Responsabilités du fait des liens

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Avec l’arrivée du web 2.0 une nouvelle possibilité s’est ouverte par le biais des liens hypertextes. Ceux-ci permettent de créer un lien d’un site vers un autre, d’un contenu vers un autre contenu, c’est alors un outil qui apparait aujourd’hui indispensable pour naviguer sur le net. Mais le problème c’est que ces liens peuvent permettre de s’approprier le travail d’autrui. En mettant en place un lien hypertexte, est-il possible d’engager sa responsabilité ?

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

I. LES PROBLEMES SOULEVES PAR LES LIENS

La nétiquette conseille d’avertir le propriétaire du site qu’on aimerait lier à son site. C’est une règle qui est un peu tombée en désuétude. Le propriétaire du site référencé voit sa notoriété augmenter au fil des liens . Mais il faut qu’il puisse être identifié !! En effet, les liens peuvent aussi servir à s’approprier le travail d’autrui. Il y a différentes façons de créer des liens d’un site vers un autre qui peuvent s’apparenter à de la contrefaçon .

A) le framing

Cette méthode permet d’afficher n’importe quel document disponible sur Internet dans l’une des fenêtres de sa page personnelle. Cette technique substitue donc l’adresse du site principal à celle du site lié, dans la barre du navigateur.

Les oeuvres n’ont pas été à proprement parlé reproduites, elle sont été simplement appelé par un code informatique. Néanmoins, l’auteur du site lié peut rappeler que selon l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, le simple fait de « représenter « des oeuvres sans le consentement de l’auteur est répréhensible.

B) liens hors-contexte

Les auteurs de sites font souvent de liens vers des sites qui eux font de la contrefaçon.Y a- t- il alors délit de contrefaçon ? Non, même s’ il y a passage dans la mémoire cache de l’ordinateur.


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Si le lien pointe vers une page secondaire du site, il peut y avoir atteinte à l’intégrité du site et donc contrefaçon.

Si des liens sont fait vers un site d’une grande marque, il peut aussi y avoir contrefaçon. Ainsi si un site d’un petit fabriquant de vêtement pointe vers le site de Channel, ce lien pourrait constituer une contrefaçon par utilisation et usage parasitaire.. Ce ne serait pas le cas d’un lien vers le site de Channel partant d’un site sur les différentes tendances de la mode.

Le tribunal de Commerce de Paris s’est prononcé le 26 décembre 2000 sur le deep-linking et a décidé qu’il constituait un  agissement déloyal et parasitaire condamnable sur le fondement de l’article 1382 du Code civil français.

Des liens hypertexte peuvent aussi faire l’objet de dénigrement si ces liens vers un site concurrent sont accompagnés de commentaires désobligeants.

Ce type de liens pourrait été considéré comme de la concurrence déloyale par dénigrement.

Les liens vers des sites d’entreprises concurrentes peuvent être considéré comme de la publicité comparative illicite .

C) liens hors la loi

Si vous placez des liens de votre site vers un site révisionniste ou à connotation pédophile êtes vous coupable de cette infraction par complicité ?

En fait, s’il s’agit d’un lien direct, l’infraction est constituée et le code pénal français pourrait s’appliquer.

S’il s’agit de liens indirects, il n’y a pas de responsabilité pénale, sauf à prouver que l’auteur des liens avait connaissance du fait que les liens de son site renvoyaient indirectement à de sites illicites .(Un lien indirect est une succession de liens pointant de sites en sites .)

Il vaut donc toujours mieux avoir un accord écrit, même si uniquement par mel, de l’auteur du site vers lequel un lien est crée.

 

II. LES SOLUTIONS FRANCAISES

Les tribunaux français n’ont rendu de décision, pour le moment, que dans des hypothèses de liens vers des sites jugés illégaux :

Le tribunal correctionnel d’Epinal a rendu une décision le 24 octobre 2000 : un site Internet mettait à la disposition des visiteurs des fichiers MP3 en violation des droits d’auteurs. L’auteur du site condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 20.000 € de dommages-intérêts. Le site ne proposait cependant que des liens vers ces sites illicites et n’hébergeait pas les fichiers mp3 eux- mêmes.

Le tribunal correctionnel de Saint-Etienne avait rendu le 6 décembre 1999 le même type de décision.

En outre, la Cour de cassation a rendu, le 01 septembre 2020, aborde la question de la responsabilité pénale de l’auteur d’un lien hypertexte.

La Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel dans lequel elle reproche à celle-ci d’avoir reconnu la culpabilité de l’auteur du lien hypertexte sans examen préalable des modalités et du contexte en vertu desquelles avait été inséré le lien hypertexte qui renvoie au contenu diffamatoire.

Force est de constater, à cet égard, que la Cour tient à accorder aux juges plus de pouvoir d’appréciation souverain s’agissant du contexte inhérent au partage du lien hypertexte en question.

 

III. LES SOLUTIONS ETRANGERES

A) Les questions de propriété intellectuelle

USA l’affaire »Total News« : en utilisant la technique du « framing« , la société Total News profitait du contenu de nombreux sites journalistiques. Les parties ont conclu un accord obligeant Total News à mentionner la source des documents liés .

Pays-Bas : Une société exploitait un site web  » Kranten.com  » sur lequel on trouvait essentiellement une sélection de titre d’articles de journaux.

Un éditeur hollandais de quotidiens , PCM, a saisi la justice, s’estimant lésé par l’activité de deep-linking de  » Kranten.com « . Il invoquait le fait que l’accès aux articles par deep-linking lui était préjudiciable dans la mesure ou les visiteurs ne passaient plus par la page d’accueil . En conséquence, l’espace publicitaire situé sur cette page était moins rentable car la page était moins fréquentée.

Les juges ont conclu le 22 août 2000 à la légalité du deep-linking dans cette hypothèse, en se basant sur une disposition néerlandaise proche de l’exception de revue de presse française.

B) Les cas de liens vers des sites jugés illicites

Belgique : Le tribunal de commerce de Bruxelles a condamné, le 2 novembre 1999, un hébergeur à retirer de ses serveurs des liens hypertextes placés sur certaines pages hébergées au motif qu’ils renvoyaient vers des fichiers illégaux (MP3).

Belgique : Le tribunal de première instance d’Anvers a condamné, le 21 décembre 1999, le propriétaire d’un site qui comprenait plus de 25.000 liens vers des fichiers MP3 illégaux, sur la base de l’article 1382 du code civil belge qui est le même que celui du code civil français.

Allemagne : Une décision du 12 mai 1998 d’un tribunal de Hambourg a retenu la responsabilité délictuelle d’une personne qui avait établi une compilation de liens hypertextes vers des informations en ligne portant atteinte à l’honneur d’une autre personne.

Etats-Unis : Dans l’affaire  » Ticketmaster Corp. v. Tickets.com « , la federal district court de Los Angeles a considéré, le 27 mars 2000, qu’un lien hypertexte ne pouvait pas en tant que tel violer le droit d’auteur d’autrui. Dans ce cas ce lien serait assimilable à une référence bibliographique indiquant uniquement le lieu de l’œuvre recherchée.

Etats-Unis : Dans des affaires où des sites offrait des liens vers un programme permettant de décrypter les protections des DVD, des solutions contradictoires ont été rendues en fonction des états : la cour supérieure de Californie a refusé, le 20 janvier 2000, d’interdire ces liens, et la cour du district sud de New-York a interdit ces liens le 17 août 2000, en se basant sur le Digital Millennium Copyright Act de 1998.

Canada : La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Crookes v Newton de 201, avait statué qu’un lien hypertexte qui renvoie vers un site, dans lequel un contenu protégé a été légalement partagé, n’est pas une reproduction en soi et par conséquent ne porte pas atteinte aux droits d’auteur. Elle rajoute également qu’un hyperlien en soi ne constitue pas une publication de matériel diffamatoire, et que la poursuite en diffamation de Crookes devrait être rejetée parce que les hyperliens sur le site Web de Newton vers d’autres contenus prétendument diffamatoires n’étaient pas une « publication » de matériel diffamatoire.

CONCLUSION On observe que dans l’ensemble, les solutions françaises et étrangères sont relativement cohérentes, les Etats-Unis se situant un peu à part notamment car ils ne reconnaissent pas en tant que tel le droit d’auteur.

Mais les décisions semblent toutes aller vers une responsabilité de l’auteur du lien, que ce soit un lien vers un site illégal ou bien un lien vers des pages en violation du droit d’auteur.

Ces techniques peuvent être contournée néanmoins sans difficulté aucune par la cible , tout au moins en ce qui concerne celui qui subit le framing : il suffit de rajouter les lignes suivantes de code dans le corps de la page htm, après la balise Body :

SCRIPT LANGUAGE= »JavaScript » if (top.frames.length!=0) {top.location=self.document.location;} /SCRIPT(en refermant bien les parenthèses des balises)

Sources :
crim., 1er septembre 2020, n°19-84.505
https://digitalcommons.wcl.american.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1107&context=ipbrief

https://globalfreedomofexpression.columbia.edu/cases/crookes-v-newton/

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