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PATRIMOINE VIRTUEL ET DECES

Le décès de l’auteur d’un courriel ou d’un site web donne naissance à  une question essentielle : sont-ils des éléments du patrimoine du défunt ? Et si oui quelles sont les conséquences ?

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire protéger le patrimoine virtuel d’un défunt

I. Les courriels : élément du patrimoine du défunt ?

Les e-mails  constituent des données personnelles. Une adresse e-mail permet d’identifier directement ou indirectement une personne physique et par conséquent la collecte et le traitement d’adresse de courriers électroniques doit respecter la Loi informatique et Liberté de 1978.

Le compte Webmail désigne une interface Web rendant possible l’émission, la consultation et la manipulation de courriers électroniques depuis un navigateur Web. Ici encore, le respect de la loi informatique et liberté s’impose.


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Cependant, cette loi ne traite en rien du devenir des données personnelles numériques : que deviennent-elles au décès de la personne concernée ? Sont-elles transmissibles ? Sont-elles vouées à disparaître ?

Cette problématique ne met pas cause des enjeux financiers. Les héritiers s’attachent ici à la valeur affective des courriers.

Ainsi, deux thèses s’opposent en la matière : d’une part, certains sont réticents à la transmission de ces données suite au décès (il s’agit notamment des hébergeurs) au motif que cela constituerait une atteinte au respect de la vie privée et au secret des correspondances ; d’autre part, d’autres exigent l’application classique des règles traditionnelles de succession en s’appuyant sur l’analogie avec le devenir des courriers classiques et sur une jurisprudence américaine.

A. La position des hébergeurs : le refus de communiquer les données personnelles

Notons que deux fondements sont susceptibles de justifier le refus de transmission des courriels à la famille du défunt :

– L’article 226-15 du Code pénal incrimine la violation du secret des correspondances : « Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.

Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende. » (1).

Or l’arrêt Nikon (Chambre sociale de la Cour de cassation, 2 octobre 2001) qualifie les e-mails de correspondances privées bénéficiant du secret des correspondances. Cela interdit à toute personnes autres que le destinataire de prendre connaissance des courriels sans le consentement de ce dernier.

Cela étant, ce principe ne peut pas prospérer, car à la mort du destinataire, le secret des correspondances ne présente plus aucun intérêt et ne peut plus être invoqué.

L’article 9 du Code civil quant à lui dispose que : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

Yahoo estime que diffuser de tels messages reviendrait à violer le droit à la vie privée de la personne décédée et de ceux avec qui elle correspondait : « nous avons pris l’engagement pour toute personne souscrivant à Yahoo Mail de traiter sa correspondance électronique comme de la correspondance privée et de respecter la confidentialité des messages » a déclaré la société dans un communiqué.

Cependant, la jurisprudence (Première chambre civile de la Cour de cassation, 14 décembre 1999, affaire Mitterrand) considère que le droit au respect de la vie privée s’éteint avec le décès de la personne et les vivants sont les seuls titulaires de ce droit. Dans cette espèce, la famille de l’ancien président réclamait réparation de deux préjudices distincts : l’un subi par le mort du fait de la révélation de son état de santé par son médecin le Docteur Gubler et l’autre subi par la famille victime d’une atteinte à la vie privée en tant qu’héritiers du défunt. La Cour de cassation les a donc déboutés sur le premier point.

Cette décision présente une portée significative pour ce qui est de la transmission des e-mails à la famille du défunt : le droit à la vie privée s’éteignant au décès de la personne, la communication des messages électroniques relevant de la sphère privée ne peut constituer une atteinte à la vie privée du défunt et par conséquent les hébergeurs ne peuvent être condamnés sur le fondement de l’article 9 du Code civil.

Dès lors, l’on peut considérer que les e-mails font partie intégrante du patrimoine successoral et leur transmission suit les règles de la dévolution légale.

Cette interprétation est confortée par une jurisprudence américaine ainsi que par le régime applicable aux courriers postaux.

Notons que, toutefois, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, avait créé l’article 40-1 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et qui avait introduit le droit à la mort numérique. En d’autres termes, toute personne dispose d’un droit pour organiser les conditions d’effacement, de communication ou de conservation de ses données personnelles pour la période suivant son décès.

Abrogé par l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018, désormais, c’est l’article 85 de la Loi informatique et liberté de 1978 qui dispose que : « Toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès. Ces directives sont générales ou particulières (…) ». Par ailleurs, l’article 84 de ladite loi affirme le principe selon lequel les données personnelles « s’éteignent au décès de la personne concernée ».

En cas de défaut de directives de la part la personne décédée, les héritiers de la personne concernée peuvent exercer les droits dont jouissait le défunt sur ses données personnelles quant au règlement et à l’organisation de la succession du défunt ainsi qu’à la prise en compte par le responsable de traitement du décès de ce dernier afin de supprimer ou de mettre à jour les comptes utilisateurs de celui-ci. (2)

B. La transmission des e-mails aux héritiers : la jurisprudence américaine et l’analogie avec les courriers postaux

Cette question a été posée également devant le juge américain. Les parents d’un soldat mort au mois de novembre 2004 en Irak demandaient que leur soient communiqués les courriers électroniques de leur fils défunt. Ce dernier étant détenteur d’un compte Yahoo Mail, la politique de la société interdit de communiquer les mots de passe et contenu à toute personne non détectrice du compte. Le 20 avril 2005, un Tribunal du Michigan a donné suite à la requête des parents, le portail américain devra donc se conformer à la décision de justice.

Certains fournisseurs d’accès  aux États-Unis ne sont pas aussi sévères : American On line permet ainsi aux héritiers ou aux proches parents d’une personne disparue d’accéder au contenu de sa boîte aux lettres électronique ; il faut pour cela fournir des documents attestant de la proximité du défunt, indique le site News.com. Afin de déterminer les proches en question, il semble préférable de suivre les règles classiques de la dévolution successorale (à savoir, le conjoint survivant et les descendants au premier degré).

Notons que Yahoo France n’a pas encore été confronté à ce type de situation. Nathalie Dray, porte-parole de Yahoo France, explique qu’« une chose est sûre, nous ne communiquerons aucune donnée sans une injonction du juge ; et même si tel était le cas, quels types d’e-mails pourrait-on communiquer ? Ceux qui ont été ouverts par le titulaire du compte ? Ou bien ceux qui n’ont pas encore été lus ? »

Nous sommes donc dans l’attente d’une décision émanant d’un juge français.

Notons tout de même qu’il serait critiquable d’appliquer un régime différent aux courriers selon qu’ils sont reçus sur support papier ou par voie électronique.

En l’absence de décision venant régler la question, mieux vaut se montrer prévoyant en communiquant son mot de passe en guise de dernières volontés.

Cela étant, il en va différemment du cas ou l’e-mail contient un élément protégeable par le droit d’auteur (comme un poème par exemple), le message suit alors le régime applicable au site web, régime relevant de la législation sur le droit d’auteur.

II. Le site web et l’application des règles spécifiques au droit d’auteur

Le droit d’auteur est assez souple pour accorder sa protection : pour qualifier un contenu d’œuvre, deux conditions sont exigées : d’une part, la notion d’originalité et d’autre part la forme.

-L’originalité : c’est une condition qui a été posée par la jurisprudence, mais qui n’est pas dans le Code de la propriété intellectuelle. La Cour de cassation est à cet égard assez souple : l’œuvre doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur et un effort créatif doit être manifesté dans l’œuvre. En 2003, la Cour de cassation applique la protection du droit d’auteur à une œuvre multimédia (un site en l’espèce) qui est interactive.

– La forme : c’est également une création de la jurisprudence. Pour être protégée, l’œuvre doit avoir été exprimée de façon tangible, matérialisée, formalisée. Le site Web dépasse le stade de concept puisque l’œuvre est incorporée dans un support informatique, d’autant que le choix des images, textes (…)ainsi que leur agencement caractérise bien souvent une création originale.

Le site web bénéficie donc de la protection du droit d’auteur et doit dès lors obéir à des règles de dévolution successorale spécifiques.

Ainsi, il faut distinguer les droits patrimoniaux du droit moral.

A. La dévolution des droits patrimoniaux

Le patrimoine de l’auteur est transmis à ses héritiers, mais il y a une particularité : c’est une transmission temporaire, car les œuvres et le droit de propriété sont affectés d’un terme extinctif. L’article L 123-1 indique qu’au décès de l’auteur, le droit d’exploitation persiste au bénéfice de ses héritiers pendant 70 ans et qu’après ce délai, l’œuvre tombe dans le domaine public, ce qui signifie que l’œuvre est utilisable et accessible à tous.

Pour déterminer les successibles, l’arrêt Utrillo applique le droit commun du Code civil.

A l’exception du droit de suite (L123-7 du Code de la propriété intellectuelle), les droits de représentation et de reproduction sont donc dévolus aux héritiers.

B. La dévolution du droit moral

En vertu des dispositions de l’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle, le droit moral est perpétuel et transmissible à cause de mort. Cela signifie qu’à la mort de l’auteur ce sont les héritiers qui jouissent du droit au respect de la qualité de l’œuvre, le site ne peut donc être dénaturé sans leur accord.

Le Code de la propriété intellectuelle affirme la possibilité selon laquelle l’exercice du droit moral peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ou suivre les règes de la dévolution ab intestat.

Sachant que le site web, les e-mails et les comptes webmails font donc partie intégrante du patrimoine du défunt et obéissent aux règles classiques applicables aux courriers postaux et aux œuvres matérielles (comme les tableaux…), force est de constater que le respect de la volonté du défunt étant la ligne directrice.

III. Le patrimoine virtuel dans les réseaux sociaux

Nul ne doute que la question de la mort numérique affecte également les réseaux sociaux. Récemment, une étude été publiée par l’Oxford Internet Institute de l’Université d’Oxford en Angleterre à ce sujet dans le journal « Big data & society ». En effet, le 23 avril 2019, Carl J. Öhman et David Watson avaient conclu que, sur la base d’une multitude de données empruntées des Nations Unies, dans 50 ans, les comptes sur les réseaux sociaux appartenant à des morts dépasseront ceux appartenant à des vivants.

Ainsi, selon eux, le patrimoine virtuel des personnes décédées pourrait, potentiellement former héritage virtuel commun. Dans cette étude, ils précisent que cela serait bénéfique non seulement pour les historiens, mais également pour les générations futures, et ce, dans la mesure où elles pourront mieux appréhender leurs identités et origines.

Ils rajoutent même que le contrôle d’une archive de ces données serait, dans un sens, un contrôle de l’histoire de l’humanité. C’est la raison pour laquelle ces auteurs avaient proposé à ce que ces données ne soient pas monopolisées par des entités privées à but lucratif.

Contre toutes attentes, force est de constater que la plupart des réseaux sociaux contredisent ses prédictions. Bien que l’approche de ces réseaux sociaux diffère l’un de l’autre, tous s’accordent sur l’exigence de production d’un justificatif tels que le certificat de décès ou une pièce d’identité pour la clôture éventuelle de ces comptes.

A titre d’illustration, Facebook offre aux héritiers du défunt deux possibilités : la première est la suppression complète du compte du défunt. Alors que, la seconde option consiste à créer un compte de commémoration permettant la conservation du compte de la personne décédée afin que les autres internautes puissent laisser des messages sur le mur de sa page. Twitter, de son côté, n’offre que la possibilité de supprimer définitivement le compte du défunt sous réserve de la présentation des justificatifs nécessaires. Par ailleurs, Twitter ne fournit pas les informations de connexion du compte, et ce, même aux héritiers. Enfin, Instagram offre également des options similaires telle que la conversion du compte du défunt en un compte de commémoration, à la seule différence que, celle-ci adopte des mesures conséquentes pour la protection de la confidentialité du compte en empêchant la diffusion de toute référence à ce compte qui pourrait affecter les proches de la personne décédée.

Pour lire une version plus complète sur le patrimoine virtuel et les décès, cliquez

Sources :

Protéger sa E.-réputation sur internet

 » Nul ne sera l’objet d’immixtion arbitraire dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteinte à son honneur et à sa réputation. « 
(Art. 12 de la DUDH)
L’E.-réputation représente l’identité d’une personne ou d’une entreprise sur Internet. Toutes les informations disponibles sur Internet vous concernant forgent cette réputation. La responsabilisation des internautes est essentielle face à l’augmentation exponentielle des données personnelles ainsi exposées sur la toile.

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Dès les années 1990, l’E.-réputation est définie (digital social life) comme la vie parallèle créée grâce aux nouvelles technologies.
Très rapidement l’importance de la vie online et des ses conséquences aussi bien pour les individus que pour les entreprises ou encore partis politiques, devient une préoccupation majeure.

En effet, de nombreux problèmes peuvent apparaître lorsque des informations personnelles online sont utilisées à des fins négatives, pour porter atteinte à la réputation.

Malgré ces éventuelles dérives, il n’existe toujours pas de  » droit de l’e-réputation  » à proprement parler.
Un ensemble de règles préexistantes et générales encadrent la vie virtuelle des internautes.

Face à une multiplication des plaintes en matière d’E.-réputation, les autorités publiques souhaitent aujourd’hui pallier aux écueils existants et faire de l’univers du numérique un espace de droits et de libertés.


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I. L’e-réputation et le droit

Tout un panel de droit a vocation à s’appliquer pour protéger l’E.-réputation.
Mais ces transpositions du droit général à Internet ne sont pas pleinement efficaces face aux innovations permanentes des acteurs d’internet.

Le principe général est que  » toute personne a le droit d’exiger des autres le respect de sa propre dignité, de sa réputation « .

Les atteintes à l’E.-réputation sont nombreuses, les plus courantes sont l’usurpation d’identité, le dénigrement, l’injure et la diffamation.

A) E-réputation et vie privée

Certaines personnes malintentionnées attaquent la réputation des internautes en divulguant des informations concernant leur vie privée.
Il est possible de faire cesser ces atteintes sur le fondement de l’article 9 du code civil qui consacre le droit au respect de sa vie privée.
Toute publication sans consentement préalable concernant la vie sentimentale, la santé ou encore l’image d’une personne est une violation de la vie privée de la personne concernée.
La  » revenge porn  » est l’exemple type et très actuel des atteintes à la vie privée sur Internet. Si cette pratique est bien connue des États-Unis, la première affaire française n’a été jugée qu’en 2014. L’individu en question a été condamné à 12 mois de prison avec sursis.

La ” revenge porn ” est l’exemple type et très actuel des atteintes à la vie privée sur Internet. Depuis la loi du 7 octobre 2016, le revenge porn est sanctionné à l’article 226-2-1 du Code pénal « Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. ».

Cette loi est venue mettre fin à la jurisprudence du 16 mars 2016 qui avait conclu que le revenge porn n’était pas un délit. Ainsi, cette pratique est aujourd’hui sanctionnée par une peine d’emprisonnement de 2 ans et une amende de 60 000 euros.Une décision du TGI de Bobigny du 20 novembre 2018 avait également retenu que le revenge porn était une atteinte à la vie privée.

Dans un arrêt du 27 janvier 2016, la Cour d’appel de Paris est venue sanctionner le dénigrement du concurrent sur internet.
Récemment, le 23 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné pour diffamation une patiente d’une dentiste qui avait laissé un avis remettant en cause les compétences de la professionnelle, clairement identifiée. Le tribunal a caractérisé une atteinte à l’honneur de par cette diffamation.

Une limite est cependant admise au respect de la vie privée, il s’agit de l’information d’actualité.
En effet, le droit à l’information du public, pendant de la liberté d’expression, prévaut communément sur la protection de la vie privée.
Pour le CEDH, la société démocratique est le critère ultime de référence que toute juridiction doit utiliser lors de conflits relatifs à la liberté d’expression.
 » La presse joue un rôle indispensable de chien de garde  »

Ainsi, dès lors qu’une image illustre un fait d’actualité de façon pertinente, aucune autorisation n’est requise pour diffuser une telle image.
Toutefois,  » la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui  » et il est donc possible que le droit à l’information soit limité.
La triste célèbre affaire Erignac illustre les frontières à ne pas franchir au nom de la liberté. La photo de son corps décédé avait été publiée comme illustration au slogan  » La République assassinée « . Les juges avaient considéré que l’atteinte à la vie privée de la famille du préfet l’emportait sur la liberté d’expression.

Cette affaire démontre bien toute la difficulté d’une protection de la réputation virtuelle qui doit satisfaire l’équilibre entre deux droits fondamentaux le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression.

B) E-réputation, injures et diffamation

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucuns faits (injure) ou toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne (diffamation) peut faire l’objet d’un recours.

La personne physique victime de tels faits a 3 mois à compter de la publication pour demander la cessation du trouble.

Ces actions en justice sont sanctionnées comme des abus de liberté d’expression.

De plus, la loi du 6 janvier 1978, loi Informatique et libertés, permet à toute personne dont les données personnelles font l’objet d’un traitement d’exiger du responsable qu’elles soient mises à jour ou effacées lorsque ces dernières sont  » périmées « .
Dès lors, cette notion d’obsolescence des données peut permettre de justifier un droit à l’oubli et au déréférencement.
Certaines personnes, habilitées par la loi de 1978, échappent à cette obligation. Il s’agit des personnes traitant des données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûretés.
La CNIL a néanmoins limité ce droit pour les décisions juridiques puisque les personnes les publiant doivent anonymiser les personnes physiques citées dans les décisions.

C) E-réputation, droit à l’oubli et émergence d’une personnalité numérique

Les atteintes à la réputation et à l’image des personnes sur Internet se multiplient de manière considérable sans qu’aucune amélioration ne soit faite quant à leur traitement juridique, pourtant très contesté aujourd’hui.

L’association du droit de l’informatique et de la télécommunication revendique depuis quelques années une amélioration de la protection de la personne sur Internet.
De nombreux spécialistes (universitaires, avocats, membres de la CNIL) partagent leurs points de vue sur les problématiques liées à l’e-réputation.
Tous s’accordent sur le fait que l’état du droit actuel est inadapté aux nouveaux enjeux d’Internet.
Certains évoquent la nécessité de créer une réelle personnalité numérique avec une protection et des recours particuliers.

Pour l’heure, depuis l’arrêt Costeja du 13 mai 2014 les données personnelles au regard des traitements opérés par les moteurs de recherche en Europe font l’objet d’un droit de déréférencement. Le droit au déréférencement, soumis à des conditions, est enfin consacré.

Accompagné aujourd’hui par le RGPD qui consacre en son article 17 une obligation de traitement d’effacer certaines données à caractère personnel, fixant les limites du droit à l’oubli.
Cette jurisprudence a obligé les moteurs de recherche français à gérer les questions d’atteinte à la réputation et à faire primer le respect de la vie privée sur le libre référencement et la liberté d’expression.
Un formulaire de déréférencement doit être mis en ligne pour permettre les réclamations.

Un droit à l’oubli est également envisageable lorsque les résultats concernant des particuliers sont ” obsolètes, inexacts ou excessifs “.
Cette appréciation est laissée aux moteurs de recherche.
Ce pouvoir d’arbitrage laissé aux entreprises privées, comme Google, pose un problème de sécurité juridique même si des recours sont prévus en cas de refus.
En effet, ces entreprises auront le rôle de juger et de trancher entre les droits privés d’une personne et la liberté d’expression.

Or, la réponse de Google à la CNIL, après avoir été mis en demeure d’appliquer le droit à l’oubli à l’ensemble des versions de son moteur de recherche, révèle une volonté très forte de faire primer la liberté de référencement sur la vie privée.

” Il existe d’innombrables cas dans lesquels ce qui est illégal dans un pays ne l’est pas dans un autre. Cette approche représente un nivellement par le bas : au final, Internet serait seulement aussi libre que l’endroit le moins libre du monde. ” (réponse Google du 30 juillet 2015). Toutefois lors de la délibération du 10 mars 2016, la CNIL a sanctionné Google à une amende de 100 000 euros.

De plus, dans 13 décisions du 6 décembre 2019, le Conseil d’État est venu fixer les conditions du déréférencement sur internet, que Google se devait de respecter, afin d’être conforme à l’obligation du RGPD.

II. La gestion individuelle de l’e-réputation

Malgré de récentes avancées en matière de protection sur Internet, il est primordial que les internautes ne se déresponsabilisent pas.
Le déréférencement permet bien de supprimer certaines pages indexées, mais les images ou les textes restent sur Internet. L’effacement pur et simple est illusoire.

Dès lors, chaque individu doit rester vigilant et responsable de ce qu’il choisit de publier sur Internet.

Savoir gérer sa E.-réputation en amont permettrait d’éviter des procédures juridiques longues et coûteuses.
Il est irréaliste de penser possible le contrôle absolu de sa réputation virtuelle, néanmoins certains outils permettent de limiter une exposition trop importante de sa vie privée.

La première chose à faire est de réfléchir à tout ce que l’on publie sur le net (commentaires, photos, vidéos).
Ensuite, penser à utiliser un pseudonyme peut être intéressant étant donné que rien n’est réellement secret et privé sur Internet.
Enfin, vérifier régulièrement les résultats liés à votre nom sur les moteurs de recherche.

Certaines assurances se lancent dans la protection de l’E.-réputation et proposent d’accompagner les particuliers dans la gestion de leur vie virtuelle.
SwissLife e-réputation a été le premier contrat d’assurance e-réputation et propose la défense des droits des internautes en cas d’atteinte à votre vie privée, mais, met également à disposition des spécialistes du nettoyage d’information sur le WEB.

Aujourd’hui de nombreux contrats d’assurance e-réputation existent.

SOURCES
http://ereputation.paris.fr/
http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/Vos_libertes/Droit_au_dereferencement-Interpretation-Arret.pdf
http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/09/25/32001-20140925ARTFIG00004-j-ai-teste-mon-droit-a-l-oubli-sur-google.php
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033202746/
Article 226-2-1 du code pénal
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000042193566/2020-08-01#:~:text=Article%20226%2D2%2D1,-Cr%C3%A9ation%20LOI%20n&text=Lorsque%20les%20d%C3%A9lits%20pr%C3%A9vus%20aux,60%20000%20%E2%82%AC%20d’amende.
Crim. 16 mars 2016, 15-82.676
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032263441/
TGI de Bobigny, ch.5/sec.3, jugement contentieux du 20 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-bobigny-ch-5sec-3-jugement-contentieux-du-20-novembre-2018/
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 27 janvier 2016, n° 2013/10 846
Tribunal judiciaire de Marseille, ordonnance de référé du 23 septembre 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-marseille-ordonnance-de-refere-du-23-septembre-2020/
Délibération CNIL 2016-054 du 10 mars 2016
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000032291946/
Les 13 décisions du 9 décembre 2019
https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/droit-a-l-oubli-le-conseil-d-etat-donne-le-mode-d-emploi