La reconnaissance d’un droit au sample

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Le  » sampling  » consiste en l’utilisation d’un extrait musical d’une première oeuvre pour créer une seconde oeuvre. Si dans un premier temps, le droit a cherché à protéger la propriété des auteurs sur leurs oeuvres, les juridictions ont tendance aujourd’hui à reconnaitre un droit au  » sample « .

Une nouvelle méthode de création musicale est appelée  » sampling « , ou  » échantillonnage  » en français. Elle consiste à intégrer un court l’échantillon d’une première oeuvre musicale dans une seconde.

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Défini également par la CJUE, le « sampling », est « la technique de l’« échantillonnage », qui consiste, pour un utilisateur, à prélever, le plus souvent à l’aide d’équipements électroniques, un échantillon d’un phonogramme, et à l’utiliser aux fins de la création d’une nouvelle œuvre ».

Souvent, les artistes empruntent l’extrait sans demander à l’auteur, et sont alors susceptibles d’être attaqués sur le fondement du droit d’auteur.

C’est le cas de Michael Jackson qui en 2008 se fit attaquer par Manu Dibango devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir  » samplé  » une de ses chansons sans son autorisation.

La musique populaire actuelle utilise de plus en plus le  » sample « , c’est pourquoi s’est greffé au débat juridique une véritable composante économique et culturelle.

La doctrine, elle, se demande même si le  » sample  » est une oeuvre musicale à part entière ou non. Les enjeux sont importants. En effet, si le  » sample  » revêt la qualification d’oeuvre musicale, il pourra prétendre à la protection du droit d’auteur. Sinon, sa protection sera plus faible.

Le droit français n’emploie pas le mot  » sample « , mais certains textes ont permis de l’appréhender malgré tout.


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C’est pourquoi dans un premier temps, le  » sample  » a été considéré comme contrefaisant (I.). L’enjeu économique et culturel du  » sample » a néanmoins participé à modifier le droit applicable au  » sample « , jusqu’à des hypothèses de reconnaissance d’un droit au  » sample  » (II.).

 

I. Le rejet du droit au  » sample « 

 A. La doctrine française classique

La doctrine française classique a tendance a vouloir protéger au maximum le droit de propriété de l’auteur. Ainsi, il rejette le droit au  » sample  » de deux manières.

La première est celle du droit de citation (www.murielle-cahen.com/publications/page2160.asp). L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle le décrit comme une exception au droit d’auteur. Il dispose aussi que cette citation doit être courte, et justifiée  » par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées « . Enfin, doivent être  » indiqués clairement le nom de l’auteur et la source « .

Le  » sample  » étant un extrait, il pourrait être compris comme une citation musicale. C’est par exemple ce qu’avait fait valoir la radio NRJ dans l’affaire SCPPF et UPPFI c/ Chérie FM et NRJ, que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris avait tranché le 15 mai 2002.

Cependant, le  » sample  » tel qu’on l’entend dans cet article ne saurait répondre à la qualification de citation, dans la mesure où il ne remplit pas le critère de l’information.

En plus de la citation, la doctrine considère que le  » sample  » peut dénaturer l’oeuvre originelle et ainsi porter préjudice au droit moral de l’auteur sur son oeuvre. Dans ce droit moral, on trouve le droit au respect de l’oeuvre . L’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que  » L’auteur jouit du droit au respect (…) de son oeuvre « .

Ainsi, au même titre que les ayants droit d’Hergé avaient fait cesser une représentation d’un Tintin drogué et bisexuel, on peut très bien imaginer que les ayants droit d’Edith Piaf ne veuillent pas être associés à une chanson insultant les forces de l’ordre.

Le TGI de Paris avait notamment disposé que  » la superposition d’un bruitage à l’interprétation d’un chef d’orchestre peut, dans certaines circonstances, porter atteinte au droit au respect de cette interprétation  » le 10 janvier 1990, au sujet d’un remix.

 B. La jurisprudence américaine

Les Etats-Unis donnent une importance toute particulière au droit de propriété privée, si bien que leur Constitution la protège dans deux amendements : le Vème et le XIVème. Ainsi, dès lors que l’oeuvre est devenue une propriété, c’est à dire qu’elle a été déposée et enregistrée au Copyright Office, elle bénéficiera d’une protection étendue.

Ainsi, dans l’affaire Grand Upright Music Ltd c. Warner Bros. Records Inc. jugée en 1991 par la District Court de New-York, la Cour avait retenu que  » le  » sampling  » non-autorisé peut-être qualifié de contrefaçon « .

En effet, l’auteur à l’origine du  » sample  » a bien un droit de propriété sur l’oeuvre musicale dont est issu le  » sample « , et donc a fortiori sur le  » sample  » lui-même. Il convient donc, comme pour toute autre utilisation d’une oeuvre, de demander l’autorisation de son propriétaire, d’autant plus quand elle utilisée dans un but lucratif.

Le droit français requiert lui aussi de demander une autorisation à l’auteur pour utiliser publiquement son oeuvre, qu’elle soit musicale, dramatique ou littéraire. C’est d’ailleurs sur ce fondement que Manu Dibango avait attaqué Michael Jackson dans l’affaire citée en introduction.

II. Vers la reconnaissance d’un droit au sample

 A. La reconnaissance en droit interne

Si on vient de voir la position américaine des années 90, une décision récente a semble t-il changé la donne.

Le 2 juin 2016, dans une décision concernant la chanteuse Madonna, le juge américain a utilisé le critère du  » grand public  » pour déterminer si l’auteur originel avait le droit a des royalties. Ce critère se base sur la capacité du grand public à discerner l’origine du  » sample « . S’il ne le peut pas, l’auteur originel n’aura aucun droit sur la nouvelle oeuvre.

Le juge américain a semble t-il voulu favoriser la création face à la propriété par cette décision, et permet une avancée certaine vers la reconnaissance d’un droit au  » sample « .

Cette solution pourrait s’appliquer en droit français. L’article L.511-4 du Code de la propriété intellectuelle, s’il concerne les  » dessins et modèles « , utilise le critère de l’  » observateur averti  » pour déterminer l’originalité ou la banalité d’un dessin ou modèle.
Par analogie, ce critère de  » l’observateur averti  » pourrait être appliqué au droit des oeuvres musicales, et notamment au droit du  » sample « .

D’ailleurs, le TGI de Paris avait rendu le 5 juillet 2000 un arrêt dans lequel ils ont utilisé le  critère du  » caractère reconnaissable de l’emprunt par un auditeur moyen  » pour déterminer si un sample était ou non constitutif d’une contrefaçon.

De surcroît, les juges de cassation se sont prononcés également, dans un arrêt du 15 mai 2015, portant sur les œuvres composites. Il est à noter que cette décision sera applicable également au droit au sample. Il s’agissait, dans cette affaire, de l’incorporation par un peintre d’une photographie en tant qu’œuvre première dans son tableau constituant la seconde œuvre. Le photographe saisit le juge en justice pour réparation de son préjudice en se prévalant de ses droits d’auteur, et considérant qu’il s’agissait d’une contrefaçon.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui donnait raison au photographe en considérant qu’il s’agit d’une violation de son droit de propriété. En effet, les juges ont tranché en faveur du peintre qui se prévalait de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme traitant de la liberté d’expression et englobant la liberté de création artistique. Ainsi, il est notable que les juridictions françaises ont tendance à privilégier la liberté d’expression sur les droits d’auteur. (1)

 B. Vers une reconnaissance européenne ?

Enfin, on peut se demander si le droit au  » sample  » ne pourrait pas être reconnu au niveau européen, notamment en utilisant la qualification d’  » oeuvre composite « .

La cour de cassation avait, le 15 mai 2015, rendu un arrêt concernant l’incorporation par un peintre d’une photographie dans son tableau. Le photographe avait alors attaqué le peintre en se prévalant de son droit d’auteur et en estimant que le peintre avait commis une contrefaçon. La Cour d’appel lui avait donné raison.

Le peintre se prévalait de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression, et la Cour de cassation lui a donné raison.

En effet, on considère que fait partie de la liberté d’expression , la liberté de création. Ainsi, comme la Cour d’Appel des Etats-Unis dans l’affaire concernant Madonna, la Cour de cassation utilise la technique de la  » balance des intérêts  » qui consiste à rechercher quel droit mérite le plus d’être protégé : le droit d’auteur, ou la liberté de création ?

Cette solution est applicable au droit du  » sample « , qui peuvent être considérées comme des oeuvres composites dans le sens où elles sont un emprunt à une oeuvre préexistante.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 29 juillet 2019, sur la licéité du « sampling » dans une affaire portant sur les droits des producteurs d’un phonogramme. Un groupe de musique électronique allemand nommée Kraftwerk reprochait à la société Pelham le recours au sampling afin de copier deux secondes d’une séquence rythmique prélevée sur l’un de leurs phonogrammes, et ce, pour l’intégrer dans leur titre.

D’abord, La CJUE a réaffirmé que, en vertu de l’article 2 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la reprise par un utilisateur d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme, et ce, sans l’autorisation du titulaire des droits concernés, constitue effectivement une reproduction partielle de ce phonogramme.

La CJUE a rajouté, toutefois, qu’il ne s’agissait pas d’une « reproduction » du moment que l’échantillon sonore prélevé sur un phonogramme afin de l’intégrer dans un autre phonogramme est sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute. Force est de constater que cette position jurisprudentielle européenne est en parfaite concordance avec la jurisprudence française en droit interne en la matière (TGI Paris, 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mathe). (2)

Ainsi, les juridictions européennes ont une tendance actuelle à privilégier la liberté d’expression au droit d’auteur. On peut donc s’attendre à une reconnaissance plus formelle du droit au sample dans un futur proche.

Pour l’article en version plus complète, cliquez sur ce lien sur le droit au sample

Sources :

– http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2009/06/article_0007.html
– http://www.datasecuritybreach.fr/droit-sample-sampling-madonna/#axzz4AuRYlpVR
–  » Propriété Littéraire et Artistique « , Pierre-Yves Gautier, PUF
– C.Cass, Civ. 1er, 15 mai 2015, , n° 13-27.391 ; https://www.dalloz-actualite.fr/flash/droit-d-auteur-recherche-du-juste-equilibre-entre-monopoles#.YiJGSy3pO8V
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=008F49034EE10EE7234E1D0220120009?text=&docid=216552&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=14184794

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