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La loi Waserman et la protection des lanceurs d’alerte

L’expression « lanceur d’alerte » n’existait pas en langue française avant le mois de janvier 1996. La formule, aujourd’hui utilisée dans de multiples contextes, avec un sens précis ou de manière allusive, souvent comme traduction du terme anglo-saxon whistleblower, a été créée à l’issue de la préparation d’un séminaire sur les risques. 

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Engagé dans un projet de recherche intitulé « Les prophètes de malheur », l’auteur de ces lignes a proposé ce néologisme pour dépasser des notions préexistantes, trop réductrices. Face à des processus complexes, pleins de tensions et d’incertitudes, il fallait mettre à distance les jugements de valeurs et trouver une autre formule, la plus juste possible, pour désigner les personnes ou les groupes qui, rompant le silence, passent à l’action pour signaler l’imminence, ou la simple possibilité, d’un enchaînement catastrophique. Au cours des années 1990, le terme francophone correspondant à whistleblower n’était autre que… « dénonciateur ». C’est seulement en 2006, au vu du succès grandissant de la notion de « lanceur d’alerte » dans les pays francophones européens, que l’Office québécois de la langue française a choisi de modifier la traduction.

L’histoire des lanceurs d’alerte en France doit beaucoup à l’action d’André Cicolella. Chimiste et toxicologue, il se fait connaître au début des années 1990 par son travail sur la toxicité des éthers de glycol. Ses interrogations sur les effets d’une classe de produits chimiques abondamment utilisés dans l’industrie lui valent un licenciement pour faute grave. Il est en effet sanctionné pour avoir organisé en avril 1994 un symposium international contre l’avis de la direction de son établissement. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), son employeur, où il était entré en 1971, le congédie le mois suivant pour « insubordination délibérée et réitérée incompatible avec le fonctionnement normal d’une entreprise », faisant valoir que son statut d’ingénieur impliquait un lien de subordination à l’égard de sa hiérarchie. Cicolella proteste en arguant de son droit d’organiser librement des événements scientifiques, puisqu’il a agi en qualité de chercheur.


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Portée en justice, l’affaire fait grand bruit lorsque la cour d’appel de Nancy, le 17 juin 1998, puis la chambre sociale de la Cour de cassation, le 11 octobre 2000, valident la position de Cicolella, constatant ainsi l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. La liberté de la recherche est au cœur de conflits multiples, mais en l’espèce, le jugement s’appuie précisément sur sa qualité de toxicologue, qui lui confère le bénéfice de l’indépendance propre aux chercheurs. Le jugement fait jurisprudence et, bien que la notion de lanceur d’alerte ne soit pas directement mentionnée, il est considéré par plusieurs acteurs comme un précédent en matière de « protection des lanceurs d’alerte ».

Bien que contestés, il faut reconnaître aux lanceurs d’alertes le mérite de leurs dénonciations puisqu’elles ont permis de révéler certains méfaits qui ont vu le jour dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la Défense, des finances ou de l’internet. Malheureusement, et trop souvent, ces mêmes dénonciations ont entraîné des conséquences néfastes tant sur le plan professionnel, que personnel et financier ; et la justice semble hésitante à de nombreux égards pour assurer une protection satisfaisante de ces derniers.

Dans un contexte sociétal qui tend à favoriser la prise de parole, tant dans la sphère privée que dans la sphère publique, et à la lumière des représailles qui pèsent sur ces derniers, le statut des lanceurs d’alerte a été réévalué.

Bien que la « loi Sapin 2 » ait apporté une première réponse, son régime a été modifié cinq ans après son adoption.

C’est à l’occasion de la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019 qu’a été promulguée le 21 mars 2022 (L. n° 2022 -401, 21 mars 2022 : JO 22 mars 2022), la loi dite « Waserman ». Elle a permis d’élever les standards en faveur d’une meilleure effectivité des dispositifs d’alerte au sein des entreprises françaises et ajoute des garanties substantielles non comprises dans la directive. Bien qu’elle se montre favorable à une protection accrue des lanceurs d’alerte, la loi ne néglige pas pour autant les entreprises.

I. Les précisions apportées par le nouveau régime juridique

En 2016 la France s’était dotée d’un dispositif introduit par la loi Sapin 2 qui a très largement contribué à la réflexion menée au niveau européen. D’une part cette loi obligeait les entreprises de plus de cinquante salariés à se doter d’un dispositif de recueil d’alertes, et d’autre part, elle accordait un statut et une protection aux lanceurs d’alerte. La France a ainsi été l’un des premiers pays à légiférer en la matière, faisant figure de pionnière.

La transposition de la directive européenne a permis de procéder à l’amélioration de la définition certains critères et d’étendre la protection accordée aux lanceurs d’alerte. La loi dite « Waserman » a permis de procéder à la correction de certaines de ses limites mises en évidence par le rapport d’évaluation parlementaire Gauvain-Marleix du 7 juillet 2021.

A. La clarification de la définition du lanceur d’alerte

Définition. Est à présent reconnue comme étant un lanceur d’alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Conditions pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Pour rappel, sous l’empire de la loi Sapin 2 le statut de lanceur d’alerte était réservé aux personnes agissant de bonne foi et de manière désintéressée. L’ambiguïté du critère de désintéressement avait causé des difficultés d’interprétation devant les tribunaux. En réalité l’objectif poursuivi était de refuser le statut de lanceur d’alerte à toute personne qui recevrait une contrepartie financière pour procéder au signalement. En ce sens, l’article 1er de la loi du 21 mars 2022 a ainsi clarifié la notion de désintéressement en exigeant désormais que l’auteur du signalement agisse « sans contrepartie financière directe ». Toutefois, cela ne prive pas le lanceur d’alerte de recevoir des dons ultérieurement.

Même si cette nouvelle définition apporte une plus grande sécurité juridique, elle s’avère plus restrictive que celle de la directive qui se limite à exiger du lanceur d’alerte qu’il ait « des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sont véridiques au moment du signalement », sans restriction liée à l’éventualité d’une contrepartie.

Selon la loi « Sapin 2 », le lanceur d’alerte devait aussi avoir « personnellement » connaissance des faits qu’il signalait. Cette condition est supprimée dans le contexte professionnel. Dans ce cadre, un lanceur d’alerte pourra ainsi signaler des faits qui lui ont été rapportés. Ainsi lorsqu’un salarié signale des faits qu’on lui aurait rapportés, il pourra tout de même bénéficier du statut de lanceur d’alerte.

Si la loi Sapin 2 permettait seulement aux membres du personnel et aux collaborateurs « extérieurs et occasionnels » d’effectuer un signalement interne, la loi du 21 mars 2022 étend cette possibilité aux anciens membres du personnel, aux candidats à un emploi, aux dirigeants, actionnaires, associés et tout titulaire de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de l’entité, aux cocontractants et sous-traitants ainsi qu’aux membres de leur organe d’administration, de direction ou de surveillance ou de leur personnel.

B. L’extension du champ de l’alerte

En plus d’avoir procédé à une clarification et à un élargissement de la définition du lanceur d’alerte, la loi « Waserman » s’attelle à l’extension du champ de l’alerte. Prévu par son article 1er la loi n’exige plus que la violation soit nécessairement « grave et manifeste », et que la menace ou le préjudice pour l’intérêt général soit « grave ».

A présent l’alerte peut porter sur la simple tentative de dissimulation d’une violation. Enfin, l’alerte n’aura plus l’obligation de porter sur « un crime ou un délit », mais seulement sur « des informations » portant sur un crime ou un délit.

Cependant il convient de rappeler certains domaines demeurent toutefois exclus (tels que le secret-défense, le secret médical et le secret avocat/client).

C. L’extension de la protection accordée à l’entourage du lanceur d’alerte

La législation « Sapin 2 » ne comportait aucune disposition concernant l’entourage du lanceur d’alerte. Cependant, cette directive européenne a introduit une innovation majeure en la matière. Son objectif est double, d’une part, garantir une protection plus étendue au lanceur d’alerte, et d’autre part, prévenir son isolement en mettant en place des mesures spécifiques pour l’accompagner.

Ainsi l’article 2 de la loi du 21 mars 2022 scinde l’entourage du lanceur d’alerte en trois catégories.

Pour commencer on distingue les personnes physiques ou morales de droit privé à but non lucratif qui aident un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation. Elles sont à présent désignées comme des « facilitateurs ». Sur ce point, il convient de préciser que la législation française s’est octroyée certaines latitudes en élargissant la définition des « facilitateurs » aux entités morales de droit privé à but non lucratif, tandis que la directive se limite aux personnes physiques agissant dans un contexte professionnel.

Sont ensuite incluses les personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte et qui risquent des mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;

Enfin sont comprises les entités juridiques contrôlées par un lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.

II. Le renforcement de la protection accordée au lanceur d’alerte et à ses proches

Au-delà des apports juridiques qui permettent de cerner les conditions pour bénéficier de ce régime de protection, les conditions elles-mêmes de la protection ont été améliorées. Elles englobent ainsi la réalité des représailles qui pèsent à la fois sur le lanceur d’alerte, mais également sur ses proches.

A. L’élargissement du champ des représailles et la sanction de la menace et de la tentative

Le principe d’interdiction des sanctions et discriminations énoncé par la loi Sapin 2 se concentrait principalement sur des mesures ayant un impact sur la carrière d’un salarié, telles que le licenciement, la formation, la promotion, la rémunération, l’affectation, etc.

Sous l’influence de la directive, la loi du 21 mars 2022 a intégré une liste plus exhaustive de représailles plus subtiles ou indirectes, incluant notamment les atteintes à la réputation de la personne sur les réseaux sociaux, les intimidations, ainsi que l’orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical. Toute action ou décision liée à l’une de ces mesures sera automatiquement considérée comme nulle.

L’interdiction de prononcer des mesures de représailles s’étend également aux menaces et aux tentatives de recourir à de telles mesures.

B. Une mise à niveau de la protection des proches du lanceur d’alerte

Conformément à la directive, l’article 2 de la loi du 21 mars 2022 accorde une protection équivalente à l’entourage du lanceur d’alerte. Elle consacre ainsi l’irresponsabilité civile et pénale, l’interdiction de mesures de représailles à leur encontre, la procédure de référé prud’homale, la possibilité de bénéficier de l’inversion de la charge de la preuve, d’une provision pour frais d’instance, de l’abondement du compte professionnel de formation, de la procédure d’amende civile, etc. L’article 9 de la loi consacre également leur introduction à l’article 225-1 du Code pénal, réprimant ainsi toute discrimination à leur encontre.

III ’amélioration des conditions de signalement et les cas d’irresponsabilité

La transposition de la directive européenne à travers la loi du 21 mars 2022 a permis de faciliter les signalements ainsi que la protection accordée aux lanceurs d’alerte notamment en prévoyant des aides financières et psychologiques. Elle consacre également la mise en place d’une irresponsabilité pénale et civile du lanceur d’alerte. Ceci dit, cette protection n’est pas absolue puisqu’elle est soumise à certaines conditions.

A. Une nouvelle procédure de signalement

Sous l’empire de la loi « Sapin 2 », les canaux d’alerte étaient hiérarchisés en trois temps. Tout d’abord, un signalement interne devait obligatoirement avoir lieu. Autrement dit, le lanceur d’alerte devait nécessairement passer par son entreprise ou son administration afin de signaler des faits dont il avait connaissance.
Ensuite, et seulement en l’absence de traitement, un signalement externe pouvait avoir lieu auprès d’une l’autorité administrative ou judiciaire ou d’un ordre professionnel.
Le lanceur d’alerte pouvait donc uniquement procéder à une divulgation publique en dernier recours.

Cette hiérarchisation posait de nombreuses difficultés. Des risques de pressions ainsi que de représailles ont été déplorés à la suite des signalements effectués en interne. Par ailleurs, la procédure de signalement externe était complexe et peu connue.

Désormais le lanceur d’alerte est libre d’effectuer son signalement en suivant la voie interne ou de l’effectuer auprès soit de l’autorité compétente, soit du Défenseur des droits, soit à la justice ou à un organe européen. Un décret déterminera plus précisément la liste de ces autorités. Ces autorités devront traiter les signalements dans des délais qui seront également fixés par décret, mais qui ne pourront être supérieurs à ceux fixés par la directive, à savoir un délai de 7 jours pour accuser réception et de 3 mois (6 mois dans des cas dûment justifiés) pour traiter l’alerte.

Le choix d’un signalement en interne ou externe est à présent laissé au lanceur d’alerte puisque la loi met fin à l’ordre prédéfini à suivre lors d’un signalement. Rappelons tout de même que l’article 7 de la directive encourage le signalement en interne pour commencer.

Cependant certains auteurs soulignent les risques que cette nouvelle organisation fait peser sur les entreprises « Outre le risque d’antagoniser davantage les relations entre les salariés et l’entreprise, la fin de la hiérarchisation des canaux emporte avec elle un risque majeur pour les entreprises. Ces dernières seront privées de la primeur d’être informées en premier lieu d’éventuels dysfonctionnements en leur sein, d’enquêter sur les faits allégués et d’y remédier au plus vite, voire d’informer elles-mêmes les autorités en cas de faits graves afin de bénéficier d’une clémence en cas de résolution négociée. De manière plus générale, elle les expose au risque de dénonciations publiques par des salariés malintentionnés, qui serait hautement préjudiciable en termes de réputation. En somme, la nouvelle loi oblige les entreprises à redoubler d’efforts pour mettre en place des dispositifs d’alerte internes robustes, sophistiqués et incitatifs sans aucune garantie qu’ils soient utilisés par leurs salariés. Or, le dispositif d’alerte se situe au cœur du programme de conformité de l’entreprise et en constitue la colonne vertébrale. Un dispositif d’alerte efficace est un dispositif qui permet de remonter beaucoup d’alertes et à l’entreprise ultimement d’améliorer ses procédures internes afin d’éviter que les faits ne se reproduisent. »

Cependant, force est de constater que la nouvelle loi ne prévoit aucune sanction en cas d’absence de dispositif interne.

Enfin le lanceur d’alerte pourra recourir à l’alerte publique dans trois cas prévus par la loi. Tout d’abord, il pourra effectuer une divulgation publique s’il constate l’absence du traitement de son signalement externe dans un certain délai. Cette alerte pourra également être justifiée en cas de risque de représailles ou si le signalement n’a aucune chance d’aboutir ou enfin en cas de « danger grave et imminent » ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ».

Par ailleurs une protection supplémentaire a été accordée aux personnes qui effectueraient un signalement ou une divulgation publique anonyme, mais dont l’identité serait révélée, comme les journalistes, d’obtenir le statut de lanceur d’alerte. Cette mesure s’inscrit dans le sens de la protection des sources.

B. Un soutien financier et psychologique

La loi vise également à limiter le fardeau financier, parfois considérable, des procédures auxquelles les lanceurs d’alerte sont confrontés. Le juge pourra, et ce dès le début du procès, accorder une avance pour frais de justice au lanceur d’alerte qui conteste une mesure de représailles ou une action en justice abusive visant à l’intimider et à le réduire au silence, comme une plainte en diffamation. Le juge peut également accorder une avance au lanceur d’alerte dont la situation financière s’est gravement détériorée. Ces avances peuvent devenir définitives à tout moment, même si le lanceur d’alerte perd le procès.

L’amende civile encourue en cas d’action en justice abusive contre un lanceur d’alerte est portée à 60 000 euros. Il est important de souligner que cette amende civile n’est pas incompatible avec l’octroi de dommages et intérêts au lanceur d’alerte.

Enfin, les lanceurs d’alerte pourront bénéficier de mesures de soutien psychologique et financier de la part des autorités externes, qu’elles soient saisies directement ou par l’intermédiaire du Défenseur des droits.

C. L’irresponsabilité pénale et civile du lanceur d’alerte

L’article 6 de la loi du 21 mars 2022 consacre le principe d’irresponsabilité civile du lanceur d’alerte en ce qui concerne les préjudices découlant de sa divulgation d’informations effectuée de manière de bonne foi. Ainsi, si le lanceur d’alerte avait des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique des informations était nécessaire pour protéger les intérêts en question, il ne pourra pas être tenu responsable des dommages causés par ces actions.

La loi Sapin 2 prévoyait une exonération de responsabilité pénale du lanceur d’alerte en cas de divulgation d’informations portant atteinte à un secret légal. La loi « Waserman » étend cette exemption aux actes de soustraction, de détournement et de recel de documents confidentiels, à condition que le lanceur d’alerte ait obtenu légalement l’accès aux informations contenues dans ces documents. En d’autres termes, si le lanceur d’alerte signale des faits auxquels il a eu accès en effectuant des écoutes sur des membres de la direction, ou en accédant à des dossiers informatiques restreints, sa responsabilité pénale pourra toujours être engagée.

L’instauration de cette condition de licéité dans l’obtention de l’information vise à garantir un équilibre entre les droits des lanceurs d’alerte et la protection des entreprises, afin d’éviter d’encourager les employés mal intentionnés à commettre des infractions en toute impunité. L’objectif principal est de préserver un juste équilibre où la liberté d’expression et la dénonciation des abus sont protégées, tout en empêchant les actes illicites d’être commis sans conséquences.

Pour lire une version plus approfondie de cet article sur la protection des lanceurs d’alertes, cliquez

Sources :

 

Quelle est la responsabilité des hébergeurs en cas de contrefaçon ?

Un hébergeur web est à une société qui héberge des sites web conçus et gérés par des tiers. Il permet l’accès à l’ensemble des internautes, au contenu de ces sites. De quoi est-il responsable ?

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L’activité principale de l’hébergeur consiste à installer ses serveurs, sécuriser l’environnement relatif aux serveurs, procéder à la mise à jour afin d’éviter toute forme de cyber attaque et permettre la réparation de ceux-ci en cas de dysfonctionnement.

La définition de l’hébergeur est donnée par l’article 6, I, 2 de la loi LCEN.

L’hébergeur est toute personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, sans qu’un contrôle soit exercé sur les contenus fournis par ces destinataires.

L’hébergement de sites internet a évolué très rapidement ces dernières années, c’est notamment devenu une trace de nécessité pour la sécurité des différents services, conseils et service de support, mise à disposition par le prestataire de services de ressources.

Les besoins en hausse constante de bande passante et le coût relatif à la gestion des informations des serveurs expliquent le recours pour la majorité des entreprises à l’hébergement de leur site web par un hébergeur professionnel.
Il existe de nombreuses formes d’hébergement sur internet, la forme variera en fonction des besoins en bande passante.


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L’expression « d’hébergeur technique » est ainsi associée au régime de responsabilité civile et pénale dérogatoire tel que consacré par l’article 6, I, 2 et 3 de la loi LCEN, récemment modifié par l’article 17 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Selon l’article, les hébergeurs « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire [des services d’hébergement s’ils] n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

L’hébergeur a l’obligation de procéder au retrait des contenus dont il a connaissance du caractère manifestement illicite ou qui lui sont signalés comme tels. Cette obligation a encore été rappelée dernièrement par le tribunal judiciaire de Paris (tribunal judiciaire de Paris, 25 mai 2021, n° 18/07397), ayant précisé que la notification par un ayant droit réputait acquise la connaissance du caractère illicite du contenu visé.

Comme dans toute activité il existe un risque, dans le cas suivant l’engagement de la responsabilité de l’hébergeur en cas de contrefaçon.

La cybercontrefaçon a été rendue facile par l’essor des différents sites internet et leur facilité d’accès, en effet les contrefacteurs aujourd’hui ont accès à de nouveaux réseaux de distribution permis par internet, l’anonymat ainsi que le sentiment d’impunité offerte par le numérique permet une facilité de pratique du commerce de produits contrefaits.

La contrefaçon peut-être vendue directement à des professionnels de la vente sur internet plusieurs cas de jurisprudence ont notamment pu être observés ces dernières années, la responsabilité des hébergeurs en matière de contrefaçon est donnée par la loi LCEN. L’hébergeur est associé aux intermédiaires prévus par la LCEN, voir sa responsabilité engagée peut être problématique à bien des égards, l’honnête professionnel, ignorant tout ou partie du contenu publié ne s’assure que du stockage ou la mise à disposition du contenu, ainsi il n’exerce pas un rôle actif dans l’infraction relié à la contrefaçon.

Dans quelle mesure l’hébergeur peut-il voir sa responsabilité engagée dans le cadre de la contrefaçon en ligne ?

Dans un premier temps il sera nécessaire d’opérer à une distinction entre l’hébergeur et l’éditeur (I) et afin de déterminer la responsabilité de chacun en matière de contrefaçon (II)

I. La distinction entre éditeur et hébergeur

La distinction entre éditeur et hébergeur se doit d’être précisée, l’éditeur à un rôle fondamentalement différent (A) il convient donc de préciser dans un second temps la notion d’hébergeur (B)

A) L’éditeur

Sur internet, la détermination des responsabilités est un exercice complexe. La responsabilité sera essentiellement liée à la qualité de la personne.

Un éditeur de site internet est une personne ou une Société qui publie, ayant vocation la mise à disposition au public des pages sur internet dont il sélectionne les contenus, procède à l’assemblage, effectue la hiérarchie et la mise en forme afin de les publier sur un support de communication en ligne.

Le statut de l’éditeur n’est pas défini dans la loi, mais par la jurisprudence, celle-ci précise que l’éditeur correspond à la personne ayant « joué un rôle actif dans le choix des contenus mis en ligne sur le site ».
le site doit avoir été créé par l’éditeur ou il doit en être à la charge pour disposer du statut d’éditeur.

Les blogueurs sont considérés comme éditeurs, ayant le contrôle du contenu éditorial, de par la publication d’articles, ils sont considérés comme des articles en revanche il convient de distinguer les situations de modération des commentaires ou non, car la responsabilité variera en fonction du rôle jouer dans la modération.

De par son rôle actif, l’éditeur a une « parfaite » connaissance du contenu publié sur son site, il doit à ce titre exercer un contrôle du contenu, il intervient dans la création ou dans la sélection de la diffusion de celui-ci. L’éditeur a une obligation de surveillance du site, il doit donc faire en sorte d’opérer à un contrôle et empêcher la diffusion de tout contenu illicite ou contrefait. (

B) Le régime juridique de l’hébergeur

Le statut de l’hébergeur est considéré comme la personne fournissant une prestation de stockage du contenu, sans choix des contenus.

L’article 6-1-2 de la loi LCEN définit l’hébergeur comme une entité ayant pour vocation d’assurer la « mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournie par des destinataires de ces services ». (1)

L’hébergeur est donc une personne physique ou morale qui exerce une activité professionnelle ou à titre gratuit permet le stockage d’informations diverses fournies par les utilisateurs de son service, à ce titre il n’exerce pas de contrôle sur ces informations. La loi LCEN intègre par extension les réseaux sociaux, les plateformes de partage de vidéos, de forums ou de blogs comme hébergeur.

L’hébergeur n’a pas connaissance du contenu publié et assure simplement le stockage ou la mise à disposition du contenu. Ainsi, compte tenu de son rôle passif purement technique, l’hébergeur n’a pas d’obligation générale de surveillance.

L’hébergeur engage sa responsabilité civile et pénale et sa connaissance de l’hébergeur est également un élément pris en compte lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction par les juges du fonds.

II. Les régimes distincts de responsabilités

L’éditeur dispose d’un rôle actif. À ce titre il dispose d’un régime de responsabilité spécifique (A) contrairement à l’hébergeur ayant un rôle passif disposant ainsi d’un régime de responsabilité limitée (B)

A) Le régime de responsabilité des éditeurs

Au titre de leur rôle actif dans la création, gestion de contenus la responsabilité des éditeurs est plus stricte que celle des hébergeurs. L’éditeur est considéré comme responsable de tous les contenus figurant sur le site internet. Il peut donc être responsable pour ces écrits, mais également lorsque son rôle de modération n’est pas limité voir sa responsabilité engagée pour les écrits ou commentaires des visiteurs ou adhérant au site internet.

L’éditeur dispose par extension d’une obligation de vigilance lorsqu’il dispose des pleins pouvoirs de modération c’est-à-dire, la modération a priori et a posteriori. La modération a priori s’entend comme le fait de pouvoir contrôler les publications avant leur publication donc de pouvoir les supprimer avant leur publication. Le pouvoir a posteriori permet de les supprimer après leurs publications.

Il sera pleinement responsable lorsqu’il disposera du pouvoir de modération a priori en revanche sa responsabilité pourra varier lorsque cela sera a posteriori, car en fonction du contexte des fréquences de ses contrôles, le temps mis entre la publication et le retrait de celui-ci, la prise en compte d’une notification sur le caractère illicite ou contrefait de la publication.

L’article93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle précise qu’« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal ,lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. » (2)

B) Une responsabilité limitée pour les hébergeurs

Les hébergeurs disposent d’un rôle passif à ce titre leur responsabilité s’en retrouve limitée. Les hébergeurs n’ont pas l’obligation générale de surveillance des contenus présents sur leurs sites internet.

Les hébergeurs ne sont pas responsables pénalement et civilement des contenus publiés sur internet. En revanche lorsque l’hébergeur est notifié d’un contenu illicite ou contrefaisant s’il ne retire pas celui-ci il peut-être responsable.
La procédure de notification est prévue à l’article 6-1-5 de la LCEN. (3)

Le régime est applicable dès lors que l’hébergeur dispose d’un rôle actif dans la connaissance ou le contrôle de données stockées, une décision de la CJUE du 23 mars 2010 Google Adwords a considéré le service de référencement n’était ni contrefacteur, ni complice d’actes de contrefaçon. (4)

La sélection des contenus, le choix et la mise en ligne ainsi, que la vérification et détermination du contenu permettent de différencier le rôle actif ou passif de l’hébergeur pour engager la responsabilité des hébergeurs.

Dans un arrêt rendu par la cour de cassation du 17 février 2011 arrêt Dailymotion, la haute juridiction a permis d’identifier l’hébergeur actif comme jouant un rôle dans la rationalisation de l’organisation du service dans le but d’en faciliter l’accès. (5)
Il faut en déduire que le fait de mettre en évidence certains contenus autrement que par un algorithme permettant le classement automatique basé sur des critères neutres alors il pourra risquer de voir sa responsabilité engagée en étant de fait considéré comme éditeur.

L’hébergeur peut ainsi, être tenu responsable dès lors qu’il avait connaissance du contenu hébergé, qu’il en connaissait le caractère manifestement illicite et que malgré tout cela il ne retire pas ce contenu après notification.

Un arrêt rendu récemment par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 28 juin 2019, a estimé que la plateforme Cdiscount consacrée au e-commerce, ne tenait pas un rôle actif dans la gestion des annonces publiées et leur contenu. Le TGI de paris a considéré que Cdiscount avait le statut d’hébergeur. (6)

En l’espèce en 2016 la société JAC avait envoyé deux lettres de mise en demeure à Cdiscount avant l’assignation en contrefaçon et concurrence déloyale après la découverte de sacs à dos en provenance de Chine et présentés sur le site Cdiscount comme des modèles « Padded » de la marque Eastpak.

Le site Cdiscount ayant immédiatement retiré les annonces litigieuses suite aux mises en demeure de la société JAC, ne pouvait voir engager pour ne pas avoir retiré ou rendu impossible l’accès aux contenus illicite ou contrefait en cause après notification.

La situation des hébergeurs pourrait être amenée à évoluer dans les prochaines législations imposant ainsi davantage d’obligation plus active permettant la protection des consommateurs, mais également les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, commercialisation et diffusion de contenus et de produit contrefaisants.

C) La responsabilité de l’hébergeur en cas de contrefaçon d’un dessin ou modèle 

La question de la responsabilité de l’hébergeur a été traité dans un jugement du 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Marseille a refusé de mettre en œuvre la responsabilité d’une plateforme qui avait hébergé un photomontage contrefaisant deux logos déposés à l’Inpi en tant que dessins : l’auteur aurait dû alerter la plateforme du contenu illicite hébergé avant de procéder à la saisie-contrefaçon.

La société Art Majeur propose un service de plateforme de publication d’images dont elle ne contrôle pas le contenu. Un artiste amateur y avait publié un photomontage réalisé en mêlant son portrait, des drapeaux américains et deux logos protégés en tant que dessins, déposés à l’Inpi. Une saisie-contrefaçon a été pratiquée par l’ayant-droit mais ce dernier n’a pas alerté la plateforme qu’il s’agissait d’une copie, avant d’effectuer cette opération.

Dès lors, la société Art Majeur, en qualité d’hébergeur, n’encourt aucune responsabilité civile du fait de la publication sur sa plateforme du photomontage contenant un logo contrefait. Il aurait dû adresser un message ou un courrier recommandé contenant tous les éléments prévus par l’article 6 I.5 de la loi du 21 juin 2004 à la société Art Majeur dont les coordonnées figuraient dans les mentions légales du site

Pour lire une version plus complète de cet article sur la responsabilité des hébergeurs en cas de contrefaçon, cliquez sur le lien 

SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2004/6/21/ECOX0200175L/jo/article_6
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000880222&idArticle=LEGIARTI000006420092&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722&idSectionTA=LEGISCTA000006089707&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=36D9E92BD0FD0FE56B91B1DD6FA4D229.tplgfr31s_1?idArticle=LEGIARTI000037526491&cidTexte=LEGITEXT000005789847&dateTexte=20191120
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9E1F11AA9236B31077AA35C7831563F6?text=&docid=83961&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2948030
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/165_17_19033.html
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-3eme-ch-2eme-sec-jugement-du-28-juin-2019/
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-3eme-ch-2eme-sec-jugement-du-28-juin-2019/
https://www-dalloz-fr.bibelec.univ-lyon2.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD1yZXNwb25zYWJpbGl0w6kgZGVzIGjDqWJlcmdldXJzwqd4JHNmPXNpbXBsZS1zZWFyY2g%3D&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=ENCY%2FCIV%2FRUB000315%2F2013-10%2FPLAN080
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-marseille-1ere-ch-civile-jugement-du-15-septembre-2022https://www-dalloz-fr.bibelec.univ-lyon2.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD1yZXNwb25zYWJpbGl0w6kgZGVzIGjDqWJlcmdldXJzwqd4JHNmPXNpbXBsZS1zZWFyY2g%3D&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=DZ%2FPRAXIS%2FCYBERDROIT%2F2019%2FL06-T62-C622%2FPLAN%2F0002

 

LES MOTEURS DE RECHERCHE SONT-ILS RESPONSABLES DE LEURS CONTENUS ?

L’arrivée d’internet, a bouleversé les habitudes des Français, mais pour permettre une bonne utilisation de ces nouveaux outils, il a fallu mettre en place des moteurs de recherche afin de faciliter la navigation sur la toile.

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Le principe d’un moteur de recherche est qu’il parcourt systématiquement les pages en accès public, que l’on appelle « le crawling ». Ensuite, il indexe ces pages, c’est-à-dire qu’il extrait des mots clés de chacune des pages, et en conserve une copie, ce qu’on appelle le cache. Il faut savoir que chaque moteur de recherche a ses propres règles pour classer les pages.

Ainsi, la popularité d’une page, le « page ranking », dépend de plusieurs critères : le nombre d’internautes cliquant sur ce lien lorsqu’il leur est proposé, le nombre de pages pointant vers cette page, et éventuellement de la monétarisation d’un mot clé. En effet, une entreprise peut acheter auprès du moteur de recherche, un ou plusieurs mots clés de manière à améliorer son classement, et par conséquent, avoir plus de visibilité.

Les moteurs de recherches conservent des informations sur les dates de vos visites, les mots-clés que vous entrez et les liens sur lesquels vous cliquez. De ce fait, ils conservent ces informations pour une durée minimum de 6 mois, pour toutes vos recherches et pour tous les internautes (1).


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Cependant ces moteurs de recherches peuvent nous conduire vers des sites non désirés sur lesquels des infractions ou encore des crimes sont commis. La particularité, c’est que ces contenus illicites sont visibles sur les moteurs de recherche, à l’inverse des sites présents sur le darkweb.

Le Dark Web est, selon le site bigdata.fr, la partie cachée du web, sur laquelle s’organise un vaste trafic de biens et services illégaux. Le web est divisé en deux parties : d’abord la partie visible sur les moteurs de recherche, qui ne représente que 3 à 4% des informations disponibles sur internet, ensuite, la seconde partie, appelée « Deep Web » ou « Dark Web », et l’on y trouve le contenu qui n’est pas indexé sur les moteurs.

En effet,  internet regorge de plusieurs sites, populaires ou non, désirés ou pas. Dans la vie  » réelle « , lorsqu’un délit ou un crime sont commis nous recherchons toujours un responsable. Lorsque ces infractions ou crimes sont commis en ligne nous faisons de même : nous recherchons toujours des responsables afin que ces crimes ou infractions cessent tout d’abord et que les auteurs de ceux-ci soient punis. Les moteurs de recherche sont-ils responsables de leur contenu ?

I – Les cas où la responsabilité du moteur de recherche peut être engagée

TGI Paris, référé, 12 mai 2003, Lorie c/ M. G.S. et SA Wanadoo Portails

Au cas présent, la demanderesse, Mademoiselle LP, dite Lorie, assigne Monsieur GS et la société Wanadoo pour son moteur de recherche « Voilà.fr ».

La demanderesse se base sur l’article 9 du code civil pour, d’abord, demander la fermeture du site de Monsieur GS dans lequel figure des poses obscènes et dégradantes d’elle. Ensuite, elle souhaite demander le déréférencement du site sur le moteur de recherche Voilà.fr. En effet, la problématique étant que ces moteurs de recherche peuvent indexer des pages au contenu illicite. Peut-on engager la responsabilité d’un moteur de recherche ? Sur quels fondements peut-on l’engager ?

Google, comme tous les autres intermédiaires, ne sont juridiquement pas responsables tant qu’ils restent neutres. L’Union européenne a adopté un texte concernant les intermédiaires techniques, au travers de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, qui a été transposée en droit français grâce à la loi pour la confiance dans une économie numérique, du 21 juin 2004 (la « LEN »).

C’est toujours ces textes qui s’appliquent pour Google, Facebook, Twitter, etc. En matière d’intermédiaires sur Internet, la loi a posé le principe selon lequel l’éditeur est responsable du contenu (texte, images, etc.) du contenu (site, forum, serveur, etc.) qu’il gère.

Par ailleurs, l’intermédiaire technique n’est pas responsable du contenu qu’il héberge ou traite, ou transporte, sauf si un tiers lui notifie valablement un contenu illicite. En effet, un intermédiaire technique est celui que l’on connaît, aujourd’hui, comme « l’hébergeur ». Ce dernier est une personne physique ou morale qui assure, la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournit par des destinataires de ces services (2).

Depuis la loi AVIA de 2020, les hébergeurs et les FAI sont responsables s’ils ont pris connaissance du contenu illicite et qu’il n’y a pas eu de retrait. La sanction peut aller jusqu’à 250000 euros d’amende.

Il faut savoir qu’en droit français il existe un droit à l’effacement numérique ou un droit à l’oubli. C’est le droit de demander à un organisme la suppression d’une donnée à caractère personnel vous concernant. Ce droit est différent du droit au déréférencement. En effet, selon une décision en date du 13 mai 2014 (CJUE Google Spain c/ AEPD du 13 mai 2014, la Cour de Justice a considéré qu’une personne physique pouvait obtenir le déréférencement de certains liens vers des pages web de la liste des résultats obtenue à partir d’une recherche sur le moteur de recherche de Google à partir de son nom, auprès de la société du même nom, responsable d’un traitement de données personnelles résultant de l’activité de son moteur de recherche. En vertu de cette décision, la demande de déréférencement doit être adressée au responsable du traitement qui en examine le bien-fondé et le cas échéant procède à l’effacement demandé. Si le responsable du traitement ne donne pas suite, la personne concernée peut saisir l’autorité judiciaire

Ici, Lorie a mis en demeure la société Wanadoo de déréférencer le site. Bien que connaissant l’auteur du site, elle n’a agi que vis-à-vis du moteur de recherche. La société Wanadoo a déréférencé le site dès la connaissance du contenu du site litigieux. Le tribunal énonce que le professionnel est à la charge d’une obligation de surveillance et de « suppression de la référence au site dès lors qu’elle n’a pu qu’avoir eu connaissance du caractère manifestement illicite de son contenu ».

Concernant le droit à l’effacement numérique, le tribunal judiciaire de Paris (ancien tribunal de grande instance) a fait condamner Google à supprimer l’affichage dans Google Images , pendant cinq ans, neuf photos attentatoires à la vie privée du demandeur.

En l’espèce, le demandeur demandait le retrait, et la cessation de l’affichage sur les pages de résultats du moteur de recherche Google Images de neuf images extraites d’une vidéo représentant le demandeur dans des scènes d’intimité sexuelle, et antérieurement publiées par un journal britannique. La diffusion de ces images avait donné lieu à trois condamnations judiciaires en France et au Royaume-Uni. Ensuite, Google, qui avait fait droit aux premières demandes de retrait, avait refusé de supprimer les images qui réapparaissaient quotidiennement. Google estimait que les mesures d’interdiction et de surveillance sollicitées se heurtent aux exigences de l’article 10 de la CEDH.

Le Tribunal soutient que la mesure sollicitée de retrait et d’interdiction pour l’avenir des neuf clichés photographiques provenant d’un délit pénal et déjà jugés attentatoires à la vie privée du demandeur, entre largement dans le cadre de la responsabilité des intermédiaires techniques. En ce sens, le tribunal observe que la condition de proportionnalité est « parfaitement remplie », au regard de l’obligation positive qui pèse sur la France de faire respecter le droit du demandeur au respect de sa vie privée et, d’autre part, de l’impossibilité où se trouve celui-ci de faire respecter ce droit en n’usant que des seules procédures mises à sa disposition par Google.

Par ailleurs, la mesure sollicitée est jugée poursuivre un « but légitime » en ce qu’elle vise sinon à supprimer les atteintes au moins à en réduire sensiblement leur portée, et « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’art. 10 par. 2 CEDH, l’illicéité des images ayant été judiciairement constatées

En conséquence, le tribunal  a fait injonction, sous astreinte, à Google de retirer et de cesser l’affichage sur Google Images, accessible en France, des neuf images litigieuses pendant cinq ans à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivants la signification du jugement (3).

Par ailleurs, selon la doctrine, la responsabilité du moteur de recherche peut, également, être engagée dans l’hypothèse où les mots « suspects » seraient écartés dans l’indexation effectuée par le robot. Donc, les pages web contenant ce terme seraient écartées, seulement, les sites qui traiteraient éventuellement des problèmes ou apporteraient des solutions, par exemple pour lutter contre certains phénomènes seraient également écartés (si le moteur élimine les pages contenant le mot « pédophile », il écarte alors automatiquement les sites d’associations luttant contre ce fléau).

Techniquement, il est possible pour un robot d’être programmé pour exclure certains termes. Cependant, il lui est impossible de prendre connaissance du contenu du site. Certains auteurs sont « pour » que les moteurs de recherche retirent « tous les mots clefs illicites à connotation pédophiles, racistes… ». Ils proposent même une sorte de filtre tout comme les logiciels de filtrage parental.

II – Les cas où la responsabilité du moteur de recherche est exclue

Les hébergeurs ne sont juridiquement pas responsables tant qu’ils restent neutres. En effet, l’article 14 de la directive 2000/31 précise que les hébergeurs ne sont pas responsables dès lors qu’ils n’avaient pas connaissance des contenus illicites publiés sur leurs sites et dès lors qu’ils ont agi promptement pour retirer ces contenus manifestement illicites. La raison de cette irresponsabilité de principe est qu’un intermédiaire ne peut pas tout surveiller et tout vérifier. Ainsi, Google ne peut pas vérifier la validité et la licéité de tous les sites que son robot référence.

C’est en ce sens que la Cour d’appel de Paris a , par un arrêt du 19 mars 2009, rappelé l’irresponsabilité des moteurs de recherche dès lors qu’ils sont neutres. En l’espèce, une société avait assigné Google et Yahoo en se plaignant du référencement naturel d’un site la dénigrant, leur reprochant de ne pas avoir vérifié le contenu du site. Les moteurs se sont défendus en soulignant qu’ils procédaient un référencement de manière automatique, sans aucun contrôle a priori sur leurs robots, et ne pouvaient en conséquence maîtriser le référencement.

La Cour a rejeté la responsabilité de Google et Yahoo en précisant que ces moteurs n’avaient pas à vérifier le contenu de chaque site et à assurer de leur conformité à la loi.

La Cour a, ainsi conclu que le caractère automatique des résultats affichés et l’absence de toute analyse de contenu excluent une intention de nuire ou délictueuse, que ce soit de diffamer ou de dénigrer. En conséquence, le caractère automatique du référencement naturel et la neutralité de celui-ci permettent d’échapper à toute responsabilité naturelle. Ce principe d’irresponsabilité n’a pas été remis en cause, de manière significative, depuis près de 20 ans.

Dans une autre affaire, et suivant cette même logique, une personne qui avait été impliquée dans une affaire de corruption de mineure avait assigné le moteur de recherche Google en diffamation au motif que lorsqu’il effectuait une recherche sur son patronyme par le biais des fonctionnalités « Suggest et Recherches associées », apparaissaient les termes « viol », « condamné », « sataniste » ou « prison » associés à ses noms et prénom. Infirmant le jugement de première instance, la cour d’appel a fait bénéficier le directeur de la publication de Google Inc. de l’excuse de bonne foi et l’a débouté de toutes ses demandes.

L’intéressé a formé un pourvoi en cassation. La Cour rejette le pourvoi, estimant que c’est à bon droit que les critères de prudence dans l’expression et de sérieux de l’enquête se trouvaient réunis au regard d’un procédé de recherche dont la fonctionnalité se bornait à renvoyer à des commentaires d’un dossier judiciaire publiquement débattu. De même, la cour d’appel a relevé que la société Google France sollicitait à bon droit sa mise hors de cause dès lors qu’elle n’avait pas de responsabilité directe dans le fonctionnement du moteur de recherche ni dans le site google.fr et qu’elle n’était pas concernée par l’élaboration des items incriminés.

Par ailleurs, un moteur de recherche qui insère un avertissement dans ses résultats ne peut pas être responsable. Ne constitue pas un trouble illicite le fait, par un moteur de recherche qui a détecté que la visite d’un site peut endommager un ordinateur (virus, espiogiciel…), d’en avertir ses utilisateurs.

En l’espèce, le moteur américain avait détecté que, lors de la connexion à certaines pages des sites exploités par les sociétés demanderesses, pouvait se déclencher automatiquement l’installation d’un logiciel destiner à couper la connexion d’un internaute à son insu, pour le diriger vers des numéros téléphoniques surtaxés. Dès lors, le moteur était attaqué pour avoir choisi de faire figurer divers avertissements sur ce risque en regard des liens menant vers ces sites. Le moteur pouvait-il faire des avertissements sur ce risque ?

Le juge a répondu qu’il n’existe pas de caractère illicite du trouble allégué. En d’autres termes, le moteur pouvait librement faire des avertissements, c’est le résultat de leur liberté éditoriale, comme l’a reconnu implicitement le Conseil de la concurrence (9 juin 2000).

De la même façon qu’ils peuvent librement référencer ou non des sites existants, ils peuvent avertir les utilisateurs -sauf bien sûr à engager, en cas d’excès, leur responsabilité sur le fondement du droit de la presse, ou du droit commun. La Cour estime, donc, que le contenu stigmatisé par le moteur présentait un caractère à tout le moins douteux. Aussi est-il estimé qu’il n’était pas fautif d’assortir le lien vers un tel contenu d’un avertissement.

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SOURCES :

  • https://www.cnil.fr/fr/les-moteurs-de-recherche
  • Art 6 al I. 2 loi 21 juin 2004 pour la confiance dans une économie numérique + Article 14 de la directive 2000/31
  • Tribunal de Grande Instance de Paris, 6 novembre 2013, n° 11/07970).
  • Paris, 14e ch. B, 25 janvier 2008, RG n° 07/13334

Rupture des relations commerciales

La rupture brutale de relations commerciales établies constitue une pratique restrictive de concurrence spécialement sanctionnée en droit français depuis une loi du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ».

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Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle est visée à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, lequel reprend, pour l’essentiel, les règles légales et jurisprudentielles établies en application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. La principale innovation issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 tient dans l’instauration d’un délai de protection au bénéfice de l’auteur de la rupture : sa responsabilité ne peut désormais être engagée dès lors qu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

L’auteur de la rupture engage sa responsabilité, non pas en raison de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de cette dernière. Est donc sanctionnée la rupture qui intervient sans préavis, ou avec un préavis insuffisant au regard la durée de la relation et des autres circonstances. La responsabilité encourue est une responsabilité de nature délictuelle. Cependant, dans les litiges internationaux, les règles de conflit sont dans certains cas résolus à la lumière des dispositions applicables à la matière contractuelle.

Le contentieux relatif à la rupture brutale de relations commerciales établie relève en première instance de juridictions spécialisées et, en cause d’appel, de la seule Cour d’appel de Paris. En autres sanctions, l’auteur de la rupture brutale peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime du fait de la brutalité de la rupture ainsi qu’au paiement d’une amende civile sur demande du ministre chargé de l’Économie ou du ministère public.


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I. Conditions relatives à l’objet de la rupture

A) Existence d’une relation

La relation dont il est ainsi question est en effet « une notion plus économique que juridique » Cour de cassation, chambre commerciale du 9 mars 2010: décision jugeant que « des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat ou qu’elles peuvent se prolonger après la cessation de leur contrat ».

La relation au sens de ce texte s’entend de tout contrat à durée indéterminée, d’une succession de contrats à durée déterminée, d’une succession de contrats à exécution instantanée, la relation ne pouvant être d’ailleurs exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre.

Peut entrer dans le champ d’application du texte la rupture de relations précontractuelles. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mai 2009 dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d’un contrat d’agent commercial si, en l’espèce, aucune relation contractuelle n’avait été définitivement nouée, les juges du fond ont néanmoins relevé que l’auteur de la rupture avait largement profité des prospections fructueuses de l’agent pendant 17 mois et que pendant cette période il l’avait occasionnellement présenté comme son « agent » et rupture abusive des pourparlers, celle-ci pouvant seule servir de fondement à la responsabilité de l’auteur de la rupture dès lors que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du partenariat (Cour de cassation, chambre commerciale du 15 mars 2017, n° 15-17.246 relevant notamment, pour juger que la victime de la rupture ne pouvait légitimement et raisonnablement anticiper la continuité de la relation dans l’avenir, que celle-ci s’inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés).

Dans un arrêt du 20 juin 2019, la Cour d’appel de Paris avait précisé que le caractère établi d’une relation est présumé dès lors que ce dernier n’est pas contesté par la victime présumée de la rupture des relations commerciales. Cette jurisprudence confirme ainsi l’existence d’une présomption quant au caractère « établi » des relations commerciales tant que la partie concernée n’a pas soulevé d’objections. (3)

B) Existence d’une relation commerciale

Selon la lettre de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, seule la rupture d’une « relation commerciale » entre dans le champ d’application du texte. Ce critère peut être envisagé et appliqué de plusieurs manières. Dans la conception la plus stricte, la relation commerciale ferait écho à la commercialité au sens du Code de commerce. La relation commerciale serait alors celle qui se noue, de manière objective, autour de la conclusion d’un ou plusieurs des actes de commerce par nature visés aux 1 ° à 8 ° de l’article L. 110-1 du Code de commerce.

De manière subjective, la relation commerciale embrasserait les actes de commerce par accessoire au sens de l’article L. 110-1, 9 ° du même Code, la question se posant alors encore de savoir si l’auteur et la victime de la rupture doivent avoir tous deux la qualité de commerçant ou si la notion de relation commerciale peut appréhender les actes mixtes.

Cette acception littérale et étroite de la notion de relation commerciale pouvait déjà être assouplie à la lecture du premier alinéa de l’ancien article L. 442-6, I du Code de commerce qui disposait que les pratiques restrictives de concurrence sanctionnées par ce texte concernent celles dont l’auteur était « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». C’est donc une dimension subjective qui est ici mise en avant et qui plus est une dimension subjective qui dépasse la qualité de commerçant pour embrasser des acteurs tels que les artisans ou les agriculteurs qui, par essence, exercent une activité de nature civile.

Cette lecture de la notion de relation commerciale est entérinée par le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce, qui vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La Cour de cassation avait déjà affirmé, précisément au double visa des articles L. 410-1 et L. 442-6 du Code de commerce, qu’une société d’assurance mutuelle dont l’activité est expressément qualifiée de non commerciale par l’article L. 322-26-1 du Code des assurances, pouvait être l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale établie et plus largement d’une pratique restrictive de concurrence. En effet, selon la Haute Juridiction, « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ».

Sans attendre le nouveau texte, les prestataires de service avaient déjà fait leur entrée, par le soupirail de jurisprudence, dans la liste des auteurs susceptibles d’être convaincus de rupture brutale. Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait écarté l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce au profit d’une association, la Cour ne s’est pas fondée sur l’activité de celle-ci. Elle a en effet relevé qu’était inopérant le moyen du pourvoi reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande sur ce fondement alors qu’il n’était « pas allégué que l’Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d’industriel ou de prestation de services, ou qu’il fût immatriculé au répertoire des métiers » et que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la responsabilité de ladite association sur la base de ce texte. La référence spontanée à l’activité de prestation de services s’inscrivait dans cette logique d’extension.

Il y a relation commerciale établie dans le « cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». Selon la Cour de cassation, le caractère établi est révélé par « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ».

Une certaine durée de la relation est un élément essentiel, mais non suffisant pour caractériser une relation établie. Corrélativement, une durée trop courte peut naturellement être disqualifiante. La Cour de cassation a ainsi jugé que n’était pas établie au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce une relation qui n’avait duré que « quelques mois ». Il en va de même, a fortiori, d’une relation qui a été rompue d’au bout d’un mois (CA Paris, 13 mai 2016, n° 14/06140.

La  Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021, a énoncé qu’un fournisseur de matériel dentaire ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales dans ses relations avec un cabinet de chirurgiens-dentistes.

En l’espèce, un cabinet de chirurgiens-dentistes avait rompu ses relations commerciales avec un fournisseur de matériel dentaire. Ce dernier, s’estimant lésé, se fonde sur l’article L.442-6 du Code de commerce dans sa demande en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal.

La Cour rappelle, en premier lieu, que l’article L.442-6 sanctionne et engage la responsabilité de tout commerçant, industriel, producteur ou personne immatriculée au répertoire des métiers ayant rompu brutalement une relation commerciale établie. Or, la Cour rajoute en second lieu, qu’en vertu de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique, la profession dentaire « ne doit pas être pratiquée comme un commerce »

De ce fait, aucune relation commerciale n’existe entre les deux parties et, par conséquent, l’article L.442-6 du Code de commerce n’est pas applicable.

II. Conditions relatives aux circonstances de la rupture

A) Rupture brutale

En sanctionnant le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie », l’article L. 442-1, II du Code de commerce a un domaine d’application très vaste. La rupture peut tout d’abord, bien entendu, être totale. Il en est ainsi de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, de la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à terme.

Mais la rupture contrôlée sur le fondement de ce texte peut donc, ensuite, n’être que partielle. Cette hypothèse nourrit l’essentiel de la jurisprudence sur la question. Il s’agit alors, dans le cadre d’une relation commerciale qui, par ailleurs, perdure, de déterminer les évènements qui constituent une rupture partielle de ladite relation. Autrement dit, la difficulté réside ici dans l’identification du seuil à partir duquel la décision unilatérale de l’une des parties, sans mettre un terme pur et simple à la relation commerciale, bouleverse à ce point son économie générale qu’elle est constitutive d’une rupture, fusse-t-elle simplement partielle. Cette idée de seuil s’exprime parfois à travers l’exigence d’une modification qu’ils qualifient de « substantielle ».

De surcroît, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, affirme que : « l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » entrave à la qualification de la relation commerciale d’établie et ne permet donc pas de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le fondement de la rupture brutale.

Ainsi, la seule baisse des chiffres d’affaires de la victime de la rupture des relations commerciales n’est pas suffisante à caractériser le caractère brutal de ladite relation. En effet, le demandeur doit démontrer dans quelle mesure cette rupture est brutale. (2)

B) Rupture brutale injustifiée

Il est des circonstances qui peuvent, en amont, écarter la qualification de rupture brutale. Tel est le cas, on l’a expliqué, de la baisse ou de l’interruption des commandes qui, loin d’être délibérée, ne sont que la résultante, par ricochet, de la propre diminution d’activité du donneur d’ordre. Puis il en est d’autres qui, la rupture brutale étant pourtant avérée sont, telles des causes d’exonération de responsabilité et alors que les conditions de cette dernière sont pourtant réunies, de nature à écarter la responsabilité de l’auteur de la rupture. Ces causes d’exonération sont, elles, d’origine légale. L’article L. 442-1, II du Code de commerce énonce en effet deux circonstances dans lesquelles une rupture sans préavis ne peut être sanctionnée.

Selon le texte en effet, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. La victime peut ainsi se voir opposer sa propre faute ou la force majeure. On relèvera d’ailleurs ici que, contrairement au droit commun. La faute de la victime — qui réside ici dans l’inexécution de l’obligation — sera d’une certaine manière totalement exonératoire de responsabilité sans avoir à réunir les caractéristiques de la force majeure.

Il convient de citer à cet effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 cité précédemment, dans lequel la Cour avait énoncé également que le non-paiement des factures de son partenaire constituait un manquement suffisamment grave qui justifie ainsi la rupture immédiate des relations commerciales, et ce, sans préavis. (2)

Pour ce qui est de l’exigence d’un manquement grave – Bien que le texte ne mentionne que l’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la jurisprudence a considéré que cette circonstance devait être entendue strictement, sauf à vider le mécanisme de sa substance. La rupture brutale ne peut en effet intervenir sans préavis qu’à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit un manquement d’une certaine gravité. S’il s’agit d’un contrat en cours d’exécution, la gravité du manquement doit être telle qu’elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Au surplus, dès lors que les manquements reprochés ont déjà fait l’objet d’une réparation, les juges du fond doivent rechercher si cette réparation n’est pas de nature à retirer à ces manquements leur caractère de gravité.

La qualification de l’inexécution est d’autant plus essentielle que l’exigence relative à la gravité du manquement est à double tranchant. Si le manquement est grave, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur. En revanche, si le manquement en cause n’atteint par le seuil de gravité requis, il ne peut être pris en considération notamment pour diminuer le délai de préavis dû à la victime, reprochant à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale en s’abstenant de rechercher “s’il n’y avait pas de manquement grave [de la victime] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis ou si, en l’absence d’un tel manquement, un délai de préavis de trois mois était suffisant”. L’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en demeure pas qu’ils doivent, dans leur motivation, caractériser la gravité du manquement. Une Cour d’appel ne peut ainsi se fonder sur la seule circonstance qu’un objectif de chiffre d’affaires n’a pas été réalisé, sans préciser en quoi cela constitue un manquement suffisamment grave.

En ce qui concerne la cause d’exonération – L’article L. 442-1, II du Code de commerce dispose ensuite, que la force majeure constitue, conformément au droit commun de la responsabilité — la précision peut donc paraître surabondante — exonérer l’auteur de la rupture. Il faut alors traditionnellement que l’évènement soit imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s’en prévaut. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile propose, dans son article 1253, une définition autonome et souple de la force majeure en matière extracontractuelle, matière sous l’angle de laquelle les juges français appréhendent traditionnellement ce contentieux.

Selon ce texte, “en matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées”.

Il est important de préciser que la jurisprudence a produit une liste de critères permettant d’évaluer la durée nécessaire de préavis. Ces critères se résument au volume du chiffre d’affaires réalisé, à la notoriété du client, au secteur en question, à la durée de la relation commerciale entre les parties, à l’absence de dépendance économique du fournisseur, au caractère saisonnier du produit, au temps nécessaire à la reprise des relations commerciales avec un tiers et à la durée minimale des préavis par référencement aux usages de commerce. (4)

III. Sanctions de la responsabilité

A) Cessation de la pratique

Toute personne justifiant d’un intérêt, autrement dit la victime, ainsi que le ministre chargé de l’Économie et le ministère public peuvent solliciter du juge la cessation de la pratique illicite.

La continuation de la relation, le cas échéant en référé et sous astreinte. Rapportée à l’hypothèse de la rupture brutale, cette cessation consiste dans le maintien de la relation commerciale nonobstant sa rupture. Cette continuation est le plus souvent sollicitée en référés.

L’ancien article L. 442-6, IV du Code de commerce prévoyait que le juge des référés pouvait, au besoin sous astreinte, ordonner la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. La formule est reprise dans le nouvel article L. 442-4, II, alinéa 3. Même en présence d’une contestation sérieuse (CPC, art. 873), le président du Tribunal peut donc ordonner la continuation de relation commerciale, et ce sous astreinte dès lors qu’il existe un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

B) Réparation

L’impérativité de l’article L. 442-1 nouveau du Code de commerce n’interdit pas aux parties de transiger sur les conséquences de la rupture brutale. Ainsi, selon la Cour de cassation, “si l’article L. 442-6 I 5 ° institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture”.

Auteur de la demande de réparation – Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du Code de commerce, seule la personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander réparation du préjudice subi du fait de rupture brutale. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l’Économie et le ministère public ne peuvent donc plus formuler une telle demande de réparation.

Conditions de la réparation. Preuve d’un préjudice en lien direct avec la brutalité de la rupture – La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie n’ouvre pas nécessairement droit à réparation au profit de la victime. Encore faut-il que cette dernière rapporte la preuve que le préjudice existe, et qu’il entretient un lien direct avec le fait générateur de responsabilité délictuelle, à savoir la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même.

Preuve d’un préjudice – La rupture brutale de relations commerciales établies, bien qu’illicite, ne crée pas nécessairement un préjudice pour le partenaire délaissé. Il revient donc à ce dernier, en premier lieu, de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Doit être ainsi rejetée la demande en réparation de la société qui ne démontre ni le montant du chiffre d’affaires perdu depuis la rupture ni l’atteinte à son image de marque.

La réparation a vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, selon la Cour de cassation, “seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même”. Plus encore, le dommage doit être la conséquence directe de la brutalité de la rupture.

Dès lors, les dommages qui résultent de la rupture elle-même ne sont pas réparables sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce. Ainsi du coût des licenciements économiques consécutifs de la perte d’un marché ou encore de la perte partielle d’un fonds de commerce. Si le préjudice souffert est consécutif à la rupture elle-même, les plaideurs devront alors à agir non sur le fondement de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, mais sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour rupture abusive pour peu la rupture soit fautive.

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SOURCES :

  • (1) : Cass. com., 31 mars 2021, nº 19-16.139
    (2) : Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047
    (3) : CA Paris, 20 juin 2019, n° 17/0274
    (4) : Cass, com., 20 juin 2018, n° 16-24.163 ; Cass, com., 24 octobre 2018, n° 17-16.011, n° 17-21.807