intention coupable de l’auteur.

Il existe des faits justificatifs, c’est-à-dire des circonstances qui légitiment la commission de l’infraction, de sorte que l’auteur ne sera pas punissable :

1).  —  d’abord, En cas de nécessité pour sa propre défense, il est possible d’enregistrer les propos d’une personne, sans son consentement, au cours d’une conversation téléphonique que l’on a avec elle, afin de contredire ses accusations en justice.

2).  —  puis, la sonorisation ou fixation d’images au cours d’une instruction justifiant l’application de règles particulières est possible.

3).  —  enfin, la vidéosurveillance est possible, mais très encadrée par la loi.

II. Quelle condamnation peut prononcer le tribunal ?

Il est nécessaire d’agir rapidement afin d’éviter que le contenu litigieux ne se répande. C’est particulièrement le cas s’il s’agit d’une violation de la vie privée sur internet. En effet, en raison de la rapidité de diffusion, il est extrêmement difficile de supprimer un contenu une fois que celui-ci a été publié.

La meilleure solution consiste donc à saisir le juge des référés, qui peut agir en quelques jours, voire en quelques heures dans les cas d’extrême urgence. Il peut ordonner des mesures provisoires pour prévenir ou pour faire cesser l’atteinte. Par exemple il peut ordonner le retrait de publications litigieuses sur un site internet. L’auteur de l’atteinte à la vie privée doit exécuter ces mesures immédiatement.

Il existe deux types de sanctions en cas de violation de la vie privée :

A) Sanction civile

La violation du droit à la vie privée en tant que telle donne droit à réparation. Le juge peut condamner l’auteur de l’atteinte à la vie privée à verser des dommages et intérêts à la victime. Il fixe le montant des dommages et intérêts en fonction de la gravité du préjudice. Le juge peut aussi prescrire toutes les mesures propres à empêcher ou faire cesser la violation (séquestre, saisie ou autre).

B) Sanction pénale

L’atteinte à la vie privée est aussi un délit pénal. L’article 226-1 du Code pénal dispose que « est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 € d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :1°/ En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2°/ En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »

Ces sanctions sont augmentées si la violation de la vie privée est commise par une personne morale.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la diffusion d’images au delà du délai autorisé et des problèmes que cela peut causer pour la protection de la vie privée, cliquez

Sources :

  1. https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-17eme-ch-presse-civile-jugement-du-17-mai-2023/
  2. https://www.legalis.net/actualite/diffusion-dimages-au-dela-du-delai-autorise-atteinte-a-la-vie-privee/
  3. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 novembre 2018, 17-16.799, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 24 mars 2020, 19-82.069, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 octobre 2012, 11-17.476, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 mars 2016, 15-14.072, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

L’utilisation d’une image libre de droits ne dispense pas du respect du droit moral de l’auteur

La décision rendue par la cour d’appel de Rennes permet de rappeler qu’un écrit mentionnant qu’une photographie était libre de droits n’affranchit pas l’utilisateur du respect des prérogatives morales du photographe.

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Les faits présentés sont les suivants : un individu prétend exercer une activité de journaliste-reporter-photographe, alors qu’il ne dispose pas de carte professionnelle. Il est également le directeur et fondateur d’un journal depuis 1988. La municipalité l’avait sollicité en 2016 afin de réaliser un reportage sur la ville. Un devis de 2 500 € avait été établi le 30 juin 2016 à la suite duquel plusieurs clichés avaient été pris. La facture émise le 7 octobre 2016 et réglée, faisait état de la mention suivante : « les photographies sont libres de droits ». Au changement de municipalité, le photographe a perdu ses accréditations pour les évènements organisés par la commune. Pourtant, sur le site internet de la municipalité était publiée l’une de ses photographies, recadrée et utilisée sans son accord.

Le photographe assigne donc la municipalité en contrefaçon de droit d’auteur et en paiement de diverses sommes ; des demandes pour lesquelles les juges du fond le déboutent finalement. L’appel interjeté vise à faire reconnaître que la commune est coupable d’actes de contrefaçon et responsable du préjudice subi qui découle de l’atteinte aux droits moraux et patrimoniaux, au non-respect de l’œuvre.


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I. L’appréciation de l’originalité de la photographie

A. Source de l’exigence

L’exigence d’originalité n’est pas formulée de manière expresse par le législateur français, sauf pour les titres des œuvres (CPI, art. L. 112-4), où elle est d’ailleurs d’application délicate. Mais la jurisprudence s’y réfère constamment depuis des décennies.

Notion d’originalité – d’abord, l’appréciation de l’originalité de la photographie se situe à L’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle qui dresse une liste non exhaustive des œuvres dites de l’esprit bénéficiant de la protection au titre du droit d’auteur. Figure au neuvième alinéa de cet article une mention relative aux œuvres photographiques. En ce sens, les photographies sont considérées par principe comme des œuvres de l’esprit, ce qui octroie au photographe un droit d’auteur sur ces dernières. Mais la protection de la photographie en tant que telle relève en réalité d’un contentieux particulièrement dense.

L’originalité s’entend traditionnellement en droit français de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Elle s’oppose ainsi à la notion objective de nouveauté, qui renvoie à l’absence d’antériorité. C’est sur la base de cette distinction que la Cour de cassation a censuré, au visa des articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle , l’arrêt qui avait déduit l’originalité d’un ouvrage sur la Corse de la conjonction de caractéristiques éditoriales tenant notamment au format adopté, à la couleur et à la qualité du papier choisi et à l’apposition de simples légendes, caractéristiques qui se trouvaient pour la première fois réunies, en lui reprochant d’avoir ainsi fondé sa décision sur l’absence d’antériorité de toutes pièces et le caractère nouveau des choix opérés, sans caractériser en quoi ces choix, pour arbitraires qu’ils soient, portaient l’empreinte de la personnalité de ses auteurs.

Une approche plus objective a toutefois été retenue par la Cour de justice dans l’affaire Infopaq où la notion d’originalité a été érigée en notion autonome de droit de l’Union et l’œuvre originale définie comme la « création intellectuelle propre à (son) auteur » (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-5/08, pt 35).

Œuvres techniques – L’approche subjective de l’originalité n’est pas très facile à concilier avec l’accès à la protection des œuvres de caractère technique. La difficulté a surtout été relevée pour les logiciels. La loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 les a ajoutés à la liste des œuvres protégeables, mais s’est bien gardée de préciser en quoi peut consister cette originalité. La directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 (« consolidée » par la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009), transposée en droit français par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994, ne jette aucune lumière dans ce débat en définissant le programme original comme celui qui est « la création intellectuelle propre à son auteur » (art. 1.3).

Œuvres premières et œuvres dérivées – L’œuvre peut répondre à la condition d’originalité tout en empruntant à une œuvre préexistante des éléments donnant prise au droit d’auteur. L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle admet ainsi au bénéfice de la protection les « traductions, adaptations, transformations ou arrangements » (V. pour une traduction, relevant « l’existence d’un dialogue intime » avec l’œuvre première, CA Paris, pôle 5-1, 7 juin 2016, n° 15/03475 : Propr. intell. 2016, p. 428, 2e esp., obs. J.-M. Bruguière. – Mais V. pour une traduction non originale, témoignant seulement du savoir-faire et de l’érudition du traducteur, CA Paris, pôle 5-1, 29 juin 2021, n° 18/21198 : LEPI janv. 2022, p. 2, obs. A. Zollinger), de même que les « anthologies et recueils d’œuvres diverses », « le caractère relatif de l’originalité n’est pas exclusif de l’empreinte de la personnalité »), ce qui, bien sûr, n’empêche pas l’œuvre seconde d’être contrefaisante si son auteur n’a pas obtenu l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première.

Pour la même raison, l’emprunt à des éléments du domaine public n’empêche pas l’œuvre seconde d’être originale. On en déduit par exemple, dans le domaine musical, que l’œuvre peut être inspirée du folklore (V. pour des improvisations du guitariste Manitas de Plata : Cass. 1re civ., 1er juill. 1970) et que peuvent être protégées des partitions permettant de faire revivre, à partir de sources lacunaires ou altérées, les œuvres du « maître de musique » français Michel-Richard de Lalande.

Copies et restaurations d’œuvres graphiques ou plastiques – La Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « les copies d’œuvres d’art plastique jouissent de la protection instituée par le Code de la propriété intellectuelle, dès lors, qu’exécutées de la main même de leur auteur, elles portent l’empreinte de sa personnalité ». . On rapprochera cette jurisprudence de celle admettant la protection par le droit d’auteur de la « reconstitution » de sculptures de la façade du château de Versailles, de la restauration du « grand parterre central de broderies » du parc de Vaux-le-Vicomte (CA Paris, 4e ch., 11 févr. 2004, n° 2002/10230), et de la « restructuration » dans le style classique de l’orgue de chœur de la cathédrale de Strasbourg construit en 1878 dans le style romantique (CE, 14 juin 1999, n° 181023).

B. Preuve de l’originalité

L’originalité ne pouvant s’attacher à un genre, elle doit être constatée cas par cas, décidant que l’obligation d’apprécier l’originalité de chaque photographie, objet du litige, n’interdit pas de « les regrouper, en fonction de leurs caractéristiques », admettant que la reconnaissance de la contrefaçon d’une masse d’œuvres n’oblige pas le juge pénal à les identifier précisément, ni même à caractériser leur originalité individuellement.

Le juge ne saurait exclure l’originalité d’une œuvre, qui doit être appréciée dans son ensemble, au seul motif que les éléments la constituant sont banals. C’est normalement à celui qui se prévaut du monopole d’auteur de démontrer que l’œuvre remplit les conditions pour être investie de la protection légale, ce qui suppose qu’il la verse aux débats.

Il faut bien voir cependant que pour la plupart des œuvres, l’originalité coule de source et ne donne lieu à aucune contestation, de sorte que tout se passe en pratique comme si l’œuvre bénéficiait d’une présomption d’originalité. Ainsi, l’originalité des dessins, peintures, sculptures, gravures, lithographies et illustrations visés par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se déduit nécessairement de la paternité et elle est rarement discutée. C’est seulement dans les cas limites où la nature de l’œuvre fait douter de la possibilité de la protection, que le débat sur l’originalité revient au premier plan et que les règles de droit commun sur la charge de la preuve reçoivent application.

Tel est le cas pour les logiciels, dont l’originalité est, dans la pratique, établie à partir de rapports d’expertise, pour les œuvres des arts appliqués. Pour les photographies dites « de plateau », qui servent notamment à fournir des repères lors du montage d’un film. Toutefois, si l’assignation doit décrire et identifier l’œuvre revendiquée, elle n’a pas à établir son originalité.

II. Prérogatives accordées aux auteurs

A. Droit moral

Article L121-1 CPI L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

Le droit moral est dit extra-patrimonial. Il est attaché à la personne du titulaire qui, de son vivant, en a le seul exercice. En outre, il est perpétuel et inaliénable. On ne peut ni le céder, ni y renoncer. Le droit moral est également imprescriptible. Cela signifie qu’il ne s’acquiert ni ne se perd par l’écoulement du temps.

Le droit moral se définit comme le lien juridiquement protégé, unissant le créateur à son œuvre et lui conférant des prérogatives souveraines à l’égard des usagers, l’œuvre fut- elle entrée dans le circuit économique. Le code de la propriété intellectuelle décline le droit moral en quatre prérogatives : le droit de divulgation, le droit de repentir, le droit à la paternité, le droit au respect de l’œuvre. Le code de la propriété intellectuelle précise le droit moral à l’article L111-1 dans lequel il est précisé qu’outre la partie du droit du créateur et les droits patrimoniaux «  comportent des attributs d’ordre intellectuel et moral »

1) Droit de divulgation

Le droit de divulgation correspond à la phase de mise en contact de l’œuvre avec le public, celle-ci ne peut être décidée que par l’auteur « seul » sauf cas des œuvres collectives ou œuvre participative dans lesquelles les règles sont différentes. Le droit de divulgation se consomme dès son premier usage. Les conditions et les procédés choisis pour la divulgation sont aux seuls choix de l’auteur, un créancier de l’auteur ne peut pas exercer ce droit de divulgation en lieu et place de l’auteur débiteur, la divulgation de l’œuvre ne peut pas être contrainte par exécution forcée. Ainsi, le droit de divulgation correspond à un droit personnel, tous les actes postérieurs à la divulgation relèveront du droit patrimonial de l’œuvre.

Il est nécessaire lors de la divulgation d’un fait matériel de publication et un critère intentionnel démontrant la volonté de l’auteur de communiquer son œuvre au public, la remise à un tiers n’entraîne pas la divulgation. Ces deux critères sont cumulatifs pour intenter une action en divulgation.

2) Droit de repentir

Le droit de repentir correspond au droit de revenir sur son œuvre, il arrive pour un auteur de regretter une œuvre ou même de la trouvé imparfaite peu de temps après sa divulgation, ce droit de repentir prévu à l’article L121-4 du Code de la propriété intellectuelle , cet article prévoit que l’auteur a un droit de repentir même après la divulgation de son œuvre et non le support de celle-ci. Ce droit porte sur toutes les œuvres à l’exception de celles exclues expressément par certains textes spéciaux tels que pour le logiciel.

Le droit de repentir ne s’applique que dans le cadre contractuel, tel que le contrat de cession ou de licence. Afin de mettre en œuvre le droit de repentir, cela nécessite une indemnisation du cessionnaire par l’auteur les conditions relatives à l’indemnisation son prévu à l’article L121-4 du code la propriété intellectuelle.

3) Le droit à la paternité

Le droit à la paternité est une faculté accordée à l’auteur de revendiquer sa qualité d’auteur et d’exiger la figuration de son nom à côté de l’œuvre. L’auteur de l’œuvre jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit à la paternité de l’auteur est lié à la divulgation de l’œuvre.

4) Le droit au respect de l’œuvre

L’article L121-1 précise que l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. »

B. Droits patrimoniaux

  1. La composition des droits patrimoniaux.

La nature de ces droits consiste essentiellement en un privilège exclusif reconnu à l’auteur, puis à ses ayants droit, d’une exploitation temporaire de ses oeuvres. Les droits patrimoniaux se composent de quatre attributs :

Tout d’abord le premier attribut est le droit de reproduction. Ce droit consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre au public par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte (art. L. 122-3 CPI). Le Code cite notamment : « l’imprimerie, la photographie et tout procédé des arts graphiques et plastiques ainsi que l’enregistrement mécanique cinématographique ou magnétique ». L’autorisation de l’auteur est requise pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre, que la copie soit pérenne ou éphémère. L’usage est dit public lorsque la reproduction est destinée à une autre personne que celle l’ayant réalisée.

Ensuite le second attribut est le droit de représentation. La loi précise que la communication de l’oeuvre au public peut se faire « notamment » de deux façons : soit directement, par la représentation d’un spectacle vivant, la projection publique d’un film ou la diffusion publique d’un disque, par exemple, soit indirectement, en rendant l’oeuvre accessible au public par télédiffusion.

Le troisième attribut des droits patrimoniaux est le droit d’adaptation. Par ce droit, l’auteur autorise ou non l’acquéreur à procéder à une modification de l’œuvre en vue de l’adapter. À titre d’exemple, un logiciel peut s’avérer vétuste passé un délai de trois ans et nécessiter une mise à niveau en rapport avec les besoins de son utilisateur, sans toutefois avoir besoin de le remplacer. Dans le domaine musical ce droit s’appelle le droit de synchronisation mais l’on est ici à la limite du respect du droit moral de l’auteur.

Enfin les droits patrimoniaux sont composés d’un quatrième attribut, il s’agit du droit de suite. Le droit de suite est un droit qui bénéficie exclusivement aux auteurs d’œuvres graphiques ou plastiques. Ces auteurs disposent du droit inaliénable de participer au produit de la vente de leurs œuvres faites aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant (art. L. 122-8 CPI).

  1. Les caractères des droits patrimoniaux

Les caractères des droits patrimoniaux sont au nombre de quatre :

D’une part il s’agit de droits universels. Dans tous les pays qui admettent le principe de la propriété littéraire et artistique, des droits pécuniaires sont reconnus aux auteurs. Ce type de droit est consacré au niveau international par les conventions de Berne1 et de Genève2.

D’autre part il s’agit de droits exclusifs. C’est-à-dire que les droits patrimoniaux appartiennent en propre à l’auteur. Lui seul peut fixer les conditions d’exploitation de son oeuvre. Avec cette conséquence, que lui revient directement ou indirectement, le produit de cette exploitation. En revanche, on remarque qu’un des quatre droits pécuniaires ne répond pas à ces règles générales, il s’agit du droit de suite, qui concerne essentiellement les auteurs d’œuvres plastiques.

Ensuite les droits patrimoniaux sont des droits cessibles. Alors que les droits moraux sont inaliénables, les droits patrimoniaux peuvent être librement cédés ou concédés à des tiers, à titre gratuit ou onéreux. Le cessionnaire ou le concessionnaire peuvent indifféremment être des personnes physiques ou morales. Toutefois des limites existent au droit de cession. À l’instar du droit moral, le droit de suite n’est pas cessible. Quant aux droits de représentation et de reproduction, des restrictions ont été adoptées concernant notamment la cession globale d’oeuvres futures.

Enfin en dernier lieu, les droits patrimoniaux sont des droits temporaires. À l’inverse du droit de propriété, qui est perpétuel, l’idée est que le monopole d’exploitation accordé à l’auteur ne doit pas devenir exorbitant par rapport au droit du public d’accéder aux œuvres. Passée une certaine durée, suivant le décès de l’auteur, les œuvres tombent dans le domaine public et deviennent de ce fait libres de droits, c’est-à-dire qu’il n’est alors plus nécessaire d’obtenir d’autorisation, ni de verser une quelconque rémunération. Sauf cas particulier, cette durée est de soixante-dix ans pour les ayants droits à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle du décès de l’auteur.

 

III. L’atteinte au droit moral de l’auteur

La violation du droit moral de l’auteur (par exemple quelqu’un porte atteinte au droit de divulgation ou de paternité de l’auteur, atteinte au droit au respect de l’oeuvre) ;

La violation de ses droits patrimoniaux (reproduction et/ou représentation intégrale ou partielle de l’oeuvre sans autorisation de l’auteur).

En cas de litige, la victime peut saisir le juge civil par le biais d’une assignation devant le Tribunal de Grande Instance afin d’obtenir entre autres mesures :

l’allocation de dommages et intérêts à l’auteur en réparation du préjudice subi

la cessation de l’exploitation de l’oeuvre contrefaisante

La victime peut également saisir le juge pénal par un dépôt de plainte auprès du Procureur de la République.

Ces infractions donnent lieu à des sanctions pénales (article L. 335-2 CPI : 3 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende et, le cas échéant, confiscation des recettes procurées par l’infraction ou des objets contrefaisants).

Dans le cas d’espèce cité ci-dessus, la question était de savoir si le fait d’avoir recadré et publié la photographie sans l’accord de l’auteur était constitutif à la fois d’un acte de contrefaçon et causait un préjudice moral distinct ?

La cour d’appel de Rennes considère que différents éléments illustrent l’originalité de la photographie de laquelle se déduit l’empreinte de la personnalité de son auteur. Elle ordonne que le jugement soit infirmé sur ce point. Elle admet également l’atteinte au droit moral de l’auteur, mais rejette la demande fondée sur l’atteinte au droit patrimonial puisque le devis signé faisait mention du fait que les photographies étaient libres de droits. L’auteur avait donc renoncé à sa rémunération. Enfin, elle considère qu’il n’y a pas de préjudice moral distinct du droit moral de l’auteur. En motivant ainsi sa décision, la cour d’appel de Rennes vient alimenter le contentieux en la matière et procède de façon relativement classique à l’appréciation de l’originalité de la photographie. Elle poursuit en distinguant l’atteinte au droit moral de celle du droit patrimonial, mais rejette l’existence d’un préjudice moral distinct.

Les juges ont ainsi condamné la municipalité à verser à l’auteur la somme de 500 €, en raison du recadrage de l’œuvre, et de l’absence d’apposition du nom du photographe sur le site Internet de la municipalité, et ce sans autorisation de l’auteur.

La mention libre de droit ne peut donc viser, selon la cour, que l’absence de rémunération puisque « la gratuité d’utilisation ne pouvait être confondue avec une utilisation modifiée sans autorisation et sans le nom de son auteur, le droit moral étant incessible ».

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Sources :

Cour d’appel de Rennes, 1re chambre, 17 janvier 2023, n° 20/05121 | Doctrine
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 11 février 1997, 95-13.176, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 février 2004, 01-16.415, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 9 novembre 1993, 91-17.061, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 10-16.063 10-30.676, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 février 2018, 16-86.881, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2012, 11-10.463, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 12 janvier 1994, 91-15.718, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
http://www.jurizine.net/2005/09/02/11-les-droits-patrimoniaux-de-l-auteur-sur-son-oeuvre

Copie d’un site : condamnation pour parasitisme

Qu’est-ce que le parasitisme entre deux sociétés ?

« Les nombreuses reprises d’éléments du site c-monetiquette.fr par le site etiquettes-folies.fr précédemment relevées qui doivent être appréhendées dans leur globalité, ce quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché et témoignent d’une volonté de la société Art et Pub de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage de la société Léa caractérisant ainsi un comportement fautif constitutif d’agissements parasitaires », a jugé la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 décembre 2022.

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Elle a conclu que cet acte de concurrence déloyale constaté a généré un trouble commercial constitutif de préjudice et a condamné Art et Pub à verser 20 000 € de dommages-intérêts.

La cour, qui a infirmé le jugement de première instance, procède à une analyse précise des actes de parasitisme de la reprise d’éléments d’un site internet par un site concurrent. Elle a commencé par constater que le site de Art et Pub Etiquettes-folies.fr était postérieur à C-monetiquette.fr, celui de la société Léa, et qu’il reprenait à l’identique ou presque des rubriques ainsi que les présentations et les textes.


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La cour a rejeté l’argument d’Art et Pub lié aux investissements consentis pour le site, constatant qu’ils n’étaient pas liés à sa conception et à sa présentation.

I. Caractérisation du parasitisme

A. Notion de parasitisme

Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. Le parasitisme ne peut pas se déduire du seul fait qu’une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé depuis longtemps et avec succès par une autre entreprise.

À la différence de la concurrence déloyale, le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité. La notoriété du produit prétendument copié n’est pas une condition nécessaire du parasitisme, qui peut être constitué par la reprise des investissements allégués, indépendamment des frais exposés par l’auteur du parasitisme.

Il est de jurisprudence constante que le parasitisme peut être établi même en l’absence de toute situation de concurrence. À l’inverse, l’absence de concurrence n’est pas une condition du succès de l’action. L’action en parasitisme peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties.

Pour prouver la faute, il n’est pas non plus nécessaire d’établir le risque de confusion traditionnellement requis dans le cadre d’une action en concurrence déloyale.

Il importe peu également que les produits d’origine aient ou non été mis sur le marché géographique concerné avant que les copies y aient été commercialisées.

L’action en parasitisme peut être intentée même par celui qui ne peut pas, ou ne peut plus, se prévaloir d’un droit privatif.

Les agissements parasitaires peuvent être accomplis pour le compte d’un mandant. Ainsi, une société qui embauche un agent commercial d’une société concurrente, qui n’a pas d’interdiction de représenter d’autres sociétés et qui, à l’issue de son contrat, n’est pas tenu par une clause de non-concurrence, commet des actes relevant du parasitisme par l’intermédiaire de ce commercial.

Bien entendu, le parasitisme suppose une diffusion des agissements fautifs auprès de personnes autres que la victime ; tel est le cas même si le « public » s’avère être les seuls salariés de la victime.

Des actes qualifiés de caricature, de pastiche ou de parodie ne peuvent pas être sanctionnés au titre du parasitisme (CA Paris 25-1-2012 n° 10/09512).

B. Actes de parasitisme

  1. Spécialiste d’une marque

Ancien agent « Citroën » qui se présente comme « citroëniste indépendant » sur ses documents publicitaires et appose sur le toit de son garage une enseigne « Citroëniste » avec les lettres « iste » écrites en plus petit corps. Acte parasitaire, dès lors que l’utilisation publicitaire du nom commercial est faite par un ancien concessionnaire de la marque.

Ancien concessionnaire « Volvo » qui persiste à prendre des initiatives et à se présenter comme spécialiste Volvo dans des opérations publicitaires aboutissant à la vente de véhicules de la marque Volvo. Acte parasitaire, dès lors que ces agissements interviennent après la cessation du contrat de concession.

  1. Imitation du produit ou du conditionnement

Commercialisation d’un parfum dont le conditionnement ressemble de façon frappante à celui d’une grande marque, de telle sorte qu’un air de famille existe entre les deux parfums. Acte parasitaire, dès lors que cette ressemblance n’est pas le fruit du hasard mais résulte de la volonté de reproduire les caractéristiques du parfum de prestige et d’exploiter sa notoriété.

Fabrication et commercialisation par une société de flacons de désodorisant ménager similaires à ceux d’un concurrent mais auxquels elle a apporté une amélioration d’importance dans leur mode d’utilisation (CA Versailles 20-10-1993 : RJDA 6/94 n° 751). Acte non parasitaire, dès lors que la société a ajouté à un produit devenu banal (liquide désodorisant) un procédé d’utilisation jusque-là non pratiqué, de sorte que, pour ce faire, elle a dû procéder à des investissements et à des recherches techniques.

Vente par un fabricant de boissons à l’orange de bouteilles comportant des étiquettes présentant des similitudes avec celles d’un concurrent dont la notoriété est incontestable (CA Colmar 13-5-1994 : RJDA 11/94 n° 1249). Acte parasitaire, dès lors que le fabricant a profité du courant d’achats établi en faveur d’articles commercialisés par le concurrent et a évité une initiative commerciale impliquant diverses dépenses et la prise d’un risque.

Producteur de bananes qui, pour la commercialisation de ses fruits, se met à utiliser des bacs en plastique prêts à être mis en rayon alors qu’un concurrent a déjà adopté ce mode de conditionnement sur lequel il appose le dessin du fruit, sa marque et un slogan. Acte non parasitaire, dès lors que le bac en plastique, utilisé depuis longtemps comme mode de conditionnement dans ce secteur, constitue le seul point commun avec le mode de présentation des produits du concurrent, les autres éléments du concept n’ayant pas été repris.

Vente, par un distributeur, de vêtements qu’il a fait produire à l’étranger et qui sont très similaires à ceux d’un fabricant dont il avait auparavant obtenu des échantillons en vue de leur distribution (CA Paris 15-3-2000 n° 98-1684 : PIBD 2000 n° 702 III p. 375). Acte parasitaire, dès lors que le distributeur s’est ainsi approprié à moindre frais les efforts commerciaux entrepris par le fournisseur.

II. Sanction des actes parasitaires

A. Preuve de l’acte parasitaire

La concurrence déloyale se distingue sur ce point du parasitisme, puisque le succès de l’action en parasitisme suppose de démontrer que le parasite s’est volontairement placé dans le sillage d’un tiers (CA Paris, 30 juin 2021, no 18/26888, Contrats, conc. consom. 2021, comm. 165, note M. Malaurie-Vignal). Cette condition subordonne bien l’action en parasitisme à la preuve d’une faute intentionnelle. La preuve d’une usurpation de notoriété ou de « détournement d’investissements ».

Par ses actes, le parasite cherche à assimiler ses produits (ou ses services) et ceux d’une entreprise à la notoriété considérable, bénéficiant ainsi d’un profit illégitime. Néanmoins, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que « la notoriété du produit prétendument copié […] ne constitue pas une condition nécessaire pour établir un comportement parasitaire ». La notoriété serait donc vraisemblablement davantage un indice qu’une véritable condition. La théorie du parasitisme suppose que le parasite tire profit, sans contrepartie financière, « sans bourse délier », de la renommée, du sérieux ou encore du prestige du parasité. Il ne peut donc y avoir parasitisme si le prétendu parasite démontre qu’il a lui-même réalisé des investissements réels et sérieux en relation avec le produit ou le service concerné.

L’existence, pour le demandeur, d’investissements constitue une condition essentielle à la démonstration du parasitisme. À l’inverse, la cour d’appel de Paris a pu considérer que la démonstration par le défendeur de ce qu’il a réalisé des investissements pour la promotion du produit litigieux ne permettait pas, à elle seule, d’écarter le parasitisme, « le parasitisme n’excluant pas l’existence de dépenses effectuées par le parasite » (CA Paris, 14 déc. 2021, no 20/05805). La preuve des investissements réalisés demeure néanmoins un élément important et valorisé par la jurisprudence qui apprécie le parasitisme de manière globale en appliquant la méthode du faisceau d’indices.

B. Sanction de l’acte parasitaire

Plus récemment, la Cour de cassation a rappelé qu’il en est de même pour l’action en parasitisme. Cette action « fondée sur l’article 1382, devenu 1240 du code civil, qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties, dès lors que l’auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ».

La victime peut donc être un commerçant ou une société, mais aussi une association. Cela étant, il importe pour la victime de bien identifier son préjudice personnel.

La Haute juridiction a ainsi établi que les agissements parasitaires « peuvent être constitutifs d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil [devenu C. civ., art. 1240], même en l’absence de toute situation de concurrence ». Cette approche semble aujourd’hui acquise (CA Paris, 8 sept. 2004, no 03/04631 : « un comportement déloyal peut résulter d’un comportement parasitaire, même en l’absence de situation de concurrence » ; CA Toulouse, 5 avr. 2005, no 04/01758 : « La théorie des agissements parasitaires reste applicable lorsque (…) les entreprises concernées ne sont pas en situation de concurrence » ; T. com. Paris, 21 oct. 2019, no 2017004105 : « la circonstance que Canal + ait choisi de renoncer à la diffusion de l’émission « Le Zapping » ne saurait suffire, à elle seule, à exonérer France Télévisions des griefs qui sont formulés à son encontre, le parasitisme pouvant être constitué, même en l’absence de situation de concurrence effective »).

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Sources :

Cour d’appel de Paris, pôle 5 – Ch. 2, arrêt du 16 décembre 2022 /Sarl Léa / Sarl Art et Pub (https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-2-arret-du-16-decembre-2022/)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 16-23.694, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-18.669, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2012, 11-19.373, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 janvier 2022, 19-23.701, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 avril 2009, 07-17.529, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 décembre 2012, 11-24.798, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 février 2022, 20-13.542, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 juin 2015, 14-11.242, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mars 2021, 18-19.774, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 22 octobre 2002, 00-14.849, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mai 2021, 18-23.261 18-23.699, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 février 2013, 12-14.045, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, Chambre commerciale, du 29 juin 1993, 91-21.764, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 janvier 1994, 92-12.476, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 février 2014, 13-11.044, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 26 janvier 1999, 96-22.457, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 janvier 2022, 19-23.701, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mai 2012, 11-18.077, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 février 2022, 20-13.542, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 février 2020, 18-19.153, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 janvier 1996, 94-15.725, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)