action en contrefaçon;

Transmission des droits attachés au brevet : pas d’opposabilité aux tiers de la situation juridique nouvelle à défaut d’inscription

Les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le Registre national des brevets . L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 21 septembre 2022 en fournit une nouvelle illustration et vient rappeler l’importance cruciale pour les titulaires de brevets de mettre à jour les registres .

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Les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le Registre national des brevets. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 21 septembre 2022 en fournit une nouvelle illustration et vient rappeler l’importance cruciale pour les titulaires de brevets de mettre à jour les registres.

Le droit au brevet d’invention appartient à l’inventeur ou à son ayant cause. Il est limité territorialement à la zone géographique souhaitée. La demande de brevet peut être déposée, pour la France, auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), par une personne physique ou morale, et pour l’Europe auprès de l’Office européen des brevets (OEB). En 2012, 16 632 brevets ont été déposés en France, le tenant du titre étant PSA qui a déposé 1348 brevets cette année-là. Le montant d’une demande de dépôt de brevet est fixé aux alentours de 36 € pour une demande papier et 26 € pour le format électronique (qui représente un peu moins de 80 % des demandes). Au niveau européen, l’OEB recensait 258 000 demandes pour l’année 2012. Pour voir son brevet protégé au niveau international (brevet PCT), le demandeur peut s’adresser à son office national ou à l’OEB, les demandes étant transmises au bureau international de l’Office mondial de la propriété intellectuelle.

La durée du brevet est de vingt ans à compter du jour du dépôt de la demande.

Le titulaire d’un brevet a l’obligation d’exploiter celui-ci dans un délai de trois ans après la délivrance du titre. Il a également l’obligation de s’acquitter des redevances annuelles auprès de l’INPI.


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La commercialisation du brevet peut se faire par le biais de contrats de cessions ou de licences qui doivent être contractées par écrit à peine de nullité. Si le titulaire du brevet ne l’exploite pas pendant une durée de trois ans, un tiers peut obtenir, en justice, une licence qualifiée d’obligatoire.

Le brevet peut faire l’objet d’un apport en société ou encore d’un nantissement.

L’exploitation d’un brevet sans l’accord de son titulaire constitue une contrefaçon. Au-delà de la responsabilité civile attachée à la contrefaçon, un arsenal répressif est prévu et sanctionne celui qui se prévaut de la qualité de propriétaire d’un brevet ou qui porte sciemment atteinte à ses droits.

Par ailleurs, depuis l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, l’action en nullité du brevet est imprescriptible (CPI, art. L. 615-8-1).

Enfin, la loi PACTE du 22 mai 2019 habilite le gouvernement à introduire dans notre législation un droit d’opposition devant l’INPI pour les brevets d’invention, lequel constituera un recours administratif rapide et peu couteux. L’ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 est venue créer ce droit d’opposition aux brevets d’invention. Ce recours permet aux tiers de demander, par voie administrative, la révocation ou la modification d’un brevet d’invention.

I. Sur la demande de brevet

A. L’inscription peut intervenir à tout moment à compter de la conclusion de l’acte

Elle se fait à la demande de la partie la plus diligente, mais il est nécessaire de pouvoir établir sa qualité à inscrire. Un acte ne peut être inscrit que si la personne indiquée dans l’acte comme le titulaire du dépôt avant la modification résultant de l’acte est inscrite comme tel au registre. Si des ruptures d’inscriptions existent dans le registre, il sera nécessaire de les combler avant de procéder à la dernière inscription, ce qui retarde d’autant la possibilité d’opposer aux  tiers sa propriété.

Cette obligation d’établir une chaîne d’inscriptions ininterrompue se retrouve pour chacun des registres. Il est parfois difficile de répondre à cette exigence, si des propriétaires antérieurs ont définitivement disparu, en général, en raison de fusion, absorption, dissolution, etc. Dans ce cas, il sera nécessaire de former auprès de l’office une demande pour déroger à cette obligation.

Il y a, en la matière, une situation qui semble contraire à la fonction de l’inscription dans l’obligation d’avoir une chaîne ininterrompue de propriétaires. Le registre remplit une fonction de publicité, il n’établit pas la validité du titre, pas plus qu’il ne contrôle la substance du contrat.

Le transfert de propriété ou l’attribution d’une jouissance est valable en dehors de la publicité. Ce qui compte pour les tiers comme pour le propriétaire, c’est de pouvoir inscrire l’état actuel du brevet et non les circulations antérieures. On peut d’ailleurs penser que la possession et l’apparence doivent jouer leur rôle. Enfin, à défaut  d’ inscription , il est possible d’opposer les  droits  nés d’un acte à un  tiers afin de pouvoir rapporter la connaissance, par ce dernier, de la  situation  créée par le contrat (Paris, 24 avr. 1986, Juris-Data no 1986-022551). L’opposabilité n’est plus erga omnes mais simplement efficace à l’égard de la personne informée par le biais d’une notification (CPI, art. L. 613-8 ).

B. La propriété de la demande de brevet

Selon les appelants, la propriété de la demande de brevet en cause avait été rétrocédée à la société Finter Lane du fait de la résiliation du contrat de cession initial conclu avec la société Swisscollect. La résiliation du contrat avait, selon les appelants, été notifiée par la remise en mains propres d’un courrier de mise en demeure en raison du non-paiement de la première annuité due par la cessionnaire en vertu dudit contrat.

L’intimée, pour sa part, soutenait que la société Swisscollect demeurait la propriétaire de la demande de brevet, le contrat de cession n’ayant pas fait l’objet d’une résiliation valable. En effet, la clause résolutoire du contrat de cession stipulait que le vendeur devait adresser à l’acquéreur une lettre de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, formalité qui n’avait pas été accomplie par la société Finter Lane.

L’intimée arguait également que la mise en demeure était dépourvue de force probante, que l’on ignorait l’identité de la personne ayant prétendument reçu la mise en demeure en mains propres et que les signatures y figurant n’étaient pas lisibles. Pour identifier le propriétaire du brevet, il revenait donc à la cour de déterminer si le contrat de cession avait été valablement résilié.

En l’occurrence, le contrat de cession ne désignait pas de loi applicable. À défaut de choix des parties, la cour a appliqué l’article 4 du règlement (CE) n° 593/2008, dit « Rome I », rédigé comme suit : « Lorsque le contrat n’est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle. »

Sur ce point, la cour confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris qui a considéré que la prestation principale d’un contrat de cession de brevet consiste en la mise à disposition du brevet, et donc que la loi applicable était la loi du droit du pays du cédant, à savoir, en l’espèce, la loi panaméenne. Cette décision vient confirmer sans grande surprise que c’est bien le cédant qui fournit la prestation caractéristique du contrat de cession de brevet.

Il restait donc à déterminer si, au regard du droit panaméen, le contrat de cession pouvait être considéré comme valablement résilié. À cet égard, les appelants ont versé une attestation d’un cabinet d’avocat panaméen indiquant que, selon le droit panaméen, le formalisme de la lettre recommandée avec accusé de réception a pour unique objectif de garantir que le débiteur a effectivement reçu ladite lettre, et qu’en conséquence la notification de la mise en demeure en mains propres à l’acquéreur – ayant date certaine –, ne suffit pas à faire échec à l’application de la clause résolutoire contractuelle. Ainsi, en l’espèce, le non-respect des modalités formelles de mise en œuvre du mécanisme de résiliation prévues au sein du contrat de cession ne permet pas de considérer que le contrat n’a pas été valablement résilié.

Ce point éclairci, la cour d’appel a considéré qu’il ressortait de l’examen des pièces visées ci-dessous (versées par les appelants) que la mise en demeure avait effectivement été remise à la Société Swisscollet :

Un courrier intitulé « mise en demeure » versé au débat qui comporte une signature, le cachet de la société ECS Swisscollet, indiquant à deux reprises la date du 24 décembre 2014 ainsi que la mention « remise en mains propres » ;

L’attestation d’un expert-comptable de la société Finter Lane qui précise qu’il s’est personnellement rendu au siège de la société ECS Swisscollet le 24 décembre 2014, en sa qualité de représentant de la société Finter Lane pour la Suisse, en vue de remettre en mains propres un courrier de mise en demeure de payer à la suite d’un défaut d’exécution d’une obligation contractuelle ;

L’attestation d’une secrétaire comptable, employée de la société Swisscollet, certifiant qu’elle avait reçu en mains propres et signé la lettre de mise en demeure et qu’elle l’avait remise au représentant de la société Swisscollet.

L’intimée n’ayant pas contesté que la société ECS Swisscollet n’avait pas réglé la première annuité due en application du contrat de cession et que la mise en demeure était demeurée sans effet, la cour a ainsi retenu que le contrat de cession avait été valablement résilié.

Suivant ce raisonnement, la cour a ainsi infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris et retenu que la demande de brevet appartient à la société Finter Lane. En revanche, la cour n’a pas retenu Monsieur L. comme propriétaire de la demande de brevet. Ce dernier avait demandé à la cour de voir constater qu’il était « le bénéficiaire économique de la demande de brevet litigieux » et donc que la rétrocession de la propriété de la demande de brevet était intervenue « simultanément » à son profit. Cette notion étant inexistante en droit français, la cour a refusé de statuer sur ce point.

II. Sur l’opposabilité du transfert de propriété

A. La publicité du contrat vise à en rendre les effets opposables aux tiers

L’acte publié est présumé connu de tous, l’acte non publié est présumé ignoré de tous. Une inscription s’impose pour tous les actes visant le brevet, quelle que soit la portée de celui-ci, qu’il s’agisse d’un acte constitutif ou translatif. L’inscription ne se limite pas à la situation du brevet , elle vise aussi la  situation  de son propriétaire ; il faut pour ce dernier que le registre soit à jour du nom, de la forme sociale, de l’adresse ou encore de son statut matrimonial.

Pour maintenir l’opposabilité des éléments inscrits sur un registre de brevets, l’inscription  est impérative pour toute  transmission  ou modification des  droits attachés  au  brevet , c’est-à-dire les transferts de propriété, les concessions, les sûretés et éventuellement les revendications de propriété. Si ces  inscriptions  ne sont  pas  réalisées, non seulement la  situation   juridique   nouvelle  est inopposable aux  tiers , ce qui écarte la possibilité d’agir en justice pour défendre sa propriété, mais en plus, il y a une fragilisation du titre au moment du renouvellement. Sont, en revanche, facultatives pour maintenir la pleine opposabilité des actes portant sur un bien intellectuel les  inscriptions  des changements de dénomination sociale, de nature  juridique  du propriétaire ou du licencié, d’adresse. Cette liberté existe devant l’INPI, l’OEB et l’OMPI.

Dans certains pays, ces inscriptions sont obligatoires et peuvent remettre en cause la validité du titre. Surtout, même lorsqu’elles ne sont pas  obligatoires, les informations  nouvelles  non inscrites ne sont  pas  opposables aux  tiers , ce qui peut être un problème, pour un changement d’adresse par exemple. Si les personnes inscrites ne changent pas (propriétaire, licencié, etc.) mais que des éléments les identifiant évoluent, il faut encore envisager les procédures d’inscription. Si les coordonnées changent, certains offices imposent l’inscription d’un tel changement. Pour ces modifications tenant aux personnes inscrites et non aux actes, en premier lieu on vérifie si le changement emporte un changement de personne (physique ou morale). Il y a modification de la personne à la suite d’une cession, d’une fusion, éventuellement à la suite d’une scission d’une personne morale.

Si les appelants sont parvenus à démontrer que la demande de brevet  appartient désormais à la société Finter Lane, il n’en demeure  pas  moins que le transfert de propriété du  brevet  doit être opposable à l’intimée. À cet égard, l’intimée soutenait que le transfert de propriété lui était inopposable à défaut  d’avoir fait l’objet d’une publication au registre européen des  brevets .

En l’occurrence, la cour a effectivement constaté que le transfert de la qualité de propriétaire n’a pas fait l’objet d’une publication auprès de l’OEB, et a donc considéré, sans surprise, qu’il demeure inopposable à l’intimée.

Les conventions portant sur des brevets sont soumises à des règles strictes de formalisme, l’obligation d’établir un écrit (CPI, art. L. 613-18. – C.-Th. BARREAU-SALIOU, Les publicités légales – Information du public et preuve des actes, 1990, LGDJ, nos 98 et 211. – Com. 4 nov. 1976, Dossiers brevets 1977, III, p. 7. – TGI Bordeaux, 22 sept. 1987, PIBD 422/1987, III, p. 435), dont la fonction est d’assurer la validité, la publicité et l’opposabilité de l’acte (CPI, art. L. 613-9).

B. La contrefaçon de Brevet

La contrefaçon constitue la qualification spécifique en propriété intellectuelle pour toute atteinte ou tout usage non autorisé d’un bien intellectuel, dont un brevet. Elle vise toute utilisation non autorisée d’une invention appropriée. Cette qualification spécifique est requise notamment en raison de la conservation de la jouissance du brevet par son propriétaire lors de l’utilisation frauduleuse. Le droit civil de la contrefaçon impose de présenter, dans un premier temps, les éléments constitutifs de la contrefaçon puis, dans un second temps, la procédure civile tendant à faire condamner la contrefaçon constatée.

La contrefaçon est une atteinte au brevet. Il s’agit en pratique d’une copie, d’une utilisation non autorisée, d’un bien approprié, le contenu de la copie pris en compte variant selon l’objet approprié par tel ou tel régime de propriété.

La contrefaçon est constituée par toute atteinte à un brevet. Cette définition large recouvre précisément l’objectif du législateur. La définition légale de l’atteinte à la propriété se fait par le biais de renvois ou par une formule synthétique, adoptée pour le droit des brevets à l’article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle qui effectue un renvoi aux articles L. 613-3 à L. 613-6. Ainsi, constitue une offre, au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, toute opération matérielle tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine d’un produit, même s’il est encore au stade de prototype non homologué, dans la mesure où la présentation du produit sous forme de prototype est susceptible de détourner une partie de la clientèle du produit breveté.

L’accomplissement de tels actes sans autorisation préalable du propriétaire du brevet constitue une contrefaçon. La méthode législative adoptée pour définir les actes de contrefaçon diffère un peu, la contrefaçon est établie dès lors qu’il y a atteinte aux prérogatives, ou fonctions, attachées au brevet. Toutes les exceptions, toutes les limites à la propriété, sont hors du droit de la contrefaçon. La contrefaçon est constituée par l’usage du bien, la reproduction du bien, son importation, sa détention en vue de son utilisation ou de sa mise dans le commerce.

Une limite importante est constituée par la règle de l’épuisement des droits assurant une libre circulation des biens intellectuels sur le territoire de l’Union européenne. La contrefaçon ne se limite pas à cette seule hypothèse. Sans qu’il y ait une reproduction à l’identique, il est possible que la reproduction reprenne les caractéristiques principales du bien approprié. La question est alors de déterminer si cela constitue ou non une contrefaçon. La contrefaçon s’apprécie par la reprise des caractéristiques essentielles du bien approprié.

L’appréciation de la contrefaçon s’effectue au regard des ressemblances, non des différences. L’imitation est donc une contrefaçon comme la copie servile, ce qui étend le domaine de la propriété. En droit des brevets, il s’agit de l’utilisation de moyens équivalents (Com. 2 nov. 2011, Propr. ind. 2012. Comm. 30, obs. P. Vigand). La contrefaçon par équivalence suppose que le moyen incriminé produise le même effet technique que celui produit par le moyen revendiqué. En présence de différences de forme des moyens mis en œuvre, la reproduction de l’invention ne constitue pas une reproduction littérale des caractéristiques des revendications, mais que, remplissant les mêmes fonctions en vue du même résultat que l’invention, ou la fonction exercée par cette forme différente des moyens procurait les mêmes avantages en vue du même résultat, constitue une contrefaçon par équivalence.

On peut aussi intégrer dans ce cas la livraison ou l’offre de livraison des moyens en vue de la mise en œuvre du brevet. La Cour de cassation a ainsi rappelé que la contrefaçon, par fourniture de moyens, d’un brevet couvrant une invention consistant en une combinaison de moyens peut résulter de la fourniture d’un moyen se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ce moyen est apte et destiné à la mise en œuvre de cette invention, alors même qu’il en est un élément constitutif. Au même visa, elle ajoute qu’est interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l’offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l’invention brevetée, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel, de sorte qu’il est indifférent que ce moyen puisse consister en un élément consommable, s’il revêt ce caractère essentiel.

À l’inverse de la procédure pénale, la bonne foi du contrefacteur est indifférente en droit civil, sous réserve de quelques exceptions. Toutefois, en droit des brevets, la bonne foi est prise en considération pour une partie des actes de contrefaçon, dans une approche opposée à celle du droit d’auteur. L’article L. 615-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle expose une liste limitative d’actes constituant des contrefaçons uniquement si l’auteur de ces actes les a été commis en connaissance de cause. La bonne foi peut être invoquée en cas d’offre, de mise dans le commerce, d’utilisation, de détention en vue de l’utilisation ou de mise dans le commerce d’un produit contrefaisant (Com. 6 nov. 2012, PIBD 2013, no 976, III-893 ; Propr. ind. 2014. Comm. 1, note P. Vigand). Dans tous les autres cas, elle est indifférente.

Pour que l’action en contrefaçon soit recevable, il est nécessaire que le brevet soit opposable aux tiers, ce qui est acquis à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique (CPI, art. L. 615-4 ). Les faits antérieurs à la publication de cette demande ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés. L’article L. 615-4 ajoute deux cas particuliers à cette règle.

D’une part, entre la date de publication de la demande et celle de publication de la délivrance du brevet, ce dernier n’est opposable que dans la mesure où les revendications n’ont pas été étendues après la première de ces dates. D’autre part, lorsque le brevet concerne l’utilisation d’un micro-organisme, il n’est opposable qu’à compter du jour où le micro-organisme est mis à la disposition du public. Un décalage, pouvant atteindre jusqu’à dix-huit mois en droit des brevets, entre le moment où naît la propriété et le moment où la propriété est opposable, peut exister. Cette période grise est comblée par le propriétaire du brevet par une notification.

Les faits postérieurs à la notification faite au présumé contrefacteur d’une copie de la demande de brevet peuvent être poursuivis en contrefaçon. Dans tous les cas, le tribunal saisi sursoit à statuer jusqu’à la délivrance du brevet. L’opposabilité doit aussi être envisagée pour les cessions de brevets, toutes les fois où la cession doit faire l’objet d’une publication. Un délai créant une éventuelle période grise se retrouve. Elle peut faire éventuellement l’objet d’un aménagement contractuel.

Les actions en contrefaçon sont prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause. Le point de départ de ce délai et la nature de l’infraction, instantanée ou continue, dépendent des faits et de la qualification attribuée à la contrefaçon. L’infraction présente un caractère continu ; tant que l’on jouit du brevet sans autorisation, la contrefaçon perdure. Dès lors, le point de départ du délai de prescription devrait courir à compter du jour où cesse l’usage indu du brevet. Cependant, les juges n’adoptent pas systématiquement cette approche, retenant la date du premier acte de contrefaçon pour faire courir le délai de prescription.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la transmissibilité de brevet, cliquez

Sources :

Paris, pôle 5 – ch. 1, 21 sept. 2022, n° 20/14418.
Paris, pôle 5 – ch. 2, 9 sept. 2022, n° 20/12901
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 juillet 2017, 15-20.554, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 juin 2017, 15-24.372, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 juin 2017, 15-29.378, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 11-23.474, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

La courte citation d’une œuvre est licite dès lors qu’elle est justifiée par un caractère d’analyse

Le texte et la musique d’une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte soit séparé de la musique ne porte pas nécessairement atteinte au droit moral de l’auteur. Dans cette affaire, la publication d’un ouvrage reprenant les textes des chansons d’un artiste-interprète soulève la question de la validité de la citation au regard du droit d’auteur.

Si l’exception de courte citation répond à des conditions précisément définies par le Code de la propriété intellectuelle, qu’en est-il de son application lorsque l’ouvrage se compose intégralement d’extraits d’œuvres citées ? Selon la Cour de cassation, la citation est licite puisque l’œuvre a été divulguée, et qu’elle était strictement nécessaire à l’analyse critique des chansons qui faisaient l’objet de l’ouvrage.

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L’exception de courte citation est une disposition du droit d’auteur qui permet à toute personne de citer une œuvre protégée sans avoir besoin de l’autorisation de l’auteur titulaire des droits d’auteur, à condition que cette soit courte et qu’elle serve un but légitime, tel que l’illustration d’une idée ou d’un point de vue, la critique ou la recherche.

La définition de ce qui est considéré comme une « courte citation » peut varier selon les pays et les contextes, mais en général, il s’agit d’une citation brève extraite d’une œuvre plus vaste, qui ne nuit pas à l’exploitation normale de l’œuvre citée et qui mentionne clairement l’auteur et la source de la citation.

Il est important de noter que l’exception de courte citation est une exception limitée et qu’elle ne permet pas de reproduire ou de diffuser l’œuvre protégée dans son intégralité sans autorisation.


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Selon la Cour de cassation, l’auteur jouit, au nom du droit moral, du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. L’exercice de ce droit peut être confié à un tiers après le décès de l’auteur. Toutefois, la divulgation de l’œuvre entraîne l’impossibilité pour l’auteur de s’opposer aux analyses ou courtes citations qui en seraient extraites dès lors que la source et le nom de l’auteur apparaissent. À propos de l’exception de courte citation, la maison d’édition aurait bien démontré que les extraits du répertoire de l’auteur ont servi à une analyse purement critique. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi en ne relevant aucune atteinte au droit moral de l’auteur, ni de caractère illicite des citations en cause.

I. Absence d’atteinte au droit moral

A. Les droits d’auteur dont l’artiste est titulaire sur son œuvre empêchent toute autre personne de l’exploiter, sans l’autorisation de cet auteur

L’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle délimite les contours de l’exercice du droit moral de l’auteur d’une œuvre de l’esprit puisque ce dernier « jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ». Cohabitent avec ces dispositions celles de l’article L. 122-5 du même code qui définissent les exceptions légalement prévues au droit d’auteur. En d’autres termes, ce texte garantit toute reproduction libre et gratuite d’une œuvre sous réserve de respecter certaines conditions (N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, 7e éd., Lextenso, 2022, p. 154, n° 178).

Selon la Cour de cassation, la divulgation de l’œuvre destitue l’auteur de son droit d’interdire les analyses et courtes citations. La divulgation de l’œuvre est un droit qui appartient à l’auteur et correspond à l’étape au cours de laquelle l’auteur décide de communiquer son œuvre à autrui.

La jurisprudence précise d’ailleurs que le premier usage que fait un auteur épuise son droit de divulgation.

Il convient de préciser ce qu’est ce premier usage. Le droit de divulgation s’exerce par la mise en œuvre de deux éléments : un fait matériel destiné à rendre l’œuvre publique et un élément intentionnel relatif à l’expression de la volonté de son auteur qui consent à cette mise à disposition du public (M. Vivant et J.-M. Brugière, Droit d’auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, 2019, p. 485, n° 479).

Pour autant, le droit de divulgation demeure une prérogative fondamentale du droit d’auteur. À titre d’illustration, lorsque la Cour de cassation a été saisie de la question de savoir si la production au cours d’un débat judiciaire d’un manuscrit encore inédit d’un auteur pouvait constituer une atteinte à ce droit, elle a répondu par l’affirmative. Cette première communication au public n’avait pas été le fait de l’auteur qui n’y avait pas consenti, cela constitue donc une atteinte à son droit moral.

B. Dissociation des deux genres

Toujours à des fins d’écarter toute atteinte au droit moral, la Cour de cassation rappelle également que l’ouvrage se limitait à citer le texte de la chanson et que le texte et la musique relevant de genres différents et dissociables, il ne pouvait pas y avoir d’atteinte à l’intégrité de l’œuvre. En d’autres termes, les requérants invoquaient une modification de la forme de l’œuvre qui avait été réalisée par l’artiste-interprète et à laquelle ils n’avaient pas consenti et qui constituerait une dénaturation de l’œuvre.

Pourtant, selon la Cour de cassation, la dissociation de ces différents éléments ne constitue pas une atteinte à son intégrité puisqu’il n’y a pas de preuve de sa dénaturation. Nous pouvons y voir une illustration de la subtilité et la complexité de l’œuvre musicale : elle repose sur l’association de plusieurs compositions puisqu’elle se compose au moins d’une mélodie, d’un rythme auxquels peut être associé un texte. Le tout détermine l’originalité de l’œuvre (A. R. Bertrand, Droit d’auteur, Dalloz Action, 2010, n° 207.27).

II. L’exception de « courte citation » prévue à l’article L122-5-3-a du Code la propriété intellectuelle

A. Condition de l’exception de courte citation

Certaines conditions de l’exception de courte citation peuvent être mises en œuvre facilement :

S’agissant de la divulgation de l’œuvre citée, ce critère est rempli si celle-ci a par exemple fait l’objet d’une première publication par un éditeur ;

S’agissant de la mention du nom de l’auteur et de la source, cette condition a notamment vocation à permettre d’identifier la citation comme telle, et de respecter le droit moral de l’auteur. Il faut donc veiller à citer le nom de l’auteur, le titre de l’oeuvre, et le cas échéant, le nom de l’éditeur, la date d’édition, voire la page de l’extrait. Il faut ensuite isoler la citation de manière visible pour le lecteur, en utilisant des guillemets, des notes de bas de page ou en fin de chapitre.

L’exception de courte citation implique également de respecter d’autres conditions, plus complexes :

S’agissant du critère tenant à la brièveté : il s’apprécie par rapport à la longueur de l’œuvre dans laquelle la citation est insérée, mais aussi par rapport à l’œuvre dont la citation est extraite. Cette appréciation est délivrée au cas par cas en jurisprudence : il n’existe pas en effet de pourcentage ou autre échelle précise à partir desquels la citation ne peut être considérée comme courte. Néanmoins, en toutes hypothèses, l’exception de courte citation ne peut permettre de reproduire intégralement l’œuvre citée ou de la reproduire dans une mesure substantielle. L’œuvre citante doit ainsi pouvoir exister malgré le retrait des citations qu’elle contient.

La courte citation doit être justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre qui l’incorpore. A défaut, l’exception de courte citation ne s’applique pas. Il faut préciser d’ailleurs que selon les termes de l’article L122-5-3-a, la citation doit être incorporée dans une œuvre « seconde » : la citation doit ainsi permettre d’illustrer en principe une discussion ou une argumentation formant la matière principale de cette seconde oeuvre.

Enfin, le respect du droit moral de l’auteur forme la dernière condition à une courte citation licite. Il ne s’agit pas expressément d’une condition de l’article L122-5 précité, mais d’une condition qui s’applique à toute exploitation d’une œuvre de l’esprit, et donc aux citations. Il convient de veiller en particulier à ne pas porter atteinte au respect de l’œuvre, en déformant par exemple la pensée de son auteur.

Il faut souligner que l’exception de courte citation n’est pas limitée au domaine littéraire, et qu’elle peut s’appliquer au domaine musical ou audiovisuel, avec quelques adaptations. Elle ne s’applique toutefois pas en principe aux œuvres graphiques, plastiques ou photographiques, car celles-ci sont considérées comme indivisibles.

L’exception de courte citation peut donc être ardue à mettre en œuvre, en raison des conditions précitées qui donnent prise à une certaine part de subjectivité. En conséquence, si vous avez un doute quant à la licéité de vos citations, il est conseillé de demander à l’auteur ou à ses ayant droits une autorisation expresse et écrite, ou de solliciter l’analyse d’un avocat compétent en droit de la propriété intellectuelle.

B. La licéité de la citation justifiée par son caractère d’information

Le recours à l’exception de courte citation est conditionné par le respect de ces prérogatives de l’auteur. C’est ce que vérifie la Cour de cassation en confrontant le principe et son exception pour finalement retenir que la divulgation défait l’interdiction de citer l’œuvre, d’autant plus lorsque cette citation est justifiée « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre » à laquelle elle est incorporée.

Est bien entendu rappelée l’obligation de mentionner l’auteur de l’œuvre ainsi que sa source. D’une certaine façon, elle procède à une mise en balance des intérêts en jeu : d’un côté, celui de l’auteur qui revendique la protection légitime de son droit moral et, de l’autre, celui qui utilise la citation à des fins informationnelles ou analytiques et donc tournées vers une finalité très générale et pas vraiment personnelle. Partant de ces considérations, la citation en cause est licite.

En effet, l’exception visée par le troisième alinéa de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle traite de l’analyse et de la courte citation. En réalité, la première est souvent caractérisée corrélativement à la seconde (M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, 2019, p. 656, n° 651). Le cas d’espèce est particulièrement illustratif de cette appréciation puisque la Cour de cassation évoque l’analyse et l’aspect pédagogique de l’ouvrage comme justification de la citation effectuée en énonçant que « chacune des citations était nécessaire à l’analyse critique de la chanson ». Pourtant, l’analyse et la citation répondent à des situations bel et bien distinctes. L’analyse consiste en l’exposé d’un point de vue alors que la citation reproduit de façon strictement identique l’extrait d’une œuvre.

C’est finalement l’opposition entre protection du droit d’auteur et exercice de la liberté d’expression justifiant l’exception de citation qui se trouve illustrée dans cette solution. L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle vise explicitement en son troisième alinéa « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre ». En d’autres termes, il y a citation licite dès lors que la reprise de l’œuvre d’origine poursuit une finalité d’instruction, qu’elle est courte et ne porte pas atteinte au droit moral de l’auteur.

Les conditions relatives à la mise en œuvre de cette citation tiennent comme son nom l’indique à la longueur de la citation : elle doit être courte selon le Code de la propriété intellectuelle, « quelque chose de bref est nécessairement court » (J.-M. Bruguière, « Les courtes citations », in J.-M. Bruguière [dir.], Les standards de la propriété intellectuelle, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 44). Ainsi, la brièveté exclut de reprendre intégralement l’œuvre.

La difficulté en l’espèce ne reposait pas sur la taille des citations, mais plutôt sur le fait que l’ouvrage était constitué de citations de cet artiste-interprète. Mais prises individuellement, les citations correspondaient bien à cette limite de taille.

Par ailleurs, la Cour de cassation retient également dans sa motivation que les citations étaient nécessaires « à l’analyse critique de la chanson » et « ne s’inscrivaient pas dans une démarche commerciale ou publicitaire, mais étaient justifiées par le caractère pédagogique et d’information de l’ouvrage », lequel était dédié à l’œuvre de l’artiste-interprète et présentait une finalité documentaire. En plus de rappeler la brièveté de la citation, elle insiste également sur sa nécessité.

En d’autres termes, la citation est licite puisque l’œuvre a été divulguée, qu’elle présente les caractères de l’article L. 122-5, 3°, du code de la propriété intellectuelle puisque l’auteur de l’ouvrage avait précisément démontré pourquoi leur présence était nécessaire à l’analyse critique de la chanson visée. Cette solution est donc justifiée à la fois au regard des critères légaux, mais on peut également y voir l’exercice de libertés bien particulières qui est celui de la liberté d’expression et de la liberté d’information. En effet, cette solution est justifiée par un impératif d’information du public puisque la démarche allait bien au-delà d’une simple finalité commerciale ou publicitaire.

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Sources :
Kamilia Bentaïeb, Docteure en droit privé et ATER à l’Université Toulouse Capitole
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 février 2023, 21-23.976, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 décembre 2013, 11-22.031 11-22.522, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 25 février 1997, 95-13.545, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Article L121-1 – Code de la propriété intellectuelle – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Article L122-5 – Code de la propriété intellectuelle – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DROIT D’AUTEUR

L’intelligence artificielle fait partie de notre quotidien, qu’il s’agisse de la reconnaissance vocale sur nos téléphones portables, des suggestions personnalisées de films sur des plates-formes de streaming (certes, plus ou moins convaincantes…) ou des systèmes de reconnaissance d’images permettant de « taguer » des visages ou de filtrer des contenus violents ou pornographiques publiés sur les réseaux sociaux.

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Le statut des créations issues de l’intelligence artificielle est nettement plus délicat. Le Petit Robert définit l’intelligence artificielle comme « la partie de l’informatique qui a pour but la simulation des facultés cognitives afin de suppléer l’être humain pour assurer des fonctions dont on convient, dans un contexte donné, qu’elles requièrent de l’intelligence ». Nous basculons de la création assistée par ordinateur vers la création générée par ordinateur. Or les créations de ces machines intelligentes (que d’aucuns aiment à qualifier de robots sont très nombreuses dans la littérature, spécialement de science-fiction.

L’on se souvient, par exemple, des belles sculptures de lumière réalisées par le majordome robot de Madame Lardner (Max) dans la nouvelle de Asimov, Light Verse, œuvres que le propriétaire du robot s’approprie indûment. Ces créations, accidentelles, cesseront lorsque John Semper Trevis réparera malencontreusement le robot créateur.


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Les créations de ces machines intelligentes ne sont plus aujourd’hui accidentelles et la Commission juridique du Parlement européen a invité le 12 janvier 2017 la Commission européenne à soumettre une directive envisageant « la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis » et définissant « des critères de création intellectuelle propres applicables aux œuvres protégeables par droit d’auteur créés par des ordinateurs ou des robots » – ce qui est riche d’un implicite sur lequel nous reviendrons.

Les défenseurs de cette position soulignent qu’une telle protection stimulerait ainsi la création dans ces domaines et conférerait à l’Europe un avantage concurrentiel.

I – la protection du droit d’auteur appliquée aux œuvres générées à partir d’une l’intelligence artificielle

A – les limites invoquées à l’application du droit d’auteur

  1. L’auteur, personne physique

Traditionnellement, le droit d’auteur français protège l’auteur d’une « œuvre de l’esprit ». Les dispositions de l’article L. 112-1 du CPI prévoient en ce sens que : « Les dispositions du présent Code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »

Dès lors, comment concevoir qu’une œuvre générée par une IA, c’est-à-dire à partir d’un ou plusieurs algorithmes, soit considérée comme une « œuvre de l’esprit » et protégée en tant que telle par le droit d’auteur ?

En effet, la jurisprudence admet que l’auteur d’une œuvre de l’esprit ne peut être qu’une personne physique, et la Cour de cassation juge à cet égard qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur.

Dès lors, si le collectif Obvious à l’origine du Port rait de Belamy signe le tableau avec la formule de l’algorithme, il ne s’agit là bien entendu que d’un clin d’œil dans la mesure où, à ce jour, aucune personnalité juridique n’est reconnue à une IA qui ne peut dès lors se voir reconnaître la titularité des droits d’auteur.

L’idée d’une personnalité juridique propre aux robots a bien été promue, notamment et de façon étonnante par le Parlement européen dans une résolution du 16 février 2017, ce qui a donné lieu à de nombreuses critiques, en partie reprises par les auteurs du récent rapport pour qui cette option serait « largement impraticable » (cf. rapport p. 36).

  1. La condition de l’originalité

Par construction jurisprudentielle, la protection par le droit d’auteur suppose que la création soit originale. Cette condition ne ressort pas des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, qui ne s’y réfère pas, sauf pour protéger le titre des œuvres (cf. article L. 112-4). L’originalité est ainsi appréciée par les juges, au cas par cas, comme l’expression, l’empreinte ou le reflet de la personnalité de l’auteur.

Cette conception impliquant de nouveau une intervention humaine, il apparaît difficile de qualifier d’originale une œuvre générée par une IA : comment celle-ci pourrait-elle, en effet, matérialiser le reflet de la personnalité de son auteur s’il s’agit d’une machine ? Du moins tant que les machines ne seront pas douées de conscience ou d’esprit et qu’une personnalité juridique ne leur sera pas reconnue…

Ces difficultés résultent d’une conception traditionnelle et classique du droit d’auteur français qui ne conçoit la création que comme l’apanage de l’humain et qui place toujours l’auteur, personne physique, au centre de la protection.

Toutefois, comme le relève un récent rapport déposé auprès du CSPLA le 27 janvier 2020, les difficultés ainsi soulevées ne devraient pas être « insurmontables ». Ainsi, sans remettre en cause le lien entre l’auteur et son œuvre qui fonde notre droit d’auteur, ce droit « semble suffisamment souple pour recevoir ces créations » et « l’attribution des droits au concepteur de l’IA semble de nature à apporter des solutions pertinentes ».

B – les solutions offertes par l’application du droit d’auteur

  1. Le rapport « Intelligence artificielle et culture »

Le 25 avril 2018, la Commission européenne, dans sa communication « Une intelligence artificielle pour l’Europe », a invité les États membres à réfléchir aux conséquences de l’intelligence artificielle sur la propriété intellectuelle. Dans ce contexte, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a confié aux professeures Alexandra Bensamoun et Joelle Farchy une mission sur les enjeux juridiques et économiques de l’intelligence artificielle dans les secteurs de la création culturelle, qui a donné lieu au dépôt, le 27 janvier 2020, d’un rapport intitulé « Intelligence artificielle et culture ».

Selon les auteures de ce rapport, il importe de rappeler en premier lieu que le droit d’auteur et sa mise en œuvre ne peuvent se passer de la présence humaine. Toutefois « une analyse renouvelée des conditions d’accès à la protection (création, originalité, auteur) pourrait permettre de recevoir ces réalisations culturelles au sein du droit d’auteur ».

  1. Quelle solution ?

Ledit rapport écarte ainsi dans ses conclusions toute intervention législative, en retenant qu’il importe d’abord « d’éprouver le droit positif et d’être prêt à intervenir si un éventuel besoin de régulation se révélait à l’avenir » alors que « le droit positif devrait pour l’heure pouvoir être appliqué, dans une lecture renouvelée des critères d’accès à la protection ».

Avec prudence, il est toutefois rappelé qu’il ne peut être exclu, compte tenu de la technique en constant développement, que « l’outil [de l’intelligence artificielle] gagne en autonomie, en réduisant le rôle de l’humain ».

Il ne faut donc pas complètement exclure qu’à l’avenir, une intervention du législateur soit rendue nécessaire et « une voie intéressante pourrait alors être, au vu des différentes positions et analyses, celle de la création d’un droit spécial du droit d’auteur ».

C’est alors le régime appliqué au logiciel ou celui appliqué à l’œuvre collective qui pourrait, selon les auteures du rapport « Intelligence artificielle et culture » déposé au CSPLA, servir de modèle à la création d’un droit spécial, notamment en adaptant les articles L. 113-2 et L. 113-5 du CPI pour y intégrer les créations générées par une IA.

En effet, selon le Code de la propriété intellectuelle, « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (article L. 113-1 du CPI).

Ainsi, dans le cas de l’œuvre collective créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui la divulgue et dans laquelle la contribution de chaque auteur y ayant participé se fond dans un ensemble sans qu’il soit possible d’identifier la contribution de chacun (cf. article L. 113-2 du CPI), il est prévu par l’article L. 113-5 du CPI que cette œuvre « est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

Il est donc admis qu’une personne morale, si elle ne peut pas être l’auteur d’une œuvre de l’esprit, peut en revanche être titulaire des droits d’auteur existant sur cette œuvre.

L’arsenal juridique de l’œuvre collective et du logiciel semble donc offrir des pistes de solutions intéressantes.

La matière étant, à l’évidence, en constante évolution, la prudence semble de mise, étant rappelé que toute issue législative devra naturellement « s’opérer dans un cadre international, a minima européen ».

 

II- Une protection alternative adaptée aux créations de l’intelligence artificielle

A – L’adaptation du droit d’auteur à l’intelligence artificielle

Si l’œuvre est considérée comme protégée par le droit d’auteur, la question de la paternité de l’œuvre est centrale. Certaines législations étrangères comme Hong Kong, l’Inde, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, ont choisi d’attribuer cette paternité au concepteur du programme.

En France, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) recommande, dans son rapport intitulé « Mission Intelligence artificielle et Culture » du 27 janvier 2020, de s’inspirer des mécanismes existants en droit d’auteur. Une première piste résiderait dans l’aménagement de la notion d’originalité afin de qualifier la création de l’intelligence artificielle en œuvre de l’esprit, comme ce fut le cas pour le logiciel, où l’empreinte de la personnalité de l’auteur a été remplacée par l’apport intellectuel de son créateur. S’agissant de la titularité, « la désignation du concepteur de l’intelligence artificielle apparaît comme la solution la plus respectueuse du droit d’auteur » selon le rapport du CSPLA. Une autre possibilité serait d’appliquer les règles de l’accession par production de l’article 546 du Code civil pour permettre au propriétaire de l’intelligence artificielle d’acquérir les accessoires que produit sa chose (les œuvres étant les fruits de l’intelligence artificielle).

Cependant, cela ne signifie nullement que la titularité des droits revienne toujours à la personne physique. En effet, l’instigateur de la technologie pourrait être récompensé sur le modèle de l’œuvre collective qui, selon l’article L. 113-2, alinéa 3, du CPI, est « une œuvre crée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et en son nom ».

Par ailleurs, un droit spécifique, sorte de droit voisin, pourrait être créé pour attribuer des prérogatives patrimoniales à celui qui communique l’œuvre au public. La disposition serait alors intégrée à l’article L. 123-4 du CPI, in fine, en ces termes : « Celui qui prend les dispositions nécessaires en termes d’investissement pour communiquer au public une création de forme générée par une intelligence artificielle et assimilable à une œuvre de l’esprit jouit d’un droit d’exploitation d’une durée de X années à compter de la communication ». Pour permettre plus de souplesse, le CSPLA suggère de privilégier les solutions contractuelles en ajoutant en début de disposition « sauf stipulations contraires ».

Derrière l’identification du titulaire, des créations se pose également la question cruciale de la responsabilité en cas de dommages provoqués par l’intelligence artificielle. En effet, la proposition de règlement de la Commission européenne du 21 avril 2021 place le fournisseur d’un système d’intelligence artificielle comme acteur central. Il est défini comme la personne physique ou morale, l’agence ou tout autre organisme qui développe ou possède un système d’intelligence artificielle, sous son propre nom ou sa propre marque, à titre onéreux ou gratuit. Cette désignation simplifiée du responsable n’est d’ailleurs pas sans rappeler la responsabilité du producteur du fait d’un produit défectueux puisqu’est également désignée comme producteur la « personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ».

B – Les modes alternatifs de protection des créations de l’intelligence artificielle

Au-delà du droit d’auteur , le Parlement européen recommande de privilégier une évaluation sectorielle et par type des implications des technologies de l’intelligence artificielle en prenant notamment en compte « le degré d’intervention humaine, l’autonomie de l’IA , l’importance du rôle et de la source des données et des contenus protégés par le droit d’auteur utilisés, ainsi que l’éventuelle intervention d’autres facteurs ; rappelle que toute démarche doit trouver le juste équilibre entre la nécessité de protéger les investissements en ressources et en efforts et celle d’encourager la création et le partage ».

Pour sa part, le CSPLA suggère de s’inspirer du droit accordé au producteur de bases de données en introduisant un droit sui generis visant à protéger les efforts financiers, humains ou matériels des intervenants au processus créatif développé par l’intelligence artificielle.

Appliqué à l’intelligence artificielle, ce droit sui generis permettrait un retour sur investissement, déjouant ainsi les tentatives d’appropriation de valeur et encourageant du même coup l’investissement dans le domaine de l’intelligence artificielle. La proposition pourrait être intégrée dans la première partie du code de la propriété intellectuelle, à la suite du droit des bases de données : « Le producteur d’une intelligence artificielle permettant la génération de créations assimilables à des œuvres de l’esprit bénéficie d’une protection sur ces créations lorsque celles-ci résultent d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».

En tout état de cause, d’autres modes de protection existent. Ainsi, le programmateur de la technologie peut se faire rémunérer en concédant une licence d’utilisation de son logiciel. De plus, la directive n° 2016/943 du 8 juin 2016 sur le secret des affaires, transposée à l’article L. 151-1 du CPI, permet au concepteur de s’opposer à la divulgation illicite du savoir-faire technologique et l’appropriation de son investissement. Enfin, une action sera toujours possible sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile extracontractuelle contre les actes de concurrence déloyale ou les agissements parasitaires.

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Sources :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2015, 13-23.566, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, Assemblée Plénière, du 7 mars 1986, 83-10.477, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Copie d’un site : condamnation pour parasitisme

Qu’est-ce que le parasitisme entre deux sociétés ?

« Les nombreuses reprises d’éléments du site c-monetiquette.fr par le site etiquettes-folies.fr précédemment relevées qui doivent être appréhendées dans leur globalité, ce quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché et témoignent d’une volonté de la société Art et Pub de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage de la société Léa caractérisant ainsi un comportement fautif constitutif d’agissements parasitaires », a jugé la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 décembre 2022.

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Elle a conclu que cet acte de concurrence déloyale constaté a généré un trouble commercial constitutif de préjudice et a condamné Art et Pub à verser 20 000 € de dommages-intérêts.

La cour, qui a infirmé le jugement de première instance, procède à une analyse précise des actes de parasitisme de la reprise d’éléments d’un site internet par un site concurrent. Elle a commencé par constater que le site de Art et Pub Etiquettes-folies.fr était postérieur à C-monetiquette.fr, celui de la société Léa, et qu’il reprenait à l’identique ou presque des rubriques ainsi que les présentations et les textes.


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La cour a rejeté l’argument d’Art et Pub lié aux investissements consentis pour le site, constatant qu’ils n’étaient pas liés à sa conception et à sa présentation.

I. Caractérisation du parasitisme

A. Notion de parasitisme

Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. Le parasitisme ne peut pas se déduire du seul fait qu’une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé depuis longtemps et avec succès par une autre entreprise.

À la différence de la concurrence déloyale, le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité. La notoriété du produit prétendument copié n’est pas une condition nécessaire du parasitisme, qui peut être constitué par la reprise des investissements allégués, indépendamment des frais exposés par l’auteur du parasitisme.

Il est de jurisprudence constante que le parasitisme peut être établi même en l’absence de toute situation de concurrence. À l’inverse, l’absence de concurrence n’est pas une condition du succès de l’action. L’action en parasitisme peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties.

Pour prouver la faute, il n’est pas non plus nécessaire d’établir le risque de confusion traditionnellement requis dans le cadre d’une action en concurrence déloyale.

Il importe peu également que les produits d’origine aient ou non été mis sur le marché géographique concerné avant que les copies y aient été commercialisées.

L’action en parasitisme peut être intentée même par celui qui ne peut pas, ou ne peut plus, se prévaloir d’un droit privatif.

Les agissements parasitaires peuvent être accomplis pour le compte d’un mandant. Ainsi, une société qui embauche un agent commercial d’une société concurrente, qui n’a pas d’interdiction de représenter d’autres sociétés et qui, à l’issue de son contrat, n’est pas tenu par une clause de non-concurrence, commet des actes relevant du parasitisme par l’intermédiaire de ce commercial.

Bien entendu, le parasitisme suppose une diffusion des agissements fautifs auprès de personnes autres que la victime ; tel est le cas même si le « public » s’avère être les seuls salariés de la victime.

Des actes qualifiés de caricature, de pastiche ou de parodie ne peuvent pas être sanctionnés au titre du parasitisme (CA Paris 25-1-2012 n° 10/09512).

B. Actes de parasitisme

  1. Spécialiste d’une marque

Ancien agent « Citroën » qui se présente comme « citroëniste indépendant » sur ses documents publicitaires et appose sur le toit de son garage une enseigne « Citroëniste » avec les lettres « iste » écrites en plus petit corps. Acte parasitaire, dès lors que l’utilisation publicitaire du nom commercial est faite par un ancien concessionnaire de la marque.

Ancien concessionnaire « Volvo » qui persiste à prendre des initiatives et à se présenter comme spécialiste Volvo dans des opérations publicitaires aboutissant à la vente de véhicules de la marque Volvo. Acte parasitaire, dès lors que ces agissements interviennent après la cessation du contrat de concession.

  1. Imitation du produit ou du conditionnement

Commercialisation d’un parfum dont le conditionnement ressemble de façon frappante à celui d’une grande marque, de telle sorte qu’un air de famille existe entre les deux parfums. Acte parasitaire, dès lors que cette ressemblance n’est pas le fruit du hasard mais résulte de la volonté de reproduire les caractéristiques du parfum de prestige et d’exploiter sa notoriété.

Fabrication et commercialisation par une société de flacons de désodorisant ménager similaires à ceux d’un concurrent mais auxquels elle a apporté une amélioration d’importance dans leur mode d’utilisation (CA Versailles 20-10-1993 : RJDA 6/94 n° 751). Acte non parasitaire, dès lors que la société a ajouté à un produit devenu banal (liquide désodorisant) un procédé d’utilisation jusque-là non pratiqué, de sorte que, pour ce faire, elle a dû procéder à des investissements et à des recherches techniques.

Vente par un fabricant de boissons à l’orange de bouteilles comportant des étiquettes présentant des similitudes avec celles d’un concurrent dont la notoriété est incontestable (CA Colmar 13-5-1994 : RJDA 11/94 n° 1249). Acte parasitaire, dès lors que le fabricant a profité du courant d’achats établi en faveur d’articles commercialisés par le concurrent et a évité une initiative commerciale impliquant diverses dépenses et la prise d’un risque.

Producteur de bananes qui, pour la commercialisation de ses fruits, se met à utiliser des bacs en plastique prêts à être mis en rayon alors qu’un concurrent a déjà adopté ce mode de conditionnement sur lequel il appose le dessin du fruit, sa marque et un slogan. Acte non parasitaire, dès lors que le bac en plastique, utilisé depuis longtemps comme mode de conditionnement dans ce secteur, constitue le seul point commun avec le mode de présentation des produits du concurrent, les autres éléments du concept n’ayant pas été repris.

Vente, par un distributeur, de vêtements qu’il a fait produire à l’étranger et qui sont très similaires à ceux d’un fabricant dont il avait auparavant obtenu des échantillons en vue de leur distribution (CA Paris 15-3-2000 n° 98-1684 : PIBD 2000 n° 702 III p. 375). Acte parasitaire, dès lors que le distributeur s’est ainsi approprié à moindre frais les efforts commerciaux entrepris par le fournisseur.

II. Sanction des actes parasitaires

A. Preuve de l’acte parasitaire

La concurrence déloyale se distingue sur ce point du parasitisme, puisque le succès de l’action en parasitisme suppose de démontrer que le parasite s’est volontairement placé dans le sillage d’un tiers (CA Paris, 30 juin 2021, no 18/26888, Contrats, conc. consom. 2021, comm. 165, note M. Malaurie-Vignal). Cette condition subordonne bien l’action en parasitisme à la preuve d’une faute intentionnelle. La preuve d’une usurpation de notoriété ou de « détournement d’investissements ».

Par ses actes, le parasite cherche à assimiler ses produits (ou ses services) et ceux d’une entreprise à la notoriété considérable, bénéficiant ainsi d’un profit illégitime. Néanmoins, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que « la notoriété du produit prétendument copié […] ne constitue pas une condition nécessaire pour établir un comportement parasitaire ». La notoriété serait donc vraisemblablement davantage un indice qu’une véritable condition. La théorie du parasitisme suppose que le parasite tire profit, sans contrepartie financière, « sans bourse délier », de la renommée, du sérieux ou encore du prestige du parasité. Il ne peut donc y avoir parasitisme si le prétendu parasite démontre qu’il a lui-même réalisé des investissements réels et sérieux en relation avec le produit ou le service concerné.

L’existence, pour le demandeur, d’investissements constitue une condition essentielle à la démonstration du parasitisme. À l’inverse, la cour d’appel de Paris a pu considérer que la démonstration par le défendeur de ce qu’il a réalisé des investissements pour la promotion du produit litigieux ne permettait pas, à elle seule, d’écarter le parasitisme, « le parasitisme n’excluant pas l’existence de dépenses effectuées par le parasite » (CA Paris, 14 déc. 2021, no 20/05805). La preuve des investissements réalisés demeure néanmoins un élément important et valorisé par la jurisprudence qui apprécie le parasitisme de manière globale en appliquant la méthode du faisceau d’indices.

B. Sanction de l’acte parasitaire

Plus récemment, la Cour de cassation a rappelé qu’il en est de même pour l’action en parasitisme. Cette action « fondée sur l’article 1382, devenu 1240 du code civil, qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l’activité des parties, dès lors que l’auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements ».

La victime peut donc être un commerçant ou une société, mais aussi une association. Cela étant, il importe pour la victime de bien identifier son préjudice personnel.

La Haute juridiction a ainsi établi que les agissements parasitaires « peuvent être constitutifs d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil [devenu C. civ., art. 1240], même en l’absence de toute situation de concurrence ». Cette approche semble aujourd’hui acquise (CA Paris, 8 sept. 2004, no 03/04631 : « un comportement déloyal peut résulter d’un comportement parasitaire, même en l’absence de situation de concurrence » ; CA Toulouse, 5 avr. 2005, no 04/01758 : « La théorie des agissements parasitaires reste applicable lorsque (…) les entreprises concernées ne sont pas en situation de concurrence » ; T. com. Paris, 21 oct. 2019, no 2017004105 : « la circonstance que Canal + ait choisi de renoncer à la diffusion de l’émission « Le Zapping » ne saurait suffire, à elle seule, à exonérer France Télévisions des griefs qui sont formulés à son encontre, le parasitisme pouvant être constitué, même en l’absence de situation de concurrence effective »).

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Sources :

Cour d’appel de Paris, pôle 5 – Ch. 2, arrêt du 16 décembre 2022 /Sarl Léa / Sarl Art et Pub (https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-2-arret-du-16-decembre-2022/)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 16-23.694, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-18.669, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2012, 11-19.373, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 janvier 2022, 19-23.701, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 avril 2009, 07-17.529, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 décembre 2012, 11-24.798, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 février 2022, 20-13.542, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 juin 2015, 14-11.242, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
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