Plagiat d’un site internet

Le plagiat est défini par le dictionnaire Larousse comme étant un « Acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris à l’œuvre d’un autre »(1).

Le terme juridique traduisant le plagiat est la contrefaçon (articles L335-2 et suivant du code de propriété intellectuelle(2)).

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Dans l’arrêt rendu le 7 mars 2017 par la première chambre de la Cour d’appel de Paris, les juges opèrent une analyse minutieuse des demandes d’indemnisation relatives au plagiat d’un site internet d’une entreprise par son concurrent.

En l’espèce, la Sarl Sound Strategy, spécialiste dans la communication sonore de l’entreprise, propose depuis 2009 des messages vocaux destinés à l’accueil téléphonique des PME via son site internet www.studio-lowcost.com. Ce site permet au client d’accéder à des enregistrements standards ou personnalisés. Son dirigeant et actionnaire majoritaire M.X a découvert que l’entreprise du second associé M.Y, qui se trouve être dirigeant et actionnaire majoritaire de Sas Concepson, dispose d’un site internet concurrent www.myphonestudio.com analogue au sien.

La société Sound Strategy  a assigné le 25 avril 2014 la société Concepson  devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitisme.


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Elle avait par ailleurs demandé une indemnisation à hauteur de 73.742 euros à titre de préjudice économique ainsi que d’ordonner à la défenderesse de publier sur la page de son site pendant une durée d’un mois à compter de la signification de la décision un encadré avec les mentions  » Condamnation de la société Concepson pour concurrence déloyale parasitaire …  »

Nous allons procéder à l’analyse de décision de la cour d’appel (II) après avoir étudié les préjudices retenus en première instance (I).

I- Préjudice économique et concurrence déloyale parasitaire

A- Les éléments constitutifs d’une action en concurrence déloyale et parasitisme :

En l’absence de droit privatif, la règle est de recourir au droit commun afin de se faire indemniser le préjudice subi. L’action issue de ce droit commun et relative au règlement des litiges commerciaux entre deux concurrents est l’action en concurrence déloyale ou encore le parasitisme.

Ces deux actions nécessitent en vertu des articles 1240 et 1241 du code civil (ancien article 1382 et 1383), la réunion de trois éléments à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

Une décision du 6 décembre 2019 va venir définir le parasitisme comme « Les actes de concurrence parasitaire, qui peuvent être définis comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, engagent la responsabilité de leur auteur. ». Le TGI de Nancy rappelle également dans cette décision que le parasitisme est caractérisé par une faute et un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

La concurrence déloyale est, elle, définie dans un arrêt du 12 février 2020 comme des actes créant un avantage concurrentiel pour son auteur, au détriment de ses concurrents. Par cet arrêt, la Cour de cassation consacre également la présomption du préjudice dans les cas de concurrence déloyale.

B- Les rappels des juges du fond

Les juges du fond ont relevé le fait que les sites internet des deux concurrents présentaient des similitudes et que contrairement à la demanderesse, la Sas Concepcon ne rapportait pas la preuve des investissements nécessaires à la conception d’un tel site web. De ce fait, elle s’est rendue coupable de concurrence déloyale parasitaire.
Le jugement de première instance rendu par le tribunal de Paris, le 28 septembre 2015 avait donc retenu la responsabilité civile délictuelle de la Sas Concepcon et l’a condamné au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cette somme, relative au préjudice économique, a été évaluée par les juges du fond après la prise en compte des éléments communiqués par la Sarl Sound Strategy alors que cette dernière en avait réclamé 73.742 euros en réparation du préjudice économique. De ce fait, elle fait appel devant la Cour d’appel de Paris.

Dans l’arrêt de 2020 dont on a parlé plus tôt, la Cour de cassation va déterminer les modalités de calcul du montant de l’indemnité pour concurrence déloyale. Elle comprend donc le montant de l’économie injustement réalisée par l’auteur de la concurrence déloyale. On peut rapprocher cela de l’article L.331-1-4, 3° du Code de la Propriété intellectuelle qui prévoit que le calcul des dommages et intérêts comprend le montant des bénéfices réalisés par le contrefacteur.

II- Une solution insuffisante :

A- La reconnaissance d’un préjudice distinct des investissements de conception :

Tout d’abord, la cour d’appel de Paris dans son arrêt 7 mars 2017 confirme le jugement de la première instance sur les actes de concurrence déloyale parasitaire.
Ensuite, concernant la somme demandée au titre de réparation de préjudice, elle reproche à la demanderesse de ne pas avoir rapporté la preuve d’une éventuelle baisse du chiffre d’affaires.

La cour d’appel rappelle que  » le préjudice résultat d’actes de concurrence parasitaire doit être évalué selon les règles du droit commun de la responsabilité civile délictuelle fondé sur les articles 1240 et 1241 nouveaux (anciennement 1382 et 1383) du code civil en ce sens que e préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans toutefois excéder le montant de ce préjudice  »

L’allocation de dommage et intérêt est proportionnelle au préjudice subi et ne tient pas compte des coûts de développement du site internet même si cela constitue une économie réalisée par la défenderesse.

Concernant la demande de réparation du préjudice moral, la cour d’appel accueille la demande de la demanderesse même si cette demande n’était pas formulée devant les juges du fonds. La Cour d’appel considère  » qu’il infère d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral,… « . De ce fait, le préjudice moral existe depuis le début et le fait d’en demander la réparation revient à la même demande initiale à savoir la réparation du préjudice issu de l’action en concurrence déloyale parasitaire de son concurrent.

Pour évaluer le montant du préjudice moral, la cour d’appel se réfère à la dévalorisation que site a subi du fait de cette pratique parasitaire qui a eu pour conséquence de le banaliser et lui faire perdre sa visibilité sur la toile. Elle a condamné la défenderesse au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de préjudice moral.

Un arrêt du 21 mars 2018 a repris la formule de cet arrêt de 2017 pour retenir la concurrence déloyale, quand le préjudice n’est que moral et non physique “le préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyal, générateur d’un trouble commercial, fût-il seulement moral”.

B- Solution non protectrice :

Les montants alloués au titre d’indemnisation pour préjudice moral et pour préjudice économique ne sont pas dissuasifs. La Sarl avait engagé des frais pour la conception du site web qui s’élève à 23.920 euros, somme que son concurrent n’avait pas engagée.

C’est décevant de ne pas avoir retenu la condamnation de la défenderesse à l’affichage du bandeau précisant sa condamnation sur la page d’accueil du site internet, cette mesure aurait était plus dissuasive qu’une simple réparation d’autant plus minime.

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Sources
(1) http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/plagiat/61301
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&idArticle=LEGIARTI000006279172
TGI de Nancy, pôle civil – sec. 7 civile, jugement du 6 décembre 2019
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-nancy-pole-civil-sec-7-civile-jugement-du-6-decembre-2019/
Civ., 21 mars 2018, n° 17-14.582
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036779556
Cass. com., 12 févr. 2020, n° 17–31614
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041620381?init=true&page=1&query=17-31614&searchField=ALL&tab_selection=all