Les images gifs et le droit d’auteur

Véritable phénomène social, le GIF bouleverse les modes de communications traditionnels jusqu’alors basés sur l’échange de mots.

Ces images animées, issues de séries, de films ou encore de dessins animés, pourraient bien se heurter à la protection des droits d’auteurs.

Depuis l’avènement d’internet, la protection des droits d’auteurs doit perpétuellement être interprétée et ajustée afin de ne pas laisser subsister des zones de non droit.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Récemment c’est le GIF qui amène les spécialistes du droit à statuer sur l’encadrement de son utilisation.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez nous en cliquant sur le lien


Le GIF, acronyme de Graphics Interchange Format, est un format conçu en 1987 pour permettre le téléchargement d’images en couleur. Les images alors assemblées créent une sorte de petits « films » joués en boucle.

L’utilisation du GIF revient en force ces derniers mois et se transforme en véritable phénomène social. Ces fichiers sont une véritable alternative aux smiley et permettent des échanges uniques et surprenants.

En effet, issus d’images de séries, de films, d’émissions ou encore de dessins animés, ils permettent de décrire une situation qu’il est difficile de décrire avec une simple photo. Ils ont une véritable force illustrative et démonstrative.

Cependant, qu’en est-il de la protection droits d’auteurs des œuvres ainsi utilisées ?

Le droit d’auteur correspond à l’ensemble des prérogatives dont dispose une personne sur les œuvres de l’esprit qu’elle a créées. Il est partagé entre le droit patrimonial et le droit moral.

Les droits patrimoniaux se prescrivent 70 ans après le décès de l’auteur, contrairement au droit moral qui est imprescriptible.

Les droits patrimoniaux permettent de contrôler l’utilisation par autrui de l’œuvre créée et, donc, d’en percevoir une contrepartie.

Les droits moraux permettent, quant à eux, de protéger la personnalité de l’auteur exprimée à travers l’œuvre.

Toute utilisation (reproduction, représentation) de l’œuvre protégée est donc normalement soumise à autorisation préalable de l’auteur, sans quoi il y aura contrefaçon.

Le droit moral s’applique également sur Internet. Ainsi un auteur ou ses héritiers (le droit moral étant imprescriptible, il est transmis aux héritiers à cause de mort) pourraient agir contre une personne ayant dénaturé l’œuvre.

Toutefois, certaines exceptions sont prévues afin d’accorder au public une utilisation libre de l’œuvre.

Exception aux droits patrimoniaux

Lorsque l’œuvre est utilisée à des fins strictement privées, simplement citée, ou encore parodiée ou caricaturée, son utilisation échappe aux droits d’auteur.

Le GIF utilise des images tirées d’œuvre de l’esprit. Le nombre d’image utilisé est très faible et forme une animation de très courte durée.

Dès lors, il peut être qualifié juridiquement de courte citation et échapper à la protection des droits d’auteur, selon l’article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle.

La courte citation est conditionnée à la réunion de trois éléments :

  • La brièveté
  • La mention de la source dans le respect du droit de paternité de l’œuvre originale
  • Le caractère justifiée de l’utilisation de la citation

S’agissant de la brièveté, cette dernière s’apprécie in concreto, c’est-à-dire que le juge va regarder les circonstances particulières de la citation pour déterminer s’il s’agit ou non d’une courte citation, comme il l’a fait dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.
Concernant le respect au droit de paternité de l’auteur de l’œuvre originale. Il s’agit d’un droit moral, il est donc imprescriptible. Ainsi l’utilisation d’un GIF, si elle répond à l’exception de citation, est conditionnée à une mention du nom de l’auteur ainsi que la source de l’œuvre, principe rappelé encore une fois dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement, la qualification de courte citation peut être facilement écartée.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement. Or cette exception de citation est en principe, limitée aux fins de critiques, polémiques, pédagogiques, scientifiques ou d’informations. De même l’utilisation d’un GIF par une entreprise à des fins de communication, correspond à une utilisation commerciale, ce qui fut exclu du champ d’application de l’exception de citation par le TGI de Paris le 15 mars 2002. La qualification de courte citation peut donc être facilement écartée.
Le GIF est une sélection d’images bien particulières d’une œuvre audiovisuelle jouées en boucle. Ce mécanisme de répétition et ce choix des images créent tout le succès du GIF.
Le GIF peut alors s’apparenter à une parodie, œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse. Autrefois, la parodie était qualifiée que lorsqu’il y avait une portée satirique, aujourd’hui elle peut l’être à la seule recherche du rire.
Pour que l’exception de parodie soit retenue, il faut qu’elle remplisse deux conditions.

Tout d’abord, il faut que la parodie ne crée aucun risque de confusion entre l’œuvre parodiée et sa parodie. Il s’agit d’une condition prévue à l’article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, elle est considérée comme l’élément matériel de l’exception, il s’agit d’une condition constante et nécessaire, encore rappelée dans un arrêt du 22 mai 2019. Le GIF ne reprenant qu’un court passage de l’œuvre originale, il n’existe aucun risque de confusion.

Enfin, il faut que la parodie soit poursuivie dans un but humoristique. Il s’agit là de l’élément moral de l’exception, or la jurisprudence, qui suit une tendance à l’assouplissement de l’exception de parodie, va diminuer l’importance de cette condition. Comme ce fut le cas dans l’arrêt du 22 mai 2019, où la Cour de cassation a appliqué l’exception de parodie à un photomontage, alors que le caractère humoristique n’était que secondaire à un message d’intérêt général. Dans la pratique, les GIF ont principalement un but humoristique, vu qu’il servent à illustrer un propos à travers une courte animation.

Depuis l’arrêt Painer du 1er décembre 2011 rendue par la CJUE, on considère que la parodie n’a pas à porter sur une œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour être protégé par l’exception de parodie. Cette jurisprudence nous permet donc d’appliquer l’exception de parodie à tous GIF, même non issus d’une œuvre originale, comme issus d’une émission sportive ou d’un discours politique (La Cour d’appel de Paris le 13 mars 2020 a reconnu l’application de l’exception de parodie à une vidéo militante). Cela permettrait d’assurer une protection uniforme pour ces GIF, indépendamment de leur origine.

Enfin, il convient de se demander si les GIF ne peuvent pas faire l’objet de l’exception de l’usage privé. En effet, les GIF sont la plupart du temps utilisés au cours de discussions avec des amis ou de la famille, leur utilisation serait donc restreinte au cercle de famille. Toutefois, cette exception est limitée, car aujourd’hui ces GIF sont également fréquemment utilisés sur les réseaux sociaux.

Exception aux droits moraux

Les droits moraux emportent l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Une telle atteinte peut être caractérisée lorsque l’œuvre est déformée ou diffusée hors contexte.

Or, le GIF diffuse un extrait très bref de l’œuvre qui peut finalement porter atteinte au respect de l’œuvre.

Malgré que cette atteinte puisse être retenue par certains juges, les ayants droits concernés ne semblent pas s’en préoccuper. En effet, l’utilisation de ce format n’a pour le moment amené aucuns contentieux.

Les exceptions, de parodie ou de citation, empêchent également qu’une atteinte aux droits moraux de l’auteur soit retenue.

Toutefois, des applications de bases de données de GIFs commencent à voir le jour entraînant avec elles leur monétisation.

C’est le cas de .GIF, application conçue par deux français, qui compte aujourd’hui plus de 15 000 utilisateurs.

  • Comment est encadrée la distribution des GIF sur ces applications ?

Pour Giphy, moteur de recherche de GIF, et sa nouvelle application d’envoie d’images animées par SMS, (Nutmeg) ce sont ses partenaires (Disney, Game of thrones…) qui donnent aux utilisateurs le droit de distribuer leurs animations.

Mais lorsque le GIF n’appartient pas à un de ces partenaires, Giphy ne paie aucune redevance pour son utilisation et sa distribution.

Les ayants droit qui n’ont, aujourd’hui, aucun intérêt à porter devant la justice la violation de leurs droits pourraient changer d’avis si ce partage se transforme en commerce lucratif.

 

SOURCES
Droit d’auteur et copyright – Broché – 2014 – Françoise Benhamou – Joëlle Farchy
http://www.inpi.fr/fr/l-inpi/la-propriete-industrielle/comment-proteger-vos-creations/le-droit-d-auteur.html
http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23431.xhtml
Article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037388886/
Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019 n° 18/08181
TGI de Paris le 15 mars 2002
Civ. 1ère ch. 22 mai 2019, 18-12.718
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2019_9122/mai_9285/469_22_42551.html
CJUE 1er décembre 2011 Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH et autres., C-145/10
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62010CJ0145
CA Paris, 13 mars 2020