Balises et droit des marques

Print Friendly, PDF & Email

Le droit des marques est une branche importante du droit de la propriété intellectuelle. Le dépôt d’une marque assure à son propriétaire la possibilité de se défendre contre l’usage sans autorisation de celle-ci par un concurrent. Cette protection accordée par le droit français a une durée de 10 ans, contre 20 ans pour les brevets. La contrefaçon de marque est donc sanctionnée par notre droit.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Le référencement désigne l’ensemble des actions visant à optimiser l’enregistrement d’un site web dans les moteurs de recherche, dans le but d’en accroître la visibilité. On distingue le référencement naturel du référencement payant. Le référencement naturel (référencement gratuit, ou SEO pour Search Engine Optimization) consiste à faire figurer un site web dans les moteurs de recherche en choisissant des mots clés stratégiques en rapport avec son domaine d’activité, et ce afin de le rendre visible. Le référencement commercial (ou référencement payant) consiste en l’achat aux enchères de mots clés sur un ou plusieurs réseaux de diffusion .

L’utilisation d’une marque concurrente par une entreprise dans ses balises est-elle constitutive de contrefaçon ? C’est la problématique mise en avant par l’affaire Décathlon contre Inuka, concernant laquelle un jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon a été rendu le 17 janvier 2017. Par ce jugement, l’entreprise Décathlon a été condamnée pour contrefaçon de la marque Inuka en raison de l’utilisation de cette marque à trois reprises : dans la balise titre, dans la balise description et sur son site web.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez nous en cliquant sur le lien


I – Le risque de confusion sur l’origine des produits, une condition de la contrefaçon

Dans le cadre du référencement naturel, les moteurs de recherche (ou hébergeurs) remplissent un rôle neutre et ne contrôlent donc pas les sites référencés dans les résultats naturels des recherches. En conséquence, ils sont soumis à un régime de responsabilité atténuée . Le cybervendeur, en revanche, est responsable du choix des mots clés qu’il effectue et qu’il utilise dans ses balises.

La contrefaçon  est une pratique anticoncurrentielle, en violation d’un droit de propriété intellectuelle, et une tromperie du consommateur. La condition de risque de confusion est prévue par la loi à l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Un arrêt du 27 juin 2018 est venu préciser que ce risque de confusion devait s’apprécier en fonction, non pas au vu des différences entre les signes, mais au vu du consommateur d’attention moyenne, et de la confusion créée chez lui. L’importance du consommateur moyen a été reprise dans un arrêt du 27 mars 2019 qui dispose que le risque de confusion s’apprécie de manière globale, en fonction du contenu de l’enregistrement de la marque et par rapport au consommateur visé lors de l’enregistrement de la marque et non pas en fonction des conditions d’exploitation de la marque.

Dans l’affaire Décathlon, il s’agit bien du référencement naturel. Le cybervendeur utilisait la marque d’un concurrent dans ses balises. Ainsi, lorsqu’un internaute effectuait une recherche concernant les produits de la marque  » Inuka « , le site du cybervendeur Décathlon apparaissait en 5e position des résultats de la recherche. L’internaute pouvait alors croire que ce cybervendeur allait lui proposer à la vente des produits de la marque Inuka. En réalité, le lien emmenait vers une page ne proposant pas de produits de la marque Inuka.

L’article L713-2 du CPI vise les hypothèses de contrefaçon en cas de double identité, à savoir la reproduction ou l’usage, sans autorisation du titulaire, d’un signe identique à la marque antérieure en vue de désigner des produits ou services à ceux identifiés par celle-ci. Dans l’affaire Décathlon, le Tribunal de Grande Instance de Lyon relève que le cybervendeur utilise le mot-clé  » Inuka achat  » alors qu’il propose à la vente des vêtements et chaussures de randonnée, comme le fait la marque Inuka. Ainsi, la marque Inuka est associée à des produits de même type que ceux pour lesquels elle a été enregistrée.

Cet usage de la marque d’un concurrent par le cybervendeur dans ses balises laissait croire à tort, au client potentiel, qu’il existe un lien économique entre les deux entreprises. Cet usage créait un risque de confusion sur l’origine des produits. Ainsi, l’article L713-2 du CPI est bien applicable. Mais l’usage est-il de nature à permettre à la marque d’exercer son droit exclusif ? Autrement dit, s’agissait-il d’un usage de la marque dans la vie des affaires ?

II – L’usage de la marque dans la vie des affaires, une condition de la contrefaçon

L’usage de la marque dans la vie des affaires est une condition nécessaire de la caractérisation de la contrefaçon dégagée par la jurisprudence. En effet, cette condition n’est pas prévue par l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle. Elle n’est pas non plus prévue par l’article 5-1 de la directive européenne 2008/95 du 22 octobre 2008, à la lumière de laquelle le texte français doit être interprété.

C’est donc d’abord la Cour d’appel de Paris qui a dégagé cette condition comme nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon et en a précisé les contours. La Cour de cassation a confirmé les solutions dégagées par la Cour d’appel dans un arrêt du 10 mai 2011. La notion d’usage dans la vie des affaires est donc un usage qui tend à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique. C’est la fonction économique de la marque qui est protégée par la contrefaçon et cette fonction économique est à l’origine de la condition d’usage dans la vie des affaires.

La jurisprudence antérieure avait déjà précisé que l’usage d’un signe à titre de meta tag  ne constitue pas un acte de contrefaçon. En effet, le meta tag étant une information non visible par l’internaute et qui permet aux moteurs de recherche de référencer une page web dans leurs bases de données, il ne peut s’agir d’un usage dans la vie des affaires. Dans l’affaire Décathlon, le cybervendeur utilisait la marque de son concurrent à titre de meta tag non visible par le consommateur. Mais il utilisait également cette marque concurrente dans ses balises visibles par l’internaute : dans la balise titre et dans la balise description. Cet usage visait à orienter son comportement économique. L’objectif recherché par le cybervendeur était alors de capter une partie de la clientèle de la marque concurrente. La clientèle d’une entreprise ayant une valeur marchande, il s’agit bien d’un usage qui vise l’obtention d’un avantage de nature économique.

Cette jurisprudence de 2017 va être confirmée dans une décision du 3 mars 2020, quand la Cour d’appel de Paris a été saisie par une société titulaire de la marque « Aquarelle », agissant contre une autre société ayant réservé auprès de Google Adwords le mot-clé « Aquarelle ». Vu que les deux sociétés proposent des produits identiques et que la marque était utilisée en tant que mot-clé afin d’attirer une clientèle, la condition d’usage dans la vie des affaires a bien été remplie.

Malgré un refus de la cour de caractériser la contrefaçon sur le terrain de la campagne de référencement payant de Google Adwords, elle a tout de même retenu la contrefaçon en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen. La Cour d’appel retient que l’utilisateur pouvait être amené à penser que les produits visés par l’annonce provenaient « de la société Aquarelle, titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à elle », et ne provenait donc pas d’un tiers à la marque.

Contrairement à l’affaire Décathlon, le référencement en l’espèce n’était pas invisible pour le consommateur, il s’agissait d’un référencement payant, justifiant la décision de la Cour d’appel, qui retient une atteinte au droit du titulaire de la marque.

En conclusion, l’usage d’une marque comme meta tag, invisible par l’internaute mais utile pour le référencement naturel, ne porte pas en soi atteinte au droit du titulaire de la marque, sauf lorsque cette marque est reprise de manière visible dans la balise titre ou dans la balise description.

Pour lire une version plus complète de l’article balise et droit des marques , cliquez ici

Sources :
– http://www.village-justice.com/articles/contrefacon-marque-usage-affaires,10514.html
– http://www.cairn.info/revue-legicom-2010-1-p-107.htm
– https://www.legalis.net/actualite/decathlon-contrefacteur-de-la-marque-inuka-dans-ses-balises/
– Dalloz IP/IT 2017 p.176, Affaire Decathlon
– Com., 27 mars 2019, 17-31.605
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426839
– Com., 27 juin 2018, 17-13.390, Inédit
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT00003719661
– CA Paris, 3 mars 2020 n° 18-09051

Cet article a été rédigé pour offrir des informations utiles, des conseils juridiques pour une utilisation personnelle, ou professionnelle. Il est mis à jour régulièrement, dans la mesure du possible, les lois évoluant régulièrement. Le cabinet ne peut donc être responsable de toute péremption ou de toute erreur juridique dans les articles du site. Mais chaque cas est unique. Si vous avez une question précise à poser au cabinet d’avocats, dont vous ne trouvez pas la réponse sur le site, vous pouvez nous téléphoner au 01 43 37 75 63.