contrat de travail

Organisation du télétravail : comment doivent faire les sociétés ?

L’état d’urgence sanitaire a été décrété par la loi du 23 mars 2020 (L. n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, 23 mars 2020, JO 24 mars) pour une durée de deux mois.

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En conséquence, l’employeur doit mettre en place des mesures de prévention adaptées aux métiers de l’entreprise et adapter l’organisation de travail de ses salariés.

Ainsi, l’utilisation du télétravail devient la règle impérative pour tous les postes qui le permettent et les règles de distanciation pour les emplois non éligibles au télétravail doivent impérativement être respectées.

En 2022, une recherche menée par l’institut Montaigne relève que même après la disparition de la pandémie, le télétravail demeure fortement soutenu par les employeurs. Aujourd’hui, environ un quart des actifs affirme travailler à distance au moins deux jours par semaine.

 

I-              Les obligations de prévention et d’information dans l’entreprise

A) L’obligation de prévention de l’employeur

L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail).

L’employeur ne doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher. Cette obligation est une obligation de résultat (Cour de cassation, chambre sociale, 22 février 2002, pourvoi n° 99-18389), c’est-à-dire qu’en cas d’accident ou de maladie liée aux conditions de travail, la responsabilité civile et pénale de l’employeur pourra être engagée.


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Cet arrêt de la chambre sociale spécifie également que l’obligation de sécurité découle du contrat de travail liant le salarié à son employeur. Par trois arrêts en date du 8 octobre 2020, 18 mars 2021 et 8 avril 2021, (Cass. 2e civ., 8 oct. 2020, n° 18-25021 ; Cass. 2e civ., 18 mars 2021, n° 19-24284 ; Cass. 2e civ., 8 avr. 2021, n° 20-11951), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a modifié cette jurisprudence.

Cette dernière a exclu de la sphère contractuelle cette obligation de sécurité de l’employeur, en affirmant qu’elle était une obligation légale. Ces arrêts ont par ailleurs supprimé toute mention de l’obligation de résultat. La cour souligne en effet que la faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque ce dernier « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et quil na pas pris les mesures nécessaires pour len préserver ».

A ce titre, l’employeur doit procéder à une évaluation du risque professionnel afin de réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail (article R.4121-2 du Code du travail).

Un décret daté du 18 mars 2022 (n°2022-395) énonce les modalités de création du document relatif à l’évaluation des risques. Celui-ci doit être mis en œuvre au moins une fois par an dans les entreprises comptant au moins onze salariés.  De plus, il doit être élaboré à chaque fois qu’une décision d’aménagement importante modifie les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ainsi que lorsqu’une information supplémentaire pertinente pour l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur.

Les mesures qui doivent être prises s’organisent autour de trois axes :

  • Les actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité : adaptation des postes de travail, évaluation des risques, etc.;
  • Les actions d’information et de formation : présence de panneaux sur les lieux dangereux, inscription des salariés à des formations sur la sécurité au travail, etc. ;
  • La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés : installation de machines adaptées, retrait des produits dangereux, etc.

La nouvelle évaluation des risques doit être retranscrite dans le document unique d’évaluation des risques et actualisée pour tenir compte des changements de circonstances. Les mesures de prévention qui en découlent doivent être portées à la connaissance des salariés selon des modalités adaptées afin de permettre leur pleine application.

Dans le cadre de l’épidémie de Coronavirus, l’employeur doit ainsi, quelle que soit la situation de l’entreprise :

  • Informer les salariés sur les mesures de prévention à respecter conformément aux recommandations officielles ;
  • Mettre à disposition des salariés les moyens nécessaires pour éviter la propagation du virus : savon, solution hydroalcoolique, fourniture de masques de protection ;
  • Mettre en place de mesures de distanciation sociale ;

Les mesures individuelles et organisationnelles d’hygiène en situation de pandémie ne doivent pas être considérées comme de simples recommandations, mais bien comme des exigences et des consignes que les salariés ont l’obligation d’appliquer au même titre que les autres règles de sécurité édictées par l’employeur.

Par conséquent, le fait de ne pas respecter les consignes d’hygiène peut être considéré comme une faute disciplinaire, car cela peut mettre en danger la vie des autres salariés (C. trav., art. L. 4122-1).

L’information des salariés sur les mesures prises par la hiérarchie, le service de santé au travail et le CSE doit être précise et pertinente (campagne d’affichage, distribution de consignes écrites par tracts et/ou emails, etc.). Le médecin du travail, avec le CSE, conseille l’employeur sur les actions à mettre en œuvre et sur l’information à donner aux salariés afin d’éviter la contamination dans l’entreprise.

La première mesure à prendre est de renseigner le document unique d’évaluation des risques pour y intégrer les éléments liés à une situation de crise sanitaire majeure. Il faut notamment y prévoir une procédure rapide et efficace pour les salariés infectés ou revenant d’une zone à risque.

B) L’obligation d’information du salarié

Conformément à l’article L. 4122-1 du Code du travail, le salarié est également responsable de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles de ses collègues.

Par conséquent, un salarié revenant d’une zone à risque ou ayant côtoyé une personne susceptible de transmettre le virus, et qui n’en informe pas son employeur commet une faute et pourrait être sanctionné à ce titre. Il en va de même pour un salarié qui ne respecterait pas les mesures d’aménagement du poste de travail ou de confinement mises en place.

Ainsi, si le salarié n’informe pas volontairement son employeur d’une raison possible d’envisager qu’il soit contaminant, ce comportement pourrait être sanctionné, selon la gravité, d’un licenciement pouvant aller jusqu’à la faute grave.

La Cour de cassation a déjà eu à rappeler, pour un salarié malade qui avait mis en danger ses collègues en renversant des palettes sur un chantier après avoir refusé d’être placé en arrêt maladie. (Soc. 12 oct. 2017, n° 16-18.836).

Un protocole national visant à garantir la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 a été révisé le 29 octobre 2020.

Les principales modifications portaient sur l’expansion du télétravail pour les activités permettant l’organisation des réunions par audio et visioconférences, l’utilisation de l’application TousAntiCovid pour faciliter le suivi des cas contacts ainsi que la cessation des moments de convivialité dans le cadre professionnel. Ce protocole n’est plus en vigueur depuis le 14 mars 2022.

II. La mobilisation des congés payés par l’employeur

L’employeur doit aménager le poste de travail afin de limiter les risques de propagation du Covid-19. Depuis l’ordonnance du 26 mars 2020, l’employeur peut mobiliser une partie des congés et/ ou repos de ses salariés.

Sous réserve de la signature préalable d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche, l’employeur pourra imposer jusqu’à 6 jours de congés payés à ses salariés en respectant un délai de prévenance d’un jour franc au moins ;

L’employeur peut sans attendre, et ce avant le 31 décembre 2020 imposer unilatéralement jusqu’à 10 jours de congés en respectant un délai de prévenance d’un jour franc au moins. (Repos, RTT, jours portés sur un compte épargne temps, à l’exception des congés pour événements familiaux)

Par ailleurs, dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, les modalités de travail seront déterminées par décret.

III. L’adaptation de l’activité des salariés en cas de poursuite de l’activité de l’entreprise

A) Mise en place du télétravail

L’employeur doit demander au salarié, dont le poste le permet et qui dispose du matériel nécessaire pour le faire, de recourir au télétravail.

Conformément à l’article L. 1222-11 du Code du travail « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection du salarié ». 

Ainsi, l’aménagement du poste peut être imposé par l’employeur. Celui-ci peut exiger du salarié de télétravailler jusqu’à la fin de la période d’incubation (soit 14 jours) afin d’éviter le risque de propagation du coronavirus au sein de l’entreprise.

À l’origine, entre le 26 mars 2020 et le 30 juin 2021 l’employeur avait la possibilité d’imposer jusqu’à six jours de congés payés à ses salariés. La loi sur la gestion de la sortie de crise sanitaire (loi n°2021-689 du 31 mai 2021) a prolongé cette mesure jusqu’au 30 septembre 2021 permettant à l’employeur d’imposer jusqu’à huit jours de congés payés. Désormais, l’employeur ne peut plus dicter ces dates de congés mis à part en cas de fermeture temporaire de l’établissement.

B) Postes pour lesquels le télétravail n’est pas possible

Lorsque les contacts sont brefs, les mesures barrières permettent de préserver la santé des salariés et celle de leur entourage.

Lorsque les contacts sont prolongés et proches, l’employeur devra compléter les mesures barrières.

Dans ces conditions, la seule circonstance que le salarié soit affecté à l’accueil du public pour des contacts proches ou prolongés ne suffit pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, à considérer qu’il justifie d’un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait.

Il incombe au salarié de suivre les instructions qui lui sont données par l’employeur en matière de prévention, à défaut sa responsabilité pourrait être engagée.

Le télétravail peut également être sollicité par le salarié. Si ce dernier est une personne en situation d’handicap ou un salarié prenant soin d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, l’employeur est tenu d’expliquer, le cas échéant, les raisons de son refus. (L. no 2023-622 du 19 juill. 2023, art. 3).

C) Que faire en cas de contamination du salarié au Covid-19 ?

En cas de contamination d’un salarié, l’employeur devra prendre des mesures particulières telles que :

  • L’équipement des personnes en charge du nettoyage des sols et surfaces avec port d’une blouse à usage unique et de gants de ménage ;
  • L’entretien des sols et des surfaces en privilégiant une stratégie de lavage-désinfection humide ;
  • Le nettoyage avec un bandeau de lavage unique imprégné d’un produit détergent ;
  • Le rinçage à l’eau potable avec un autre bandeau de lavage à usage unique ;
  • Laisser un temps de séchage suffisant ;
  • La désinfection avec de l’eau de javel diluée avec un bandeau de lavage à usage unique ;

Là encore, dès lors que ces mesures sont mises correctement en œuvre par l’employeur, la seule circonstance qu’un salarié a été contaminé ne suffit pas à considérer qu’il justifie d’un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux.

Le décret n°2023-37 du 27 janvier 2023 relatif aux arrêts de travail dérogatoires délivrés aux personnes contaminées par le Covid-19 dispose que l’isolement n’est plus obligatoire même en cas de test positif, bien qu’il reste recommandé. Les dispositions permettant aux salariés testés positifs au Covid-19 de bénéficier d’un arrêt de travail automatique ne sont plus en vigueur : désormais, c’est au médecin de décider s’il convient d’arrêter le patient en fonction de son état de santé. Si le médecin décide de ne pas prescrire d’arrêt, le salarié peut retourner au travail bien que le télétravail soit fortement recommandé. La suppression du jour de carence n’est également plus en vigueur.

D) Que faire si le salarié est confiné à titre individuel pour cause de maladie ?

Dans ce contexte, le salarié est placé en confinement pendant une durée maximale de 20 jours par décision d’un médecin de l’Agence régionale de santé. Dans ce cas, le salarié bénéficie d’une indemnité journalière de sécurité sociale d’un montant de 50 % de son salaire journalier de base, sans que ne lui soit appliqué un délai de carence.

Si un accord d’entreprise ou de branche le prévoit, l’entreprise doit compléter cette indemnisation à hauteur du salaire. En tout état de cause, le contrat de travail du salarié est suspendu et l’employeur ne peut pas le solliciter.

Le décret du 27 janvier 2023 concernant les arrêts de travail dérogatoires, pour les personnes contaminées par le Covid-19 prévoit, à partir du 1er février 2023, la suppression des arrêts de travail dérogatoires, sans jour de carence, pour les personnes testées positives au Covid-19.

De plus, le ministère de la Santé a annoncé que l’isolement systématique des personnes testées positives au Covid-19 et le dépistage des cas contact au bout de deux jours ne sont plus obligatoires à partir du 1er février 2023.

E) Que faire si le salarié est tenu de garder à leur domicile un enfant de moins de 16 ans ?

Le salarié doit contacter son employeur pour l’informer de sa situation dans les plus brefs délais.

La première mesure envisagée sera celle de la mise en place du télétravail si cela est possible.

Pour tous les actifs n’ayant pas de solution, pas de télétravail pour s’occuper des enfants, le recours à l’arrêt maladie sera automatique et de plein droit. Il n’est pas nécessaire d’aller voir le médecin traitant, c’est l’employeur qui fera la démarche auprès de l’Assurance maladie via le service dédié https://declare.ameli.fr/. 

L’arrêt de travail est indemnisé, sans délai de carence, et valable le temps que durera la fermeture de la structure d’accueil de l’enfant.

L’employeur ne peut pas refuser cet arrêt.

Ce dispositif d’arrêt maladie dérogatoire était en vigueur jusqu’au 31 juillet 2022. En effet, le législateur de la loi du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (loi n°2021-1465) avait décidé de supprimer le jour de carence à partir du 1er août 2022 suite à la levée de l’état d’urgence sanitaire. À présent, les arrêts de travail dérogatoire pour les salariés ne sont plus possibles.

Cependant, le droit commun propose une alternative pour bénéficier de jours de congés : le congé enfant malade. Ce congé permet aux parents qui sont contraints de rester à la maison pour s’occuper de leur enfant de moins de 16 ans de ne pas travailler.  Pour bénéficier de ce congé spécial, les parents doivent être contraints d’interrompre leur activité professionnelle pour garder leur enfant dont il assure la charge. La durée maximale de ce congé est de trois jours par an, mais elle est portée à cinq jours si l’enfant a au moins un an ou si le parent assume la charge d’au moins trois enfants âgés de moins de seize ans (Art L1225-61 du Code du travail).

F) Que faire si le salarié présente un risque de développer une forme sévère de la maladie ?

L’Assurance Maladie a décidé d’étendre, à compter du 18 mars 2020 avec effet rétroactif au 13 mars, le droit à un arrêt de travail via son télé service de déclaration en ligne aux personnes dont l’état de santé conduit à les considérer comme présentant un risque de développer une forme sévère de la maladie et devant de ce fait impérativement rester à leur domicile sans possibilité mettre en place l’utilisation du télétravail.

Ces salariés pourront ainsi se connecter directement sur ce site, sans passer par leur employeur ni par leur médecin traitant, pour demander à être mis en arrêt de travail pour une durée initiale de 21 jours. L’arrêt sera éventuellement renouvelable en fonction de l’évolution des recommandations des autorités sanitaires.

Pour les travailleurs indépendants ou auto-entrepreneurs, l’Assurance maladie procédera automatiquement au versement des indemnités journalières sur la base des revenus déclarés.

Le haut conseil de la santé publique (HCSP) considère que les personnes « à risque » pouvant développer une forme grave d’infection au Covid-19 sont les suivantes :

  • les personnes âgées de 70 ans et plus (même si les patients entre 50 ans et 70 ans doivent être surveillés de façon plus rapprochée)
  • les femmes enceintes
  • les personnes présentant une obésité morbide (indice de masse corporelle > 40 kg/m² : par analogie avec la grippe A(H1N1)
  • les patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV
  • les malades atteints de cirrhose au stade B au moins
  • les patients aux antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle, ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, chirurgie cardiaque
  • les diabétiques insulinodépendants ou présentant des complications secondaires à leur pathologie (micro ou macro-angiopathie)
  • les insuffisants respiratoires chroniques sous oxygénothérapie ou asthme ou mucoviscidose ou toute pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale
  • les personnes avec une immunodépression
  • médicamenteuses : chimiothérapie anti cancéreuse, immunosuppresseur, biothérapie et/ou une corticothérapie à dose immunosuppressive
  • infection à VIH non contrôlé avec des CD4 <200/mn
  • consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques
  • atteint d’hémopathie maligne en cours de traitement
  • présentant un cancer métastasé

L’arrêt de travail sera délivré sur cette base, une fois effectuées les vérifications nécessaires par le service médical de l’Assurance Maladie à savoir que l’assuré bénéficie bien d’une prise en charge au titre d’une affection de longue durée.

Depuis le 1er février 2023, ce dispositif d’indemnisation dérogatoire des arrêts de travail a été aboli. Par conséquent, il n’est plus possible de demander un arrêt de travail dérogatoire sur le site dédié de l’Assurance Maladie. Seul le médecin est habilité à prescrire un arrêt de travail. (Loi n°2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la Covid-19).

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SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755644&categorieLien=id
https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/1/31/SSAS2002571D/jo/texte
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007046006
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/new_hcsp-sars-cov-2_patients_fragiles_v3.pdf
https://www-dalloz-fr.ezpum.scdi-montpellier.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD10w6lsw6l0cmF2YWlsIMKneCRzZj1zaW1wbGUtc2VhcmNo&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=DZ%2FOASIS%2F001672
https://www-labase-lextenso-fr.ezpum.scdi-montpellier.fr/gazette-du-palais/GPL423v4?em=%20%C2%A099-18389%20
https://www-labase-lextenso-fr.ezpum.scdi-montpellier.fr/bulletin-joly-travail/BJT114j0?em=salari%C3%A9%20s%C3%A9curit%C3%A9
https://www.juritravail.com/Actualite/conges-payes-imposes-covid-point-sur-les-evolutions-depuis-le-1er-octobre-2021/Id/327814
https://www.editions-tissot.fr/actualite/sante-securite/covid-19-un-point-simpose-a-lapproche-de-lhiver-et-des-fetes-de-fin-dannee
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16340 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043567200
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047068565#:~:text=Notice%20%3A%20le%20d%C3%A9cret%20met%20un,nomenclature%20des%20actes%20de%20biologie
https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/lutte-contre-l-epidemie-de-covid-19-entree-en-vigueur-de-plusieurs-evolutions#:~:text=Enfin%2C%20%C3%A0%20compter%20du%201er,contact%20pour%20les%20personnes%20contact

La qualification juridique du contrat des conducteurs Uber et VTC

De nombreuses affaires ont eu lieu ces dernières années concernant le statut des chauffeurs VTC. Une véritable bataille juridique est née entre les chauffeurs et les plateformes, notamment contre la société Uber. Ces plateformes permettent la mise en relation de chauffeur avec les clients pour exercer un service de transport. L’objectif étant pour ces chauffeurs d’obtenir une requalification de leur contrat de travail et ainsi pouvoir bénéficier des avantages d’un salarié.

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 Classiquement, le contrat de travail se définit comme étant « une convention par laquelle une personne s’engage monnayant rémunération pour accomplir une prestation au profit d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place »

 La détermination de ce contrat se base donc sur différents critères. A savoir, la réalisation d’une prestation par un travailleur contre une rémunération. Cette prestation doit être réalisée pour le compte d’une autre personne avec laquelle un lien de subordination doit exister.

L’entreprise Uber existe dans près de 800 villes à travers le monde. L’application compte plus de 118 millions de clients chaque mois. Le chiffre d’affaires de l’entreprise est estimé à environ 6 milliards de dollars. Enfin, la plateforme compte près de 10 000 nouveaux chauffeurs VTC par an au niveau mondial.


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La plateforme a également de nombreux procès à son actif. Entre 2009 et 2016, aux États-Unis, l’entreprise a été condamné dans 170 procès et a dû verser près de 160 millions de dollars.

L’entreprise est aussi dans le viseur de plusieurs pays, dont la France. Ces litiges ont conduit à des grèves mener par les chauffeurs de taxi en raison de concurrence déloyale.  Les chauffeurs de la plateforme dénoncent quant à eux des «  « des conditions de travail indignes » .

Récemment, le juge européen s’est prononcé en faveur d’une réglementation nationale à laquelle devra se plier l’entreprise. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (“CJUE“) a affirmé, ce 20 décembre 2017, que la société Uber propose bien un “service de transport“.

La décision rendue par la CJUE à de nombreuses conséquences, elle demande aux législations nationales de s’affirmer (I) et permet donc à des pays comme la France de continuer sur sa lancée en la matière en règlementant de manière plus stricte ce domaine. (II)

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Pour rappel la société américaine Uber, anciennement UberCab, permet depuis 2010 la mise en contact d’un particulier avec un conducteur, dans le cadre de services de transport.

Les enjeux liés à la définition du statut des conducteurs Uber sont d’autant plus importants qu’aujourd’hui, l’entreprise s’est développée dans plus de 310 villes à travers le monde, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 6 milliards de dollars, et 10 000 nouveaux chauffeurs de VTC en plus chaque année au niveau mondial (https://www.lesechos.fr/11/10/2015/lesechos.fr/021395598585_uber—dans-les-coulisses-d-une-machine-de-guerre-juridique.htm).

Récemment, le juge européen s’est prononcé en faveur d’une réglementation nationale à laquelle devra se plier l’entreprise. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE« ) a affirmé, ce 20 décembre 2017, que la société Uber propose bien un « service de transport« .

Cette décision n’est pas sans conséquence pour la qualification des chauffeurs des plateformes de VTC : en renvoyant la balle dans le camp des législations nationales (I), elle permet définitivement à des pays comme la France d’asseoir une réglementation plus stricte en la matière (II).

I) Le feu vert donné par la CJUE aux législations nationales

L’arrêt Uber Systems Spain, en ce qu’il renvoie à la législation nationale en la matière (A), permet aux droits nationaux de venir répondre à des litiges surabondants (B).

A) L’arrêt Uber Systems Spain

Cette affaire concentre les questions autour de la qualification des activités et du cadre légal applicable à l’entreprise Uber, questions auxquelles la CJUE s’est efforcée de répondre.

Pour rappel, une plainte avait été déposée en 2014, par une association professionnelle de chauffeurs barcelonais, devant le tribunal de commerce de la ville aux motifs de « pratiques trompeuses » et « concurrence déloyale » de la filiale espagnole « Uber Systems Spain« .

A la suite d’une question préjudicielle, la CJUE a finalement répondu « qu’un service d’intermédiation tel que celui en cause doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport » et que « en l’état actuel du droit, il revient aux États membres de réglementer les conditions de prestation de tels services ».

Par son arrêt du 20 décembre 2017, elle affirme donc que les services proposés par Uber relèvent de la politique commune des transports urbains et doivent donc être soumis aux « licences et agréments requis par le droit national » . Les règles applicables aux taxis s’appliquent désormais à Uber.

B) Une réponse adaptée aux différents droits nationaux

De nombreux mouvements nationaux avaient déjà commencé pour aller dans ce sens.

Dans une décision du 10 novembre 2017, le tribunal du travail de Londres a estimé que la société Uber devait considérer les chauffeurs comme de véritable salarié et par conséquent, les rémunérer au salaire minimum et leur octroyer des congés payés. Ce sont donc 70 000 chauffeurs britanniques qui ont reçu le statut de travailleur.

Pour rendre cette décision, la cour s’est appuyée sur le fait que “les chauffeurs seraient obligés d’accepter 80 % des courses que l’application leur envoie“, excluant de fait toute qualification possible de travailleur indépendant.

Egalement, le tribunal de grande instance de Paris dans un arrêt rendu le 12 octobre 2017 a décidé de requalifier la relation entre un chauffeur VTC autoentrepreneur  et la société LeCab de contrat de travail.

Aux États-Unis, de nombreux litiges ont également eu lieu avec la plateforme Uber, la justice, à titre d’exemple, a refusé l’accord proposé par Uber en août 2016 du versement de 100 millions de dollars à d’anciens chauffeurs ayant agi en justice en nom collectif dans le but de voir leur contrat requalifié en contrat de travail. Ce refus s’explique notamment par le fait que le préjudice s’estimait ici à plus de 850 millions de dollars, et que la somme proposée par l’entreprise ne pouvait justifier l’abandon de la plainte par les requérants, étant « inadéquate » au préjudice subi.

Toujours aux États-Unis, en Californie une loi votée en 2019 avait finalement considéré que les chauffeurs Uber devaient avoir le statut de salarié. La plateforme Uber avait répliqué avec un référendum. La juge a finalement déclaré le 20 août 2021, que ce référendum était inconstitutionnel.

La décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne devrait donc permettre de clarifier la qualification accordée aux liens contractuels entre les conducteurs et leur employeur.

 


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II) Une décision accompagnée par le droit français

La loi Grandguillaume, entrée en vigueur le premier janvier 2018 (A), constitue une nouvelle étape dans l’établissement d’une qualification pertinente des contrats des conducteurs (B).

A) La loi Grandguillaume

La « Loi Grandguillaume », du 29 décembre 2016 est venue réguler le secteur du transport en France.

Elle a notamment pour finalité de « pacifier les relations entre taxis et VTC, réguler l’activité de transport public de personnes [ou encore] interdire aux capacitaires LOTI l’utilisation de plateforme type Uber » (https://www.rhinfo.com/thematiques/gestion-administrative/code-du-travail/vtc-loti-uber-et-la-loi-grandguillaume).

Il faut savoir que le statut de capacitaire LOTI, issu du 30 décembre 1982, nécessite normalement le transport d’au moins deux personnes. On parle ici de transport « collectif« , et non pas de transport « public particulier ».

Mais ce statut fait débat en ce qu’il est de plus en plus utilisé par les chauffeurs affiliés aux plateformes de VTC, qui incitent fortement leurs prestataires à agir en tant qu’indépendants, ce qui contrevient à l’essence même de la loi.

La loi Grandguillaume est désormais applicable, et met fin au détournement du statut LOTI, en imposant aux chauffeurs d’exercer soit comme taxi, soit comme VTC. Du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018, la loi avait d’ailleurs prévu une période transitoire durant laquelle les conducteurs pouvaient effectuer les démarches pour obtenir la licence de leur choix.

Par conséquent, les conducteurs n’ayant pas entamé les démarches administratives avant le 1er janvier 2018, ne peuvent aujourd’hui plus exercer.

Egalement, la loi vient intensifier la lutte antifraude. Elle impose certaines obligations comme la détention d’une carte professionnelle par les chauffeurs, ou encore la présence obligatoire du macaron sur les véhicules. Elle modifie également les conditions d’accès à la licence VTC, en remplaçant les 3 semaines de formations par un examen en deux parties, écrite et pratique.

Ainsi, par ce biais, le droit français vient renforcer  le cadre juridique des différents statuts, en unifiant les règles applicables en la matière.

B) Les enjeux d’une requalification

Le débat lié à la qualification des contrats entre les chauffeurs et la société de transport n’est pas nouveau.

Dans un arrêt « Labanne » en date du 19 décembre 2000, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de requalifier un contrat de « location de véhicule équipé taxi » en contrat de travail.

La Cour de cassation s’est notamment appuyée sur les critères de qualification dégagés dans l’arrêt société Général de 1996. Les critères sont donc les suivants : l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination.

Différents indices, laissent penser qu’aujourd’hui une telle qualification pourrait être opérée sur le fondement de ces critères, et notamment du lien de subordination : en effet les chauffeurs sont soumis à un système de notation et peuvent dès lors se voir écartés, pratiques pouvant s’apparenter à une forme de licenciement.

De plus, les tarifs applicables ne sont pas choisis par les chauffeurs. En effet ces derniers sont  imposés par la société, ce qui demeure paradoxal au regard de leur statut d’autoentrepreneur.

Cette requalification s’accompagne de nombreuses conséquences pour les chauffeurs Uber conformément au droit du travail : congés payés, SMIC, mutuelle d’entreprise, visites médicales et arrêts maladie, respect des durées maximales de travail et droit au repos, ou encore indemnités de licenciement sont de ces dispositions qui relèvent du régime juridique du contrat de travail, et dont pourront bénéficier les salariés.

Cette jurisprudence a abouti à un arrêt du 4 mars 2020 venant confirmer un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019, où le contrat entre le chauffeur et la plateforme Uber a été requalifié en contrat de travail. Pour obtenir cette requalification, la Cour a utilisé la méthode du faisceau d’indices pour démontrer le lien de la subordination entre le chauffeur et la plateforme.

Ces indices étant l’absence de clientèle propre au chauffeur, l’absence de contrôle du chauffeur sur ses tarifs et ses conditions d’exercice de sa prestation. De plus, la Cour a retenu la subordination en raison de l’existence de cette clause « Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber ».
Les conditions du lien de subordination, pour déterminer s’il y a un contrat de travail, étant la direction, le contrôle et le pouvoir de sanction. Or ces trois conditions sont des pouvoirs de la plateforme Uber et non au chauffeur donc la Cour de cassation dispose que le statut d’indépendant des chauffeurs Uber est fictif. Cependant, tous les chauffeurs Uber n’ont pas vu leur contrat requalifié en contrat de travail, pour cela il faut passer devant le juge.

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence récente, en effet, dans l’arrêt de la CJUE du 22 septembre 2020 concernant la plateforme Airbnb, la CJUE a autorisé l’application par les États membres de la législation sur les hôtelleries aux personnes louant leur logement sur la plateforme Airbnb. L’intérêt étant d’aboutir à une régulation des plateformes numérique de travail.

On retrouve la même bataille concernant les coursiers travaillant pour les entreprises tels que Uber. Dans  arrêt rendu en 2018, nommé « Take eat easy », la Cour de cassation avait estimé que l’existence d’un lien de subordination était en l’espèce bien caractérisé notamment en raison du pouvoir de sanction et de contrôle exercé par Uber. Ainsi, le contrat devait être requalifié.

Egalement, dans un arrêt rendu le 19 avril 2022, la Cour de cassation a maintenu sa position stricte envers ces plateformes de livraison et a condamné la société Delivroo France à 375 000 euros d’amendes pour travail dissimulé. Et a attribué le statut de salarié aux livreurs.

Les batailles menées contre les plateformes basées sur le modèle Uber n’ont donc pas fini d’exister.

Pour lire l’article dans une version plus complète, cliquez sur les mots  VTC, UBER et contrat de travail

SOURCES :

LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

Dès lors qu’un employeur décide de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée de son salarié, on parle alors de licenciement. . Néanmoins, il arrive que cette décision puisse être infondée et donner lieu à des dommages et intérêts.

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 La loi du 19 juillet 1928 qui a instauré le licenciement abusif, prévoyait en son article 23, alinéa 6 que « le jugement devra, en tout cas, mentionner expressément le motif allégué par l’auteur de la rupture » du contrat de travail. Ainsi, la Cour de cassation avait interprété ce texte comme énonçant que le licenciement du salarié par l’employeur était licite dès lors que ce dernier le faisait pour le bon fonctionnement de son entreprise.

Anciennement, le salarié devait rapporter la preuve du licenciement abusif. Depuis une loi du 13 juillet 1973, complétée par la loi du 2 août 1989, la position a radicalement changé. Désormais, pour que le licenciement puisse être considéré comme licite, il doit se voir justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse.


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Par conséquent, dès lors que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, alors ce dernier devra être considéré comme irrégulier. Cette évolution a été apportée dans l’intérêt d’une meilleure protection du salarié. Le Code du travail prévoit l’existence d’une cause réelle et sérieuse en son article L.1231-1 du Code du travail.

La sanction pour l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera différente selon les situations. L’ancienneté du salarié ainsi que le nombre de salariés au sein de l’entreprise font varier le montant de l’indemnité à verser. Sur proposition du juge, le salarié pourra réintégrer l’entreprise, néanmoins une des deux parties peut refuser cette réintégration. Le plus souvent la réparation passe par l’octroi d’une indemnité.

Le 24 septembre 2017 est entrée en vigueur l’ordonnance « Macron » n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Ce nouveau texte permet notamment à un salarié en contrat à durée indéterminée de bénéficier d’une indemnité de licenciement au bout de 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

Également, un licenciement pourra avoir lieu en raison d’un motif économique ou encore personnel. Cependant, l’existence d’une cause réelle et sérieuse devra toujours exister.

Par conséquent, les choses ont bien changé, l’employeur doit disposer d’un motif pour rompre un contrat de travail. Cela permet de limiter les licenciements abusifs.

Une cause réelle et sérieuse sera toujours nécessaire pour le licenciement (I) l’appréciation de cette dernière est faite par les juges (II)

 

I. L’exigence d’une cause réelle et sérieuse dans le licenciement

La cause réelle et sérieuse est citée dans plusieurs articles du Code du travail. Toutefois, celui-ci ne définit pas cette notion. Ce qui pose problème, car en cas d’absence de celle-ci le licenciement sera injustifié.

Également, il est prévu dans le Code du travail un entretien préalable au licenciement dans lequel les motifs doivent être exprimés. Par la suite, ils devront apparaître dans la lettre de notification de licenciement, s’ils ne sont pas suffisants à caractériser une cause réelle et sérieuse, alors le licenciement pourra être contesté.

Afin d’obtenir un début de définition, il faut rechercher dans les débats parlementaires occasionnés par l’adoption de la loi du 13 juillet 1973.

A) La cause réelle

Pour que la cause soit réelle, elle doit être : objective, existante et exacte.

  • Une cause objective

Au cours des débats parlementaires, le ministre du Travail avait énoncé que la cause réelle

« si elle présente un caractère d’objectivité, ce qui exclut les préjugés et les convenances personnelles. La cause réelle peut être, par exemple, une faute, une inaptitude professionnelle ou une réorganisation professionnelle ».

Ainsi, l’objectivité de cette cause doit reposer sur des éléments extérieurs vérifiables.

La cause doit donc porter sur des faits précis, qui ne sont pas imaginaires et seulement exister dans l’esprit de l’employeur, elle doit reposer sur des faits concrets. La chambre sociale de la Cour de cassation a énoncé dans un arrêt rendu le 29 novembre 1990 « qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne doit être fondé sur des éléments objectifs ; que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement ».

La chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer cette jurisprudence (Soc., 16 juin 1993) et de la préciser (Soc., 29 mai 2001). Ce dernier arrêt énonce que « la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs ; et que seuls ces éléments objectifs peuvent le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur ».

Enfin, le licenciement ne doit pas être discriminatoire, comme le rappelle l’article L.1132-1 du Code du travail. Les causes de discriminations sont nombreuses : à cause de son âge, d’une discrimination raciale, ethnique, religieuse, politique, en raison de l’orientation sexuelle, de l’exercice du droit de grève, d’une activité syndicale …

  • Une cause existante et exacte

Il a notamment été précisé que la cause réelle devait s’entendre comme existante et exacte. Les faits qui ont causé le licenciement doivent avoir véritablement existé et être la cause exacte du licenciement.

Auparavant, l’employeur pouvait invoquer une insuffisance professionnelle sans avoir réellement à la prouver (1973). Aujourd’hui cela n’est plus admis plus (Soc., 5 février 2002) ; les faits allégués doivent pouvoir être constatés et vérifiables (Soc., 17 janvier 2001).

L’absence de précision dans les motifs équivaut depuis la jurisprudence Janousek de 1976, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc., 29 novembre et 18 avril 1991 ; Ass. Plén., 27 novembre 1998).

Pour préparer sa défense au fond, le salarié doit avoir connaissance des faits précis ayant amené au licenciement.

Il convient tout de même de préciser que désormais le salarié doit avoir demandé dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre de notification, des précisions quant aux motifs de licenciement, sans cette demande, il ne pourra se prévaloir de licenciement abusif pour motif insuffisant.

Enfin, les faits doivent être exacts et à l’origine du licenciement. Même si le motif apparent est réel, c’est-à-dire qu’il existe (insubordination, négligences, insuffisance de travail…), mais qu’il ne constitue pas le motif exact – qui est dissimulé – (participation à une grève, activités syndicales…), le licenciement n’aura pas de cause réelle et sérieuse (Soc., 28 avril 1994).

  • La cause sérieuse

Toujours dans les débats parlementaires de 1973 à l’Assemblée nationale, le ministre du Travail énonçait qu’une « cause sérieuse est une cause revêtant une certaine gravité, qui rend impossible sans dommages pour l’entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement ».

Par conséquent la cause sérieuse pourra résulter de : Faits, fautifs ou non, inhérents au salarié et liés à son activité professionnelle: La faute du salarié doit être sérieuse, c’est-à-dire présenter une certaine gravité. Un licenciement ne pourra plus être justifié par une faute légère (arriver quelquefois en retard à son travail : Soc., 1er déc. 1976).

Il convient également d’opérer une distinction entre la faute sérieuse et la faute grave. La faute grave fera perdre l’indemnité de licenciement et de préavis.  (Soc., 10 juin 1976 ; Soc., 20 juillet 1987).

Également, une cause réelle et sérieuse pourra exister alors même que le salarié n’a pas commis de faute. L’arrêt de principe nommé « Ronssard » rendu le 22 janvier 1992 précise que la cause ne doit pas porter sur un fait de la vie privée du salarié. Cependant, il y a des exceptions. À titre d’exemple, dès lors que cela cause un trouble caractérisé dans l’entreprise alors le licenciement en raison d’un fait de la vie personnelle pourra être retenu.  (Cour de cassation le 14 septembre 2010, Soc, n° 09-65.675).

Le juge a notamment considéré comme causes réelle et sérieuse de licenciement : licenciement : l’absence pour maladie (Soc., 31 octobre 1989), l’inaptitude au travail pour lequel la personne a été embauchée (Soc., 25 février 1985), le refus d’une mutation justifiée par l’intérêt du service (Soc., 14 mai 1987), l’insuffisance de résultats fautive ou non (Soc., 3 et 11 juillet 2001) expressément imputable au salarié.

B) Circonstances économiques

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 décembre 2000, cette dernière a estimé qu’il y avait bien une cause réelle et sérieuse lorsque le licenciement intervenait si « la réorganisation de l’entreprise est impérative pour la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. L’importance du chiffre d’affaires et les objectifs de la société ne signifient pas que la société est dite en « bonne santé ».

C’est alors au juge du fond d’interpréter le caractère sérieux lié à «  la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient »

Cependant, comme on a pu le voir, il n’existe pas de définition claire et précise de la cause réelle et sérieuse dans le licenciement. Le juge doit donc apprécier les situations au cas par cas. C’est ce dernier qui estimera ou non la nécessité de sanctionner l’employeur

II. Le contrôle de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas venue apporter une définition claire de la notion. Elle vient simplement qualifier les faits, et ce, au cas par cas. La Cour de cassation opérait même un contrôle disproportionné, car rappelons-le ; la Cour de cassation ne s’occupe, en principe, que des questions de droit et non de fait, comme l’a réaffirmée la loi du 25 juin 2001.

Elle est donc venue restreindre son contrôle en précisant que « le juge du fond, par une décision motivée, n’a fait qu’user des pouvoirs qu’il tient de l’article L122-14 du Code du travail (ancien) en décidant que le licenciement procédait d’une cause répondant aux exigences de ce texte ». (Soc., 10 décembre et 12 décembre 1985)

Par la suite, la Cour de cassation s’est limitée à un contrôle de motivation des juges du fond : « en l’état de ces énonciations, la Cour d’appel a décidé, dans l’exercice du pouvoir qu’elle tient de l’article L122-14-3 (ancien) du Code du travail, par une décision motivée que le licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse ».

Cependant, on remarque que la Cour de cassation a parfois réalisé un contrôle large de qualification en dépit de la règle énoncée ci-dessus. Elle est notamment intervenue sur la licéité même de la cause du licenciement.

Le rôle du juge est très important et permet d’apporter des précisions. Les juges du fond apprécient librement le caractère sérieux et réel de la cause.

A) La preuve de la cause réelle et sérieuse dans le licenciement appréciée par le juge

Le caractère réel et sérieux du licenciement sera donc apprécié par le juge. Pour cela, les deux parties devront fournir des preuves comme le prévoit l’article L.1235-1 alinéa 3 du Code du travail. De plus, le juge pourra ordonner toute mesure qu’il estime nécessaire pour éclairer le débat.

La charge de la preuve incombe désormais non pas au salarié, mais à l’employeur. C’est une modification qui a été apportée par la loi de 1973. Néanmoins cela n’était pas vraiment respecté, en effet, dans un arrêt en date du 19 janvier 1977 la chambre sociale de la Cour de cassation avait estimé que L’allégation d’un motif en apparence réel et sérieux suffisait pour permettre à l’employeur de ne pas être condamné pour licenciement abusif.

Ainsi, le risque de la preuve pesait toujours sur le salarié. Depuis une loi du 2 août 1989, celui-ci n’incombe définitivement plus au salarié. L’employeur doit pouvoir prouver la cause réelle et sérieuse. Également l’article L.1235-1 alinéa 4 du Code du travail précise que « si un doute subsiste, il profite au salarié »

L’apparence de la cause réelle et sérieuse n’est donc plus suffisante. Des éléments de preuve apportés par l’employeur doivent corroborer les faits allégués. Dans le cas contraire, le licenciement sera jugé abusif et donc sanctionnable.

Les évolutions sont à l’avantage du salarié.

B) La sanction décidée par le juge en l’absence de cause réelle et sérieuse

L’article L122-14-4 du Code du travail précise que dès lors qu’il y a une absence de cause réelle et sérieuse dans le licenciement, alors l’employeur s’expose à des sanctions.

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit une distinction entre le salarié travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés ou plus. Également, les indemnisations varient en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Également, l’article L.1235-2 du Code du travail prévoit que si la cause est réelle et sérieuse, mais le licenciement est irrégulier : le Code du travail prévoit comme sanction l’obligation d’accomplir la procédure de licenciement, l’allocation d’une indemnité d’1 mois de salaire, la condamnation de l’employeur au remboursement des allocations de chômage.

Les deux sanctions sont prévues en l’absence de cause réelle et sérieuse :

– la réintégration (mesure rarement prise, car il apparaît difficile de réintégrer une entreprise dans laquelle son employeur ne veut plus de soi),

– une indemnité

Les salariés qui ne peuvent bénéficier de l’application de l’article L122-14-4 du Code du travail ont droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi à cause du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 des nombreux changements sont intervenus. Notamment concernant l’indemnité de licenciement, l’ordonnance est venue instaurer le barème Macron. Celui-ci instaure des planchers et des plafonds. Ces plafonds sont prévus à l’article L 1235-3 alinéa 2 du Code du travail. Et diffère selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

Le montant sera donc fixé en fonction de ce barème qui prévoit donc une indemnité minimale et maximale. Toutefois, l’ordonnance permet de cumuler dans la limite des montants maximaux l’indemnité reçue à cause de la rupture du contrat et les indemnités prud’homales. Cependant, ce cumul ne sera possible que dans trois conditions, l’employeur n’a pas respecté les procédures de consultation des représentants du personnel, il ne respecte pas la priorité de réembauche ou si la mise en place d’un comité social et économique fait défaut.

Enfin, l’article L1235-3 prévoit que l’indemnité ne soit pas inférieure aux salaires des six derniers moins, néanmoins pour en bénéficier le juge doit prononcer que le licenciement est nul. Pour que le licenciement soit nul, il doit porter sur : violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, application d’une mesure discriminatoire ou action en justice engagée par le salarié pour condamner une mesure discriminatoire ou contraire à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, dénonciation d’un crime ou d’un délit…

Le Conseil Constitutionnel dans une décision du 7 septembre 2017 a validé le barème Macron.

Cependant, il convient de rappeler que ce dernier n’a pas fait l’unanimité auprès des juridictions. Les conseils des prud’hommes estiment que ce dernier n’est pas applicable conformément à l’article 10 de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail qui imposait le versement d’une «  indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié

Le 17 juillet 2019, la Cour de cassation avait eu l’occasion quant à elle de confirmer l’applicabilité du barème, écarté peu de temps avant par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 22 juin 2019.

Le barème est au cœur de nombreux débats. La Cour de cassation a très récemment eu l’occasion de se prononcer à nouveau en faveur du barème Macron. En effet dans un arrêt rendu le 11 mai 2022, elle a énoncé que le barème Macron n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Elle a également précisé que le juge français ne pouvait écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale. Et finalement, que la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les causes de licenciement, cliquez

RESEAUX SOCIAUX ET VIE PRIVEE ET PROFESSIONNELLE

Aujourd’hui, une partie importante de la population dispose d’un réseau social. Depuis ces dix dernières années, les réseaux sociaux occupent une place très importante sur internet. Par conséquent, cela peut avoir un impact sur la vie privée ainsi que la vie professionnelle.

Il apparaît donc nécessaire d’étudier les enjeux du développement des réseaux sociaux dans la sphère privée et professionnelle.

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L’importance des réseaux sociaux dans la vie des utilisateurs ne fait plus de doute aujourd’hui. Nombreux d’entre nous utilisent ces plateformes pour communiquer. Les réseaux sociaux disposent pour la plupart d’un service de messagerie. La société META a créé Facebook avec l’application Messenger qui permet de communiquer, elle a également créé What’s app. Nous pouvons également citer : Telegram, Twitter, Instagram ou encore Snapchat.

Le problème étant que l’utilisation des réseaux sociaux peut conduire à certaines dérives dans la sphère privée et dans la sphère professionnelle. Ces dérives amènent à des solutions juridiques qui ne sont pas toujours évidentes.

Il est nécessaire que le législateur s’adapte à ces nouveaux moyens de communication. De nouvelles règles ont été établies selon l’usage fait des réseaux sociaux. On distingue l’usage dans la sphère privée et professionnelle.


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Un des problèmes qui n’est pas sans importance est l’impact sur le respect de la vie privée. Sur les réseaux sociaux, tout est partagé, mais aussi, tout est daté. Ainsi, il est facile de savoir de quand date la publication d’un utilisateur. Si celle-ci a été faite pendant ses heures de travail, alors, l’entreprise peut le voir. Également, les réseaux sociaux sont source de risques pour les personnes morales (atteinte à l’image, réputation).

Ces risques causés par le développement massif des réseaux sociaux peuvent donc avoir des conséquences juridiques très importantes.

Pour lutter, certaines lois qui doivent être prises pour protéger les personnes morales et les personnes physiques peuvent avoir pour conséquent de limiter la liberté d’expression.

I. Le droit au respect de la vie privée mis à mal

A) L’accès à des données personnelles

Pour pouvoir s’inscrire sur un réseau social, vous devrez fournir un certain nombre d’informations personnelles (Nom, prénom, adresse mail, adresse postale, date de naissance …)

Les informations fournies sont des données personnelles. Il s’agit de « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable », il n’importe pas que ces informations permettent d’identifier directement ou indirectement la personne

Ces données personnelles sont depuis le 25 mai 2018 soumises au RGPD ( règlement général sur la protection des données). Il s’agit d’un règlement européen ayant pour objectif la protection des données personnelles et des utilisateurs. Dès lors qu’un traitement est réalisé ( collecter, stockage, ou toute autre utilisation faite sur une donnée) alors celui-ci sera soumis au RGPD. Ce traitement doit respecter un certain nombre de principes prévu à l’article 5 du règlement. Également, l’article 6 du règlement énonce que chaque traitement doit avoir une base légale.

L’article 3 du RGPD indique le champ d’application du règlement. Nous pouvons soulever deux critères d’application. Le critère d’établissement, signifie que le règlement s’applique si l’ l’organisme est établi sur le territoire de l’UE, que le traitement ait lieu ou non dans l’UE. Le critère de ciblage correspond quant à lui au fait que dès lors que l’organisme qui est situé dans l’UE ou non, a une activité qui cible des personnes qui se trouvent sur le territoire de l’UE.

Les réseaux sociaux sont donc soumis au règlement général de la protection des données, par conséquent, s’ils ne respectent pas le règlement, ils s’exposent à des sanctions prononcées par la CNIL.

Sur les réseaux sociaux, on peut avoir accès à nos données personnelles. Les réseaux ont mis en place un système permettant de choisir les données devant être confidentielles ou publiques. Lorsque celles-ci sont confidentielles, les autres utilisateurs ne pourront pas les voir.

À titre d’exemple, avant l’arrivée du RGPD, une affaire avait fait grand bruit en : l’affaire Cambridge analytica en date de 2016. La société en mise en cause, avait, pendant l’élection présidentielle américaine, collecté illégalement de nombreuses données sur près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook. La société a par la suite analysé les données et ciblé les électeurs qui apparaissaient comme indécis quant au nom de leur futur président. Après avoir ciblé les internautes, un ciblage publicitaire incitant à voter pour un des candidats a été mis en place.

Il est donc important de toujours faire preuve d’une grande vigilance sur les réseaux sociaux.

B) Une frontière floue entre publication privée et public sur internet

Lorsque vous publiez sur vos réseaux sociaux une photographie privée, cela peut amener à certaines problématiques juridiques. Ces photos ne sont peut-être pas si privées que ce que l’on pourrait penser. Selon l’article 9 du Code civil, nous avons tous le droit au respect de notre vie privée. Ainsi, pour pouvoir diffuser sur les réseaux sociaux une photographie, il faut au préalable obtenir l’autorisation de la personne concernée.

À titre d’exemple, pour le réseau social Facebook il est mentionné que « Lorsque vous publiez du contenu ou des informations avec le paramètre public, cela signifie que vous permettez à tout le monde, y compris aux personnes qui n’utilisent pas Facebook, d’accéder à ces informations et de les utiliser, mais aussi de les associer à vous (c’est-à-dire votre nom et votre photo de profil) ».

Cependant, vous disposez toujours du respect de votre droit à l’image qui découle du droit au respect de la vie privée.

Par conséquent, même si la photo a un caractère public par sa visibilité, elle conserve un statut de publication privée et donc vous donne droit au respect de votre vie privée.

Lorsque vous publiez une photo sur vos réseaux et que celle-ci est donc accessible à tous, cette publication peut-elle être relayée par des tiers ?

Le Tribunal de grande instance dans l’affaire ZAHIA a estimé que le magazine qui avait relayé des photos de l’Escort girl publiée sur compte Facebook dans son magazine n’avait pas porté une atteinte au droit à l’image et à la vie privée de la jeune femme. Le Tribunal a déclaré que ces photos étaient « une illustration pertinente d’un fait d’actualité en rapport étroit avec la procédure la concernant ».

Ainsi, selon cette jurisprudence, les photos publiées en privé sur les réseaux sociaux peuvent être considérées comme ayant un caractère public dès lors qu’elle permet d’éclairer un fait d’actualité ou une profession, cette qualification permettant à des journaux de relayer les photos que vous avez publiées.

Ici, cela concernait une personne bénéficiant d’une certaine popularité, cependant, des photos postées par des anonymes pourraient également être considérées comme ayant un caractère public qui permet d’éclairer un fait d’actualité ou une profession.

Une photographie du diplomate Boris Boillon en maillot de bain avec été publiée sans son accord après avoir été prise sur le réseau social copain d’avant. Aucune poursuite n’ont été engagées, cependant, on pourrait estimer ici qu’il s’agit bien d’une photo privée et qu’elle ne pourrait être reprise par le justificatif précité, en effet cela ne semble pas pertinent quant à sa profession.

II. La présence des réseaux sociaux sur le lieu de travail

A) Une redéfinition des contours de la liberté d’expression du salarié

Les salariés sont avant tout des utilisateurs des réseaux sociaux comme tout le monde. Dans le cadre de leur vie privée, ils peuvent s’exprimer sur ces derniers.  Cependant, selon les propos tenus, cela peut avoir des conséquences sur la société pour laquelle ils travaillent ou sur ses dirigeants (atteinte à la réputation de l’entreprise et de ses marques, diffusion de fausse rumeur …)

Cependant, en raison du contrat de travail ou par la loi, cette liberté peut être remise en question pour le salarié.

Il convient de rappeler que l’article 9 du Code civil ainsi que les articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l’homme énoncent un principe fondamental : la liberté d’expression.

Également, selon le Code du travail en son article L.1121-1, nul ne peut porter de restrictions aux libertés individuelles et collectives si ce n’est pas justifié par la nature de la tâche à accomplir ni proportionné au but recherché. La liberté étudiée ici doit s’entendre par la liberté d’expression.

Un salarié peut, dans le cadre de sa liberté d’expression critique son employeur ou son entreprise. Cependant, il y a une limite à cela, les propos tenus par le salarié ne doivent pas être diffamatoires ou injurieux.

L’article L.1222-1 du Code du travail prévoit quant à lui l’obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, en découle l’obligation de confidentialité prévue dans le contrat de travail.

Dès lors que le salarié ne respecte pas les principes énoncés, alors l’employeur pourra sanctionner la faute si elle est caractérisée.

Aujourd’hui, les employeurs peuvent définir leur propre politique quant à l’utilisation des réseaux sociaux par leurs salariés sans que vous ne puissiez vous retrancher derrière votre droit à la liberté d’expression.

Les entreprises disposent aujourd’hui pour la plupart de charte informatique. Ainsi, les employeurs peuvent clairement définir les objectifs liés à l’utilisation professionnelle des réseaux sociaux et préciser les usages qui peuvent en être faits.

B) L’utilisation des réseaux sociaux : un nouveau motif de licenciement

La liberté permet donc au salarié d’émettre des critiques sur son entreprise ou son employeur. Néanmoins, les propos tenus ne doivent pas être diffamatoires ou injurieux, cela pourrait constituer une faute justifiant un licenciement. De plus, pour apprécier la validité de la sanction, il faut opérer une distinction entre des propos tenus dans un cadre privé ou public.

Ainsi, pour apprécier la justification de la sanction, il faudra vérifier si les propos sont diffamants ou injurieux. Il faudra également s’intéresser à la visibilité du message. En effet, si ce dernier n’était visible que par un nombre restreint de personnes sur le réseau social alors il s’agira de propos à caractère privé ne pouvant justifier une sanction. À l’inverse, si les propos étaient visibles, que l’utilisateur avait mis sa publication en « public » alors la sanction sera possible.  Ce second critère a été énoncé par la Cour de cassation en 2013.

Par un arrêt rendu le 12 septembre 2018, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer à ce sujet. En l’espèce, un salarié avait tenu des propos dénigrants envers son employeur dans un groupe privé de 14 personnes sur Facebook. La juridiction a estimé que cela relevait ne la liberté d’expression du salarié dans un cadre privé et que par conséquent le licenciement ne pouvait être justifié.

Il convient néanmoins ne préciser que si le groupe avait été en public ou regroupant un plus grand nombre de personnes alors la sanction aurait pu être justifiée.

Enfin, le 15 juin 2021 la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé l’importance de la liberté d’expression. En l’espèce une salariée avait fait l’objet d’un licenciement pour avoir « liké » une publication sur Facebook faisant référence à des dérives autoritaires du pouvoir.

Ici, la Cour a estimé que la sanction portait une atteinte disproportionnée au salarié.

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