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Règlementation drones civils

À l’heure où Amazon promet des livraisons de petits colis en 30 minutes chrono, d’autres rêvent de se faire livrer des pizzas, des médicaments ou bien rêvent de réaliser des films…  Pour le simple plaisir ou pour capter des images et vidéos exceptionnelles, l’utilisation de ces drones connaît un succès aujourd’hui exponentiel.

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La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) défini le drone au sens strict comme un appareil sans pilote à bord. Il est généralement piloté à distance par un opérateur humain, mais peut avoir un degré plus ou moins important d’autonomie (par exemple pour éviter des collisions ou gérer les conditions aérologiques). Un drone est avant tout une plateforme de capteurs mobiles. C’est un engin d’observation, d’acquisition et de transmission de données géolocalisées.

Défini par le dictionnaire Larousse comme un « petit avion télécommandé utilisé pour des tâches diverses (missions de reconnaissance tactiques à haute altitude, surveillance du champ de bataille et guerre électronique). Les drones sont aussi utilisés dans le secteur civil pour des missions de surveillance (manifestations, pollution maritime, incendies de forêt, etc.), des prises de vues et divers loisirs (la photo, notamment). »

Cette dernière référence aux drones civils qui va nous intéresser tout particulièrement. Si la définition appuie spécifiquement sur les possibilités offertes par les drones pour diverses missions, de plus en plus de ces engins sont proposés au grand public, et à des prix toujours plus accessibles.


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Si jusqu’à récemment, les drones étaient en effet surtout connus pour leur usage militaire sur lequel la France accuse d’un retard criant, leur utilisation à des fins commerciales et civiles est dorénavant en expansion croissante et touche une vaste quantité de domaines : activités civiles de loisirs dans le cadre de l’aéromodélisme, surveillance de l’environnement, sécurité des sites sensibles, lutte anti-incendie, contrôle de l’intégrité d’ouvrages d’art, inspections techniques, moyens de transport, prises de vue…

Les catégories de drones sont multiples, allant d’appareils de quelques centaines de grammes ayant un rayon et une durée de vol limités à des appareils de plusieurs dizaines voire centaines de kilos pouvant parcourir de longues distances et voler à plusieurs centaines de mètres d’altitude.

Dès lors que les engins volants pèsent moins de 150 kg, ce sont les législations et autorités nationales qui sont compétentes. Du moins, c’était le cas jusqu’à ce que le règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 traitant des règles communes dans l’aviation civile n’institue une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) habilitée à apporter son expertise à la Commission européenne pour réglementer toutes formes de drones.

Ainsi, la France a été le premier pays à avoir instauré une réglementation spécifique par deux arrêtés de 2012 définissant une législation adéquate à des cas simples. Pour les autres drones, il a été nécessaire de faire des analyses et traitements au cas par cas afin d’assurer le développement progressif de cette nouvelle technologie ainsi que l’encadrement des pratiques des particuliers par un cadre adapté.

Ces textes relatifs d’une part à la conception, l’utilisation et aux capacités requises pour faire voler de tels engins, et d’autre part, à l’utilisation de l’espace aérien par ces aéronefs, visent à garantir la sécurité publique. Le législateur français avait introduit plusieurs catégories d’appareils volants (sauf ballons-sondes, fusées, cerfs-volants). Ainsi, pour un engin non doté d’une caméra et pesant moins de 25 kg les règles étaient plutôt permissives puisque pour la grande majorité des appareils vendus pour le loisir (catégorie A), l’arrêté obligeait seulement à ce que le drone reste en vue directe.

Cela signifie que l’appareil et son conducteur devaient rester en contact visuel et ne pas voler plus haut qu’une altitude de 150 mètres (désormais 120 mètres) ou à proximité d’une zone dangereuse ou interdite. En revanche, lorsque le drone est muni d’un appareil à captation d’images photo ou vidéos, la réglementation se durcit. Le développement de ces engins risque en effet de porter atteinte d’une part au respect de la vie privée lorsqu’ils disposent de tels dispositifs de captation d’images, et d’autre part à la sécurité lorsqu’ils transportent des matériaux dangereux ou illégaux.

S’il a donc été important pour le législateur français, au vu de la croissance phénoménale de l’utilisation des drones civils, de séparer les enjeux légaux liés à l’encadrement des drones disposant d’une caméra (I) de ceux qui n’en n’ont pas (II), c’est finalement l’Union européenne qui s’est emparée de la réglementation en la matière (III).

I- Les drones disposant d’une caméra

Concernant les drones qui permettent la captation d’images photo photo ou vidéos, la réglementation française se faisait plus stricte (A) car des atteintes à la vie privée peuvent être caractérisées (B).

A) La réglementation

Ces drones permettent la prise de clichés et de vidéos via des angles jusque-là impossibles à atteindre sans utiliser un hélicoptère. Il est ainsi possible de manier aisément un engin aux caractéristiques intéressantes en utilisant de simples commandes ou un smartphone. Mais concernant la réglementation applicable, elle s’est faite plus stricte.

En effet, une distinction entre usage personnel et professionnel a cessé d’être opérée par la loi qui énonçait que des autorisations préfectorales devaient être demandées en fonction de la zone survolée. À titre d’exemple, une autorisation était indispensable concernant des vols en agglomération ou à proximité de personnes ou d’animaux, en vue directe et à une distance horizontale maximale de 100 mètres du pilote.

De plus, s’il le souhaitait, un conducteur de drone pouvait effectuer un vol hors vue directe et en dehors d’une zone peuplée, mais à condition d’également obtenir une autorisation au plus tard 24 heures avant le vol et d’informer le ministère chargé de l’aviation civile. Le conducteur devait alors pendant le vol être accompagné d’une seconde personne étant en mesure de prendre de contrôle de l’appareil à tout moment.

Étant précisé également par l’arrêté qu’il n’était pas possible de faire évoluer un aéronef télépiloté si le conducteur était lui-même à bord d’un autre véhicule en déplacement, situation nécessitant également l’obtention d’une autorisation du ministre chargé de l’aviation civile.

Ainsi, pour ne pas avoir respecté la réglementation, un jeune homme de 18 ans avait été convoqué devant le tribunal pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » pour avoir, en janvier 2014, survolé et filmé la ville de Nancy à l’aide d’un drone équipé d’une caméra GoPro, avant de diffuser son film sur internet. Nul n’étant censé ignorer la loi, il a dû répondre de ses actes devant le tribunal correctionnel.

B) Les atteintes à la vie privée

Ces drones équipés de dispositifs de captation photo, vidéo ou sonore peuvent être très intrusifs et menacer le respect à la vie privée. En effet, se posait et se pose toujours la question de certaines caméras ayant des performances techniques telles qu’elles pourraient identifier des personnes physiques à leur insu.

Plus généralement, les drones équipés peuvent collecter, stocker et transmettre des informations ainsi que surveiller les comportements et déplacements de personnes, ce qui pose de graves enjeux en matière de libertés individuelles.

Il est intéressant de remarquer dans un premier temps que lorsqu’un aéronef fixe l’image d’une personne physique, le droit à l’image a vocation à s’appliquer. L’article 9 du Code civil ainsi que la jurisprudence énoncent que toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut donc s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. Pour faire respecter ce droit à l’image, tout télépilote d’un drone qui viendrait à capter l’image d’une personne par le biais d’une vidéo ou d’une photo, pourrait ainsi, sous réserve d’obtention du consentement de la personne concernée, publier cette image.

En pratique, il s’avère cependant très difficile de retrouver la personne concernée et de recueillir son consentement. C’est pourquoi la jurisprudence a assoupli ce principe concernant les personnes se trouvant dans des lieux publics sous réserve de certaines conditions.

En effet, pour que la publication ne soit pas subordonnée à l’accord des personnes qui apparaissent sur les images, la photographie ne doit pas permettre d’individualiser une personne en particulier, l’image ne doit pas porter atteinte à la dignité humaine et dans le cas d’évènements d’actualité, la publication de l’image ne doit pas dépasser les limites du droit à l’information (par exemple lors de manifestations publiques). A défaut, les personnes photographiées ou filmées à leur insu pourraient poursuivre juridiquement l’utilisateur du drone pour atteinte au droit à l’image.

Par ailleurs, le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Constitue ainsi une atteinte à la vie privée la prise de vue aérienne d’une propriété privée sans l’accord des propriétaires et ce, même si elle n’en montre pas ses occupants (Paris, 15 mai 2019, n°18/26775).

Ensuite, comme le rappelle le Conseil d’Etat la captation de l’image d’une personne physique par un drone équipé d’une caméra correspond à un enregistrement de données personnelles protégé par la loi informatique et Liberté (CE 13 novembre 2020, n°401214). En effet, cette loi encadre la collecte et le traitement des données à caractère personnel en faisant peser des obligations sur le responsable du traitement. Les drones opèrent un changement de paradigme en matière de captation de données personnelles.

Enfin, des atteintes peuvent surgir concernant la surveillance des personnes par les autorités publiques. Ainsi, le CISR du 2 octobre 2015 préconisait par exemple l’utilisation de drones dans le domaine de la sécurité routière.

Comme le relève le Conseil d’Etat dans une décision du 22 décembre 2020, en l’absence d’encadrement législatif, le dispositif de surveillance par drone transmettant, même après floutage des images à la préfecture de police de Paris pour un visionnage en temps réel, constitue un traitement illégal de données à caractère personnel.

Alertée en effet par les enjeux considérables en la matière, la CNIL engage depuis 2012 des réflexions prospectives au sujet de l’utilisation des drones et du respect à la vie privée. Un des axes majeurs consiste à s’assurer que les nouveaux usages n’entraînent pas de dérives en matière de surveillance.

Lors du confinement du printemps 2020, des drones équipés de caméras ont été utilisés par les forces de l’ordre afin de surveiller le respect des mesures de confinement. Après les décisions du Conseil d’État, des 18 mai et 22 décembre 2020, qui interdisent leur utilisation, c’est au tour de la CNIL de sanctionner le ministère de l’Intérieur. Dans sa délibération du 12 janvier 2021, la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a sanctionné le ministère de l’intérieur à la suite de l’usage de drones équipés de caméras.

En réponse à ces décisions, le législateur a entendu donner naissance à un cadre légal à l’utilisation par les forces de l’ordre des caméras aéroportées (précisément embarquée à bord d’un drone), en adoptant la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale. Les dispositions concernées ont été censurées par le Conseil constitutionnel le 20 mai 2021, car méconnaissant le droit au respect de la vie privée (Cons. constit., 20 mai 2021, n° 12021-817 DC).

Depuis le législateur a adopté la loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Plusieurs articles réécrivent, à la suite de la censure par le Conseil Constitutionnel, certaines dispositions de la loi du 25 mai 2021, le cadre juridique pour l’usage des caméras et des drones par les forces de l’ordre à la fois pour des finalités de police administrative et judiciaire.

Le 20 avril 2023 le décret relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative a été publié.

Le 20 avril 2023 le décret relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative a été publié. Rendue dans la foulée, une nouvelle délibération de la Cnil, enjoint que lui soient transmises les doctrines d’emploi, qui ne figurent pas dans le décret et qui devront préciser les « cas d’usage, les conditions d’emploi et les conduites à tenir », en particulier s’agissant de « l’information » du public concerné. La Commission réclame aussi un chiffrement des enregistrements « directement au niveau des caméras » pour une garantie d’intégrité et de sécurité « jusqu’à leur effacement ».

 

II- Les drones ne disposant pas d’une caméra

Si le droit français est venu réguler l’utilisation classique des aéronefs non équipés de dispositif de captation d’images (A), cette réglementation semblerait pourtant inefficace face aux utilisations illicites menaçant la sécurité des personnes (B).

A) La réglementation

Avant que la réforme européenne n’intervienne, la France opérait une classification de A à G des drones civils dépendamment de facteurs tels que leur masse, leur type de propulsion ou les types d’activités concernés. De ces catégories ainsi que de l’utilisation faite du drone découlaient des obligations contraignant la vitesse, la hauteur de vol, vol en vue ou hors vue, le type de zone survolable (selon la présence d’individus ou non), et la finalité du vol (ce que le droit définit sous l’appellation de scénario).

Ainsi, à titre d’exemple, seuls les aéronefs de moins de 25 kg comportant un seul type de propulsion et ne disposant pas de caméra et ne pouvant voler qu’en vue directe, ce qui correspondait à la catégorie A, étaient dispensés de document de navigabilité et ne requéraient aucune condition particulière à propos des capacités du télépilote pour l’autoriser à voler.

En revanche, pour toutes les autres catégories d’aéronefs et toujours dépendamment de l’utilisation qui est faite du drone, une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’aviation civile et l’installation sur l’aéronef de dispositifs spécifiques pouvait être requise. Il était exigé pour le télépilote d’avoir une certaine maîtrise en pilotage et de détenir certains documents spécifiques.

B) Les atteintes à la sécurité

Bien que l’utilisation des drones civils soit réglementée, elle reste problématique sur certains points. D’abord, en matière de sécurité, l’état actuel de la technologie des aéronefs civils ne permet pas de leur prêter une confiance totale. Un rapport du Congrès américain mettait en exergue, à ce titre, en septembre 2012, que n’étant pas technologiquement capables d’éviter d’éventuels objets volant à basse altitude, les drones civils présentent un dangereux risque de collision avec des ULM, hélicoptères ou avions en phase de décollage ou d’atterrissage par exemple. C’est d’ailleurs pour cette raison que sont en ce moment développées par les constructeurs des technologies de détection et d’évitement dites de « sense and avoid ».

De plus, ces appareils émettant entre autres des ondes WiFi présentent également un risque d’être piratés et donc de pouvoir être détournés de leur mission initiale, et ce, par de potentielles personnes mal intentionnées. À ce titre, dans le cadre de protestations contre la surveillance excessive de la société civile, le Parti pirate allemand avait en septembre 2013 fait atterrir un drone aux pieds de la chancelière allemande Angela Merkel. La farce de mauvais goût aurait alors, entre de mauvaises mains telles que celles d’États ou de groupes hostiles, pu facilement tourner au drame national si un terroriste avait fait atterrir le même drone avec une charge explosive déclenchée à l’atterrissage. Un risque d’utilisation de drones à des fins terroristes est à prendre en compte, voire à anticiper, bien que, fort heureusement, aucun accident de la sorte ne soit à ce jour à déplorer.

Par ailleurs, concernant le problème du transport de matériaux illégaux, là où le directeur d’Amazon voit dans les drones le futur de la livraison de petits colis, des délinquants pourraient également à terme faire usage de ce mode de livraison dans le cadre de trafic de stupéfiants. C’est à ce titre qu’un Australien de 28 ans a été arrêté pour avoir tenté de livrer par drone un stock de drogues dans une prison de Melbourne.

Appareils pilotables à distance, aux capacités de chargement croissantes et aux prix sans cesse plus accessibles pour tout un chacun, il est fort probable que les drones élargissent durablement le champ de la criminalité.

En 2021, les craintes d’une utilisation détournée se sont confirmées lorsqu’un drone, de type « professionnel », d’une envergure de 4,3 mètres et d’une autonomie de vol de 7 heures a été saisi par les agents de la Policia Nacional dans le cadre d’une affaire de lutte contre le trafic de stupéfiants entre l’Espagne et la France.  

Plus récemment en France, un drone a été utiliser pour voler 150.000 euros d’un distributeur de billets.

Bien que ces cas restent isolés, ils soulèvent de nombreuses questions sur l’utilisation et les potentielles atteintes qui pourraient en découler.

C’est en toute conscience de ces enjeux que la Commission européenne s’est alors saisie de la question en créant en 2013 un groupe de travail ayant eu pour mission de penser et proposer l’intégration sécurisée des drones civils dans le système d’aviation européen dès 2016.

III- La nouvelle réglementation européenne pour les UAS

Si la nouvelle réglementation européenne présente des enjeux de taille aux conséquences diverses (A), elle engendre à court terme de multiples répercussions au sein du droit national (B).

A) La réglementation

La Commission, le Parlement ainsi que le Conseil européens se sont accordés pour donner à l’Union européenne la compétence de la réglementation relative à la sécurité des drones et ce, quelle que soit leur masse. Dans cette logique elle a d’abord adopté le règlement du 4 juillet 2018 qui étend aux drones l’essentiel des dispositions applicables aux autres catégories d’aéronefs.

Dans la foulée, la Commission a procédé à l’élaboration de deux règlements visant à harmoniser en Europe le statut des drones.

D’une part, le règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord (ci-après UAS, acronyme de l’anglais « Unmanned Aerial Systems ») et aux exploitants, issus de pays tiers, d’UAS, et d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord.

Ainsi, la catégorie « ouverte » désignant les opérations à faible risque au cours desquelles l’UAS vole en vue et à faible hauteur se distingue de la catégorie « spécifique » désignant les opérations à risque modéré au cours desquelles l’aéronef vole à vue ou hors vue dans des conditions différentes de la catégorie précédente, elle-même se distinguant de la catégorie « certifiée » qui désigne les opérations hautement risquées nécessitant une importante fiabilité dans l’aéronef, et impliquant par exemple de transporter des personnes ou des marchandises dangereuses.

Les règlements européens précités sont d’application directe dans les États membres et doivent se substituer à la réglementation nationale dès leur entrée en vigueur le 31 décembre 2020.

Cependant, les exigences de la réglementation nationale et européenne sont parfois incohérentes. Ainsi, malgré l’application de la réglementation européenne sur les drones, la gestion de l’espace aérien relève toujours du droit français, à l’exception de certaines spécificités comme des restrictions ou conditions de pénétration dans les ex-catégories loisirs et autres activités particulières désormais régies par la nouvelle catégorisation européenne.

Par ailleurs, le droit français motive ses réglementations par des considérations de sûreté publique (telle la compétence nationale sur les dispositifs de signalement électronique), tandis que la réglementation européenne porte quant à elle sur des questions de sécurité aérienne.

Afin de permettre tout de même une transition progressive vers la nouvelle réglementation européenne, certains textes nationaux sont maintenus. C’est par exemple le cas de la nouvelle catégorie « spécifique » au moyen de laquelle il est encore possible de voler selon des scénarios standard nationaux jusqu’au 2 décembre 2023 au plus tard, après quoi il y aura obligation de voler selon l’un des scénarios standards européens (STS).

B) Les répercussions dans le droit national

Le droit français visant donc à modifier a minima la réglementation actuelle dans le but de répondre aux nouvelles exigences européennes, plusieurs arrêtés ont alors été publiés au JORF du 10 décembre 2020.

L’un, relatif aux dispositions transitoires de reconnaissance de la formation et des titres des pilotes à distance, crée des modalités de reconnaissance des compétences actuelles des télépilotes pour la catégorie « ouverte » limitée.

Cependant, les drones de cette catégorie, marqués ‘CE’ depuis la réglementation européenne et pouvant être utilisés depuis le 31 décembre 2020, présentent l’inconvénient de ne pas encore être disponibles sur le marché. C’est pourquoi des drones pourtant non conformes à la nouvelle réglementation européenne pourront voler jusqu’au 1er janvier 2023 s’ils sont utilisés selon une catégorie « ouverte » dite « limitée ». Leurs utilisateurs devront néanmoins finir par acquérir un drone avec mention de classe pour pouvoir voler sans trop de problèmes.

Un deuxième arrêté, relatif à l’exploitation d’aéromodèles au sein d’associations d’aéromodélisme, autorise ces associations à pouvoir continuer d’exercer suivant les mêmes règles qu’avant la réforme, et ce jusqu’au 1er janvier 2023, la nouvelle réglementation européenne donnant la possibilité aux États membres de définir leur propre réglementation pour les clubs et associations d’aéromodélisme.

Un troisième arrêté concerne cette fois la définition des scénarios standard nationaux et fixe les conditions applicables aux missions d’UAS exclues du champ d’application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, précité, relatif aux règles communes dans le domaine de l’aviation civile (et instituant l’AESA).

Cet arrêté reprend trois des scénarios standard nationaux (S1, S2, S3) pour qu’ils puissent continuer d’être utilisés en catégorie « spécifique » jusqu’au 2 décembre 2023. Il inclut également des exigences spécifiques applicables aux exploitants de drones qui n’entrent pas dans le champ de la nouvelle réglementation européenne, à savoir pour des missions de secours, de police ou encore de lutte contre les incendies par exemple.

Un quatrième arrêté permanent relatif aux exigences applicables aux pilotes à distance dans le cadre d’opérations relevant de la catégorie « ouverte » fixe l’âge minimal de 14 ans pour les pilotes de drones dans cette catégorie. En effet, si la réglementation européenne fixe pourtant l’âge minimal à 16 ans dans cette catégorie, elle laisse en fait également aux États membres le choix de réduire cet âge minimum.

Cinquièmement, un arrêté permanent relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord fait entre autres passer la hauteur de vol maximale de 150 mètres à 120 mètres afin de se conformer avec la nouvelle réglementation européenne bien que la France demeure compétente en la matière, s’agissant de la gestion de l’espace aérien.

Enfin, un sixième arrêté relatif aux exigences applicables aux opérations conduites sur certains aéronefs captifs visés à l’annexe I du même règlement (UE) 2018/1139 précité, régit la conception, production, maintenance et exploitation de certains UAS captifs énumérés à l’alinéa 2 de cette même annexe.

Pour conclure, la réglementation européenne des aéronefs sans équipage à bord entrée en application le 31 décembre 2020 vient remplacer, notamment au terme d’une période de transition, la réglementation nationale en matière de sécurité aérienne et opère une classification des drones sous un angle différent, non plus selon la finalité de l’opération, mais selon le niveau de risque qu’elle présente.

Face au développement des usages, la Commission a adopté le 29 novembre 2022 une nouvelle stratégie intitulée « Drone 2.0 ». Ce texte défini les objectifs des institutions européennes d’ici à 2030 en matière de développement, de l’exploitation commerciale des drones à grande échelle, qu’il s’agisse des services d’urgence, de la cartographie, l’imagerie, l’inspection et la surveillance dans le respect du cadre légal applicable, ainsi que la livraison urgente de petits envois, tels que des échantillons biologiques ou des médicaments ou encore les taxis aériens.

Toutefois, le droit européen n’a pas vocation à se substituer à la réglementation nationale dont certaines dispositions continueront d’être applicables. Tel est le cas pour tout ce qui concerne la sûreté, la gestion de l’espace aérien ainsi que les drones utilisés par l’État dans le cadre d’activités miliaires, de douanes, de police, de recherche et sauvetage, de lutte contre l’incendie, de contrôle aux frontières et de surveillance côtière qui relèvent d’un régime particulier.

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Sources :
http://www.village-justice.com/articles/essor-utilisation-drones-usage-civil,16348.html
http://vision-du-ciel.com/images_vierges/tableau-synthese-aeronefs-telepilotes.pdf
http://www.numerama.com/magazine/28431-drones-civils-ce-que-dit-la-loi-en-france.html
Communiqué de la Commission européenne, 19 juin 2013 « Les drones stimulent l’innovation et créent des emplois »
Règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018
Règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019
Règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019
Laurent Archambault et Cassandra Rotilly, Dalloz IP/IT : 2021 (Dalloz, 22 mars 2021) N° 3 p.163
Décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047464659

Comment intégrer les réseaux de distribution exclusive et internet ?

L’arrivée d’internet a complètement modifié les usages en matière de commerce, et notamment concernant la distribution exclusive, alors comment appréhender la distribution exclusive face à internet ?

Les perspectives offertes par le commerce électronique incitent l’ensemble des acteurs économiques, particulièrement ceux travaillant en réseaux, à s’intéresser à un développement de leur activité sous l’angle Internet.

Le commerce électronique est- il un danger pour les réseaux de distribution ou au contraire doit-il être considéré comme une méthode de vente complémentaire?

Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la société principale qui gère le réseau ne peut interdire à ses distributeurs la revente des produits via une plate-forme internet sans apporter de raison objective au regard du droit de la concurrence justifiant une telle interdiction.

La distribution sélective désigne un système par lequel les fournisseurs sélectionnent leurs distributeurs sur la base de critères définis, ces derniers s’engageant à ne pas vendre ces biens ou services à des distributeurs non agréés.

C’est un système limitant le nombre de distributeurs, sans exclusivité territoriale et qui pose la question de la distribution sélective sur internet. L’efficacité d’un réseau de distribution sélective dépend de son étanchéité juridique et commerciale.

Aucune règle spécifique ne définit les conditions dans lesquelles des produits distribués par un réseau de distribution sélective peuvent être promus et/ou vendus sur Internet et cela pose un problème pour la distribution sélective sur internet.

La distribution sélective sur internet peut permettre à son animateur de contrôler la distribution de ses produits notamment en choisissant ses revendeurs et en contrôlant la qualité des prestations associées à la vente.

Le développement de la vente sur internet a nécessairement des répercussions sur le fonctionnement traditionnel des réseaux de distribution.

Force est de constater que la vente sur internet est susceptible de perturber cet ordre établi : qui est l’acheteur (consommateur, membre du même réseau ou distributeur parallèle) ? Où réside-t-il ? Comment faire respecter l’image de la marque du réseau ? Comment dispenser des conseils personnalisés à l’occasion de la vente, par exemple, de produits de haute technicité? Comment organiser un service de livraison, voire d’installation, puis un service après-vente lorsque l’acheteur peut être domicilié n’importe où ?

Tous les fournisseurs distribuant leurs produits en réseau (franchise, concession, distribution sélective …) n’ont pas appréhendé de la même façon les problématiques posées par la distribution sélective sur internet.

Certains ont souhaité purement et simplement interdire à leurs distributeurs la vente sur internet. D’autres l’ont autorisée sous condition. Enfin, certains ont développé leurs propres sites de vente, alors même qu’ils avaient accordé des exclusivités territoriales à leurs distributeurs, ces derniers ayant pu y voir une forme de concurrence déloyale.

S’agissant de la distribution sélective sur internet, l’article L. 442-2 du Code de commerce dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence. » (1)

Les perspectives offertes par le commerce électronique incitent l’ensemble des acteurs économiques, particulièrement ceux travaillant en réseaux, à s’intéresser à un développement de leur activité sous l’angle Internet.

Le commerce électronique est- il un danger pour les réseaux de distribution ou au contraire doit-il être considéré comme une méthode de vente complémentaire?

Lorsque le contrat prohibe la vente à distance ou vente par correspondance, on peut considérer que le commerce électronique est exclu implicitement. Le e-business doit être assimilé à une vente à distance.

Une clause d’interdiction ne sera d’ailleurs pas restrictive de la concurrence si la nature des produits la justifie (technicité, qualité…).ou /et par l’absence de mise en valeur des produits, ou l’impossibilité de fournir un conseil personnalisé au client potentiel. (article 85 § 1 du Traité de Rome)

Dans le cas où les accords contractuels ne mentionnent rien sur la question, on prévoit généralement la distribution dans un point de vente déterminé, avec les conditions de présentation des produits.

Il est donc question de savoir si le promoteur peut interdire d’emblée la vente en ligne : comme le souligne Maître Verbiest dans un article paru en avril 2000 sur Juriscom, le cas n’est pas théorique et s’est présenté pour Séphora, contraint de limiter l’accès à son site marchand aux résidents américain après avoir été sommé par ses partenaires fournisseurs avec lesquels la société est liée par des accords exclusifs.

La jurisprudence communautaire s’est également prononcée (affaires Saint-Laurent et Givenchy du TPICE) contre l’interdiction a priori de certaines formes de commercialisation.

En particulier, nombreux sont les contrats de distribution qui mettent à la charge du distributeur une obligation de développement des ventes.

C’est dans cette optique que l’ordonnance du tribunal de commerce de Pontoise en date du 15 avril 1999 avait été rendue dans une affaire Pierre Fabre Dermo Cosmétiques c/ M.. A. B. : les juges avaient estimé en effet qu’« Internet s’ajoute aux modalités traditionnelles… » de commercialisation des produits.

En ce sens, on peut faire un parallèle avec la décision en référé du TGI de Bordeaux du 12 mai 1999 dans une affaire Norwich Union France c/ Peytureau .

L’ouverture d’un site vitrine (donc non marchand) sous un nom de domaine utilisant la dénomination sociale de la compagnie employant l’auteur n’est à l’origine d’aucun préjudice pour Norwich Union France, car le site était totalement consacré à la promotion des produits Norwich Union.

Cela dit, depuis lors, un arrêt d’appel (certes en référé) a été rendu dans l’affaire Fabre infirmant la décision de première instance et sa conception extensive.

Le fondement de l’arrêt repose sur les conditions générales de vente, les prérogatives du promoteur du réseau et non les relations contractuelles et les obligations du distributeur incriminé.

D’ailleurs, dans un arrêt rendu le 13 septembre 2017,  la Cour de cassation a reconnu aux fournisseurs dans un réseau de distribution sélective, le droit d’imposer à leurs distributeurs, sous certaines conditions, des clauses interdisant la vente de leurs produits sur des plateformes en ligne non agrées. (2)

I. L’enseigne, la marque et le nom de domaine

Le droit commun de la concession exclusive met à la charge du concédant une obligation relative à la marque et à l’enseigne.

En effet, il doit mettre en œuvre toutes les voies de droit dont il dispose pour garantir au distributeur l’exclusivité de ses signes distinctifs dans le secteur géographique qui lui a été consenti, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle.

Ainsi, serait responsable celui qui n’a pas agi (en référé) pour obtenir la suppression des panneaux de sa marque encore utilisés par l’ancien distributeur (Cour de cassation, Chambre commerciale 4/2/1986).

En principe, le concédant doit recourir à l’action en concurrence déloyale pour mettre fin à ce type d’agissements et remplir son obligation de garantir une jouissance paisible à son cocontractant distributeur.

Internet pose le problème du nom de domaine : en effet, on peut considérer que le nom de domaine est en fait l’enseigne d’une boutique virtuelle.

Par conséquent, on peut se demander si le site d’un distributeur indépendant peut ou non inclure la marque du concédant.

Les juges du fond ont répondu négativement le 20 mars 2000 à cette question dans l’affaire Sony Corporation, SA Sony France / Sarl Alifax.) Cela reviendrait en effet à cannibaliser le réseau de distribution du concédant.

II. Le respect de l’exclusivité territoriale

L’obligation de ne pas empiéter sur le secteur géographique attribué au distributeur est mise en danger par l’intégration de l’Internet, y compris dans une optique de communication passive (site vitrine). Le site de commerce électronique est en effet accessible depuis n’importe quel point du globe, donc depuis le territoire concédé aux divers distributeurs.

Comment assurer dans ce cas le respect des obligations liées au territoire géographique ?

Pour chaque distributeur, le manquement à l’obligation de respecter « l’intégrité » du territoire de son confrère, peut entraîner un litige avec le concédant.

Pour ce dernier, sa responsabilité peut être engagée pour n’avoir pas su préserver l’intégrité du territoire de vente de chacun des membres de son réseau.

Il existe, certes, des clauses spécifiques telles que la clause de « clientèle réservée » qui permet au concédant de fournir ses produits sur un territoire concédé, mais à une catégorie particulière de clients, ou à ceux qui figurent sur une liste préétablie et sur laquelle il a obtenu l’accord de son cocontractant.

En outre, depuis l’entrée en vigueur, le 2 décembre 2018, du Règlement UE 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, un professionnel ne peut ni bloquer, ni limiter, par des mesures technologiques, l’accès d’un client à son interface en ligne pour des motifs liés à sa nationalité, à son lieu de résidence ou d’établissement. Ce règlement impacte les distributeurs dans la mesure où il affecte directement leurs relations avec les consommateurs et, indirectement, quant aux obligations pouvant être imposées, en amont, dans le contrat de distribution exclusive. (3)

Conclusion

Le développement d’une politique de communication ciblée « web » du distributeur suppose un audit juridique précis des critères de distribution sur la nature du réseau et sur les contrats en cours afin de concevoir un site portail dont les fonctionnalités seraient en rapport avec cet audit ou la possibilité de laisser les distributeurs avoir leur propre site.

Il conviendrait de prévoir tout simplement la possibilité pour chaque distributeur de présenter son offre en ligne par le biais d’un tel site portail et non par le biais de sites propres à chaque distributeur.

Dans cette hypothèse, il faudrait créer un avenant aux contrats de distribution qui comprendrait :

La détermination du type de site des distributeurs et du concédant (vitrine à conseiller dans un premier temps) avec échéancier pour le passage au commerce électronique (le temps de développer un logiciel propriétaire permettant à l’internaute de choisir en ligne et de modifier le produit qui l’intéresse) ;

La détermination de la prise en charge par chaque distributeur de la gestion et du traitement des transactions émanant de leur territoire contractuel

La charte graphique minimum pour chaque « sous-site » permettant de mettre les produits en valeur, de garantir l’image de marque du fabricant, permettant également une égalité de traitement entre les distributeurs (photos, logos…) ;

Une gestion précise des aspects technico-juridiques (travail avec une agence de création de sites uniques qui propose ensuite à chaque distributeur, ou une liberté de choix de l’agence) incluant les notions de :

  • Noms de domaine,
  • Méta-tags,
  • Mots clés vendus par les régies online,
  • Référencement et mention de la qualité du titulaire du site,
  • Politique de liens.

Évidemment, l’échec de la négociation avec un seul distributeur mettrait en péril l’ensemble de l’opération et poserait de réels problèmes au circuit de distribution concerné.

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Sources :