Y-a-t-il des clauses abusives dans les conditions générales de l’Apple store et de Google store?

Les conditions générales de vente (CGV) entre professionnels constituent le socle de la négociation commerciale et peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs. Elles doivent être communiquées à tout acheteur professionnel qui en fait la demande. L’Apple store et Google store régulent leurs relations avec les développeurs d’applications à l’aide de ces CGV. Ces géants des applications pour smartphones doivent réguler leurs CGV de manière à ne pas comporter de clauses abusives à l’encontre des développeurs.

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Selon l’article L.212-1 du Code de la consommation, les clauses abusives sont des clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Définie par la loi LME, la notion déséquilibre significatif est un « un système de sanction dissuasive visant à empêcher les abus de puissance d’achat ou de vente ». C’est l’article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce qui sanctionne le fait pour un partenaire commercial « De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. ». Par conséquent, ces clauses abusives sont réputées non écrites.

Le déséquilibre significatif est apprécié par la jurisprudence comme pouvant être une absence de réciprocité dans le contrat, une absence de contrepartie ou une absence de négociation. Le déséquilibre se déduit d’une relation contractuelle qui ne bénéficie qu’à une seule partie, unilatéralement. Le Code civil précise à l’article 1171 que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Ainsi pour déterminer qu’il y a un déséquilibre significatif, il faut analyser l’équilibre économique du contrat.


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Il s’agit de savoir si les CGV de l’Apple Store ou de Google play store, distributeurs d’applications pour smartphones, comportent des clauses abusives au regard du droit français et du droit européen.

I. Les conditions générales de ventes face aux clauses abusive

A) Règles générales des CGV

L’article L 441-1 du Code de commerce indique que « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable […] Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ». On a donc une obligation de communication des CGV qui s’adresse au vendeur, l’idée étant de permettre à tout acheteur de pouvoir comparer avant de contracter. Il y a donc une obligation de communication qui est prévue par ce texte, mais cette obligation est conditionnée par une démarche préalable et active de l’acheteur. Le fait pour l’acheteur de demander la communication des CGV créé une obligation pour le vendeur. Cette obligation préexistait à l’ordonnance de 2019, puisque dans un arrêt du 29 mars 2017 la Cour de cassation avait retenu le caractère fautif du refus de communication des CGV.

Ce texte nous dit par ailleurs que les CGV constituent le socle de la négociation commerciale. Cela signifie que les négociations vont être rythmées, et on va imposer qu’elles commencent d’un point de vue chronologique par les conditions générales de vente du vendeur. C’est une façon de protéger l’acheteur, car on va empêcher que les négociations ne commencent par les conditions générales d’achats du vendeur qui sont plus puissantes.

Ainsi, chaque fois qu’on va renverser une CGV, on va aboutir à des conditions particulières de ventes, spécialement conçues entre ce vendeur et cet acheteur, à un moment précis. Ces conditions particulières de vente prévues à l’alinéa 5 de l’article ne sont pas soumises à des obligations de communication, elles sont opaques, elles sont un véritable secret dans les affaires, contrairement aux CGV.

Par ailleurs, le professionnel qui dérogerait à l’obligation de communication de ses conditions générales de ventes s’expose à l’amende administrative de l’article L. 441-1-IV du Code de commerce dont le montant maximal est de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale.

En outre, encours une amende pénale de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, le professionnel qui n’indiquerait pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou qui fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus. Cette amende peut être portée à 150 000 euros pour une personne physique et de 750 000 euros pour une personne morale, en cas de réitération du manquement dans un délai de 2 ans.

Une autre amende administrative est prévue à l’article L.441-16 du code de commerce, d’un montant ne pouvant excéder 75 000 euros pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale. Cette amende pourra être prononcée si le professionnel n’indique pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou si ce dernier fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité de retard non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus.

En cas de clauses abusives dans les CGV, celles-ci devront être supprimées des supports comme l’a rappelé un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 octobre 2020. Bien que non retenue en l’espèce, la Cour rappelle que l’accessibilité réduite des CGV est une pratique condamnable.

B) Réglementation sur les clauses abusives

L’article  L. 212-1 du Code de la consommation indique que « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. ».

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 822-4, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables, quels que soient la forme ou le support du contrat ( bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies).

Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les articles R.212-1 et R.212-2 du Code de la consommation distinguent deux types de clauses abusives : les clauses grises et les clauses noires. Les clauses noires sont présumées être abusives de manière irréfragable, c’est-à-dire que l’on ne peut pas y apporter la preuve contraire.  Les clauses grises quant à elles, sont présumées abusives. C’est-à-dire qu’en cas de litige c’est le professionnel qui doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause.

II) Les clauses abusives des conditions générales de l’Apple Store et du Google Store

A) Les CGV de google play store

Diverses obligations rentrent en ligne de compte vis-à-vis des développeurs d’applications au sein de google play store. L’installation en premier lieu est à la charge du développeur et Google refuse toute application qui ne serait pas installée convenablement sur la boutique en ligne. Un contrôle sur la qualité du produit mis en ligne est donc exercé dès l’installation.

Le contenu de l’application en second lieu doit être fidèle à la présentation qui en est faite. Elle ne doit pas présenter de contenu à caractère pornographique ou violent.

Les CGV de Google play store prévoient une responsabilité du développeur du fait de son application. En effet, il est seul responsable de l’assistance des produits mis en ligne donc des préjudices nés du téléchargement de son application. De fait, Google se décharge complètement d’une quelconque responsabilité à l’égard du développeur, mais aussi de l’utilisateur. Cette limitation de responsabilité est très large. Sur ce point, un arrêté du 18 décembre 2014 est intervenu,  relatif aux informations contenues dans les conditions générales de vente en matière de garantie légale.

Pris sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relatif à la consommation, l’arrêté précise, qu’en application de l’article L. 211-2 du Code de la consommation, les conditions générales de vente des contrats de consommation doivent comporter les noms et adresses du vendeur garant de la conformité des biens au contrat, permettant au consommateur de formuler une demande au titre de la garantie légale de conformité prévue aux articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation ou de la garantie des défauts de la chose vendue au sens des articles 1641 et suivants du Code civil. À ce titre, non seulement le développeur, mais également la société Google, vendeur en l’espèce lorsqu’elle propose des applications sur sa plateforme, devraient être susceptibles d’engager leur responsabilité.

Le tribunal de commerce de Paris le 28 mars 2022 a condamné Google au paiement d’une amende de 2 millions d’euros pour avoir imposé sept clauses abusives dans ses contrats de distribution aux développeurs d’applications sur son Play store. Les clauses litigieuses sont en date de 2015 et 2016. Une de ces clauses imposait, sans négociation possible, un prélèvement de 30 % à destination de Google sur le prix de chaque application mobile.

S’agissant de l’obligation de respect de la vie privée des utilisateurs, Google se conforme dans ses conditions d’utilisation de la boutique en ligne au Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne relatives au traitement des données à caractère personnel des utilisateurs. Ainsi, une clause prévoit que le développeur doit « faire preuve de transparence concernant la façon dont il gère les données utilisateur, telles que les informations fournies par l’utilisateur ou obtenues à son sujet, y compris les informations provenant des appareils. Autrement dit, les développeurs doivent informer l’utilisateur en cas de collecte, d’utilisation et de partage desdites informations, et les utiliser exclusivement aux fins indiquées. » Ainsi, tout traitement de données à caractère personnel des utilisateurs doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Ce principe a encore été rappelé récemment par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse le 18 mai 2020.

B) Les CGV de l’Apple Store

Qualifié par certains « d’intermédiaire technique » entre le développeur et le consommateur final, se revendiquant ainsi du statut protecteur d’hébergeur prévu par la LCEN dans son article 6, Apple impose néanmoins les règles du jeu à travers ses CGV dans ses relations avec le développeur de l’application.

Apple a affirmé que l’App Store d’Apple avait généré 519 milliards de dollars en facturation et en ventes à l’échelle mondiale pour la seule année 2019. Apple prévoyant une répartition des revenus, l’éditeur d’une application perçoit 70 % des revenus tandis que Apple perçoit 30 % des revenus.

C’est notamment sur ce sujet des 30 %, que tout comme Google, qu’Apple fait l’objet d’une assignation par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). En effet, Appel perçoit 30 % sur tous les achats effectués depuis son application, le pourcentage est le même sur les abonnements. Cette clause litigieuse est également pointée du doigt par d’autres pays européens, c’est notamment le cas de l’Autorité de la concurrence néerlandaise.

Pour empêcher ses pratiques, le projet de règlement « Digital Markets Act » (DMA) prévoit que les géants d’internet devront autoriser l’installation d’application à partir de sources extérieures à leurs stores. Ainsi, ce pourcentage de 30 % ne serait plus applicable, car l’achat ne passerait plus par leurs boutiques.

Apple est donc un géant dans le domaine, si ce n’est LE géant. Ainsi, la société propose au sein de ses CGV des conditions classiques liés au développement des applications, telles que des conditions d’adhésion pour les développeurs et des conditions de rémunération s’élevant à 70 % des sommes générées par le développement des applications. Les CGV ne semblent donc pas contenir de clauses abusives.

Toutefois, et comme le parallèle fait avec Google play store, ce sont peut-être les conditions de garanties qui se détachent. En effet, Apple ne prévoit de garantir ni le développeur ni l’internaute contre les dommages causés aux appareils mobiles qui résulteraient des applications téléchargées. Ensuite, les conditions de distribution stipulées par Apple prévoient que le développeur doit respecter les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) du 23 mai 2018 relative à la protection des données personnelles des internautes. Par ailleurs, Apple s’autorise à retirer d’office de la plateforme, sans en avertir le développeur, toute application dont le contenu serait jugé contraire aux conditions d’utilisation stipulées.
Malgré tout, Apple n’est pas sans reproche, vu que dans une décision du 9 juin 2020, la société a été condamnée pour non-respect du RGPD. Dans ce même jugement, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré que plusieurs clauses des conditions générales d’ITunes et d’Apple Music étaient illicites ou abusives.

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Sources :

http://www.cgv-expert.fr/article/conditions-adhesion-android-market-editeurs_45.htm
http://store.apple.com/fr
http://blog.goodbarber.com/fr/Comment-creer-son-compte-developpeur-chez-Apple_a275.html
http://economie.lefigaro.fr/app-store-apple.html
https://support.google.com/googleplay/android-developer/answer/10355942?hl=fr
https://www.apple.com/fr/newsroom/2020/06/apples-app-store-ecosystem-facilitated-over-half-a-trillion-dollars-in-commerce-in-2019/
Le règlement général sur la protection des données – RGPD
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
Com. 3 mars 2015, 13-27.525
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030324689/
Cons. const. 13 janv. 2011, n° 2010-85 QPC
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023418391
Com. 29 mars 2017, 15-27.811
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034340247
CA Paris 29 octobre 2020
CA Toulouse 18 mai 2020
Tribunal judiciaire de Paris, jugement rendu le 9 juin 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-jugement-rendu-le-9-juin-2020/
Article 1171 du Code civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036829836/#:~:text=Dans%20un%20contrat%20d’adh%C3%A9sion,contrat%20est%20r%C3%A9put%C3%A9e%20non%20%C3%A9crite.
Article L.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032890812/
Articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069565/LEGISCTA000032221261/#LEGISCTA000032226953
Article L. 822-4 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032224234
Articles R.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807196/
Articles R.212-2 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807198/
Article L 441-1 du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038414469/#:~:text=II.,moyen%20constituant%20un%20support%20durable.
Article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000038414237/2019-04-26/