Vie quotidienne

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LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

Dès lors qu’un employeur décide de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée de son salarié, on parle alors de licenciement. . Néanmoins, il arrive que cette décision puisse être infondée et donner lieu à des dommages et intérêts.

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 La loi du 19 juillet 1928 qui a instauré le licenciement abusif, prévoyait en son article 23, alinéa 6 que « le jugement devra, en tout cas, mentionner expressément le motif allégué par l’auteur de la rupture » du contrat de travail. Ainsi, la Cour de cassation avait interprété ce texte comme énonçant que le licenciement du salarié par l’employeur était licite dès lors que ce dernier le faisait pour le bon fonctionnement de son entreprise.

Anciennement, le salarié devait rapporter la preuve du licenciement abusif. Depuis une loi du 13 juillet 1973, complétée par la loi du 2 août 1989, la position a radicalement changé. Désormais, pour que le licenciement puisse être considéré comme licite, il doit se voir justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse.


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Par conséquent, dès lors que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, alors ce dernier devra être considéré comme irrégulier. Cette évolution a été apportée dans l’intérêt d’une meilleure protection du salarié. Le Code du travail prévoit l’existence d’une cause réelle et sérieuse en son article L.1231-1 du Code du travail.

La sanction pour l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera différente selon les situations. L’ancienneté du salarié ainsi que le nombre de salariés au sein de l’entreprise font varier le montant de l’indemnité à verser. Sur proposition du juge, le salarié pourra réintégrer l’entreprise, néanmoins une des deux parties peut refuser cette réintégration. Le plus souvent la réparation passe par l’octroi d’une indemnité.

Le 24 septembre 2017 est entrée en vigueur l’ordonnance « Macron » n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Ce nouveau texte permet notamment à un salarié en contrat à durée indéterminée de bénéficier d’une indemnité de licenciement au bout de 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

Également, un licenciement pourra avoir lieu en raison d’un motif économique ou encore personnel. Cependant, l’existence d’une cause réelle et sérieuse devra toujours exister.

Par conséquent, les choses ont bien changé, l’employeur doit disposer d’un motif pour rompre un contrat de travail. Cela permet de limiter les licenciements abusifs.

Une cause réelle et sérieuse sera toujours nécessaire pour le licenciement (I) l’appréciation de cette dernière est faite par les juges (II)

 

I. L’exigence d’une cause réelle et sérieuse dans le licenciement

La cause réelle et sérieuse est citée dans plusieurs articles du Code du travail. Toutefois, celui-ci ne définit pas cette notion. Ce qui pose problème, car en cas d’absence de celle-ci le licenciement sera injustifié.

Également, il est prévu dans le Code du travail un entretien préalable au licenciement dans lequel les motifs doivent être exprimés. Par la suite, ils devront apparaître dans la lettre de notification de licenciement, s’ils ne sont pas suffisants à caractériser une cause réelle et sérieuse, alors le licenciement pourra être contesté.

Afin d’obtenir un début de définition, il faut rechercher dans les débats parlementaires occasionnés par l’adoption de la loi du 13 juillet 1973.

A) La cause réelle

Pour que la cause soit réelle, elle doit être : objective, existante et exacte.

  • Une cause objective

Au cours des débats parlementaires, le ministre du Travail avait énoncé que la cause réelle

« si elle présente un caractère d’objectivité, ce qui exclut les préjugés et les convenances personnelles. La cause réelle peut être, par exemple, une faute, une inaptitude professionnelle ou une réorganisation professionnelle ».

Ainsi, l’objectivité de cette cause doit reposer sur des éléments extérieurs vérifiables.

La cause doit donc porter sur des faits précis, qui ne sont pas imaginaires et seulement exister dans l’esprit de l’employeur, elle doit reposer sur des faits concrets. La chambre sociale de la Cour de cassation a énoncé dans un arrêt rendu le 29 novembre 1990 « qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne doit être fondé sur des éléments objectifs ; que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement ».

La chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer cette jurisprudence (Soc., 16 juin 1993) et de la préciser (Soc., 29 mai 2001). Ce dernier arrêt énonce que « la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs ; et que seuls ces éléments objectifs peuvent le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur ».

Enfin, le licenciement ne doit pas être discriminatoire, comme le rappelle l’article L.1132-1 du Code du travail. Les causes de discriminations sont nombreuses : à cause de son âge, d’une discrimination raciale, ethnique, religieuse, politique, en raison de l’orientation sexuelle, de l’exercice du droit de grève, d’une activité syndicale …

  • Une cause existante et exacte

Il a notamment été précisé que la cause réelle devait s’entendre comme existante et exacte. Les faits qui ont causé le licenciement doivent avoir véritablement existé et être la cause exacte du licenciement.

Auparavant, l’employeur pouvait invoquer une insuffisance professionnelle sans avoir réellement à la prouver (1973). Aujourd’hui cela n’est plus admis plus (Soc., 5 février 2002) ; les faits allégués doivent pouvoir être constatés et vérifiables (Soc., 17 janvier 2001).

L’absence de précision dans les motifs équivaut depuis la jurisprudence Janousek de 1976, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc., 29 novembre et 18 avril 1991 ; Ass. Plén., 27 novembre 1998).

Pour préparer sa défense au fond, le salarié doit avoir connaissance des faits précis ayant amené au licenciement.

Il convient tout de même de préciser que désormais le salarié doit avoir demandé dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre de notification, des précisions quant aux motifs de licenciement, sans cette demande, il ne pourra se prévaloir de licenciement abusif pour motif insuffisant.

Enfin, les faits doivent être exacts et à l’origine du licenciement. Même si le motif apparent est réel, c’est-à-dire qu’il existe (insubordination, négligences, insuffisance de travail…), mais qu’il ne constitue pas le motif exact – qui est dissimulé – (participation à une grève, activités syndicales…), le licenciement n’aura pas de cause réelle et sérieuse (Soc., 28 avril 1994).

  • La cause sérieuse

Toujours dans les débats parlementaires de 1973 à l’Assemblée nationale, le ministre du Travail énonçait qu’une « cause sérieuse est une cause revêtant une certaine gravité, qui rend impossible sans dommages pour l’entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement ».

Par conséquent la cause sérieuse pourra résulter de : Faits, fautifs ou non, inhérents au salarié et liés à son activité professionnelle: La faute du salarié doit être sérieuse, c’est-à-dire présenter une certaine gravité. Un licenciement ne pourra plus être justifié par une faute légère (arriver quelquefois en retard à son travail : Soc., 1er déc. 1976).

Il convient également d’opérer une distinction entre la faute sérieuse et la faute grave. La faute grave fera perdre l’indemnité de licenciement et de préavis.  (Soc., 10 juin 1976 ; Soc., 20 juillet 1987).

Également, une cause réelle et sérieuse pourra exister alors même que le salarié n’a pas commis de faute. L’arrêt de principe nommé « Ronssard » rendu le 22 janvier 1992 précise que la cause ne doit pas porter sur un fait de la vie privée du salarié. Cependant, il y a des exceptions. À titre d’exemple, dès lors que cela cause un trouble caractérisé dans l’entreprise alors le licenciement en raison d’un fait de la vie personnelle pourra être retenu.  (Cour de cassation le 14 septembre 2010, Soc, n° 09-65.675).

Le juge a notamment considéré comme causes réelle et sérieuse de licenciement : licenciement : l’absence pour maladie (Soc., 31 octobre 1989), l’inaptitude au travail pour lequel la personne a été embauchée (Soc., 25 février 1985), le refus d’une mutation justifiée par l’intérêt du service (Soc., 14 mai 1987), l’insuffisance de résultats fautive ou non (Soc., 3 et 11 juillet 2001) expressément imputable au salarié.

B) Circonstances économiques

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 décembre 2000, cette dernière a estimé qu’il y avait bien une cause réelle et sérieuse lorsque le licenciement intervenait si « la réorganisation de l’entreprise est impérative pour la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. L’importance du chiffre d’affaires et les objectifs de la société ne signifient pas que la société est dite en « bonne santé ».

C’est alors au juge du fond d’interpréter le caractère sérieux lié à «  la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient »

Cependant, comme on a pu le voir, il n’existe pas de définition claire et précise de la cause réelle et sérieuse dans le licenciement. Le juge doit donc apprécier les situations au cas par cas. C’est ce dernier qui estimera ou non la nécessité de sanctionner l’employeur

II. Le contrôle de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas venue apporter une définition claire de la notion. Elle vient simplement qualifier les faits, et ce, au cas par cas. La Cour de cassation opérait même un contrôle disproportionné, car rappelons-le ; la Cour de cassation ne s’occupe, en principe, que des questions de droit et non de fait, comme l’a réaffirmée la loi du 25 juin 2001.

Elle est donc venue restreindre son contrôle en précisant que « le juge du fond, par une décision motivée, n’a fait qu’user des pouvoirs qu’il tient de l’article L122-14 du Code du travail (ancien) en décidant que le licenciement procédait d’une cause répondant aux exigences de ce texte ». (Soc., 10 décembre et 12 décembre 1985)

Par la suite, la Cour de cassation s’est limitée à un contrôle de motivation des juges du fond : « en l’état de ces énonciations, la Cour d’appel a décidé, dans l’exercice du pouvoir qu’elle tient de l’article L122-14-3 (ancien) du Code du travail, par une décision motivée que le licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse ».

Cependant, on remarque que la Cour de cassation a parfois réalisé un contrôle large de qualification en dépit de la règle énoncée ci-dessus. Elle est notamment intervenue sur la licéité même de la cause du licenciement.

Le rôle du juge est très important et permet d’apporter des précisions. Les juges du fond apprécient librement le caractère sérieux et réel de la cause.

A) La preuve de la cause réelle et sérieuse dans le licenciement appréciée par le juge

Le caractère réel et sérieux du licenciement sera donc apprécié par le juge. Pour cela, les deux parties devront fournir des preuves comme le prévoit l’article L.1235-1 alinéa 3 du Code du travail. De plus, le juge pourra ordonner toute mesure qu’il estime nécessaire pour éclairer le débat.

La charge de la preuve incombe désormais non pas au salarié, mais à l’employeur. C’est une modification qui a été apportée par la loi de 1973. Néanmoins cela n’était pas vraiment respecté, en effet, dans un arrêt en date du 19 janvier 1977 la chambre sociale de la Cour de cassation avait estimé que L’allégation d’un motif en apparence réel et sérieux suffisait pour permettre à l’employeur de ne pas être condamné pour licenciement abusif.

Ainsi, le risque de la preuve pesait toujours sur le salarié. Depuis une loi du 2 août 1989, celui-ci n’incombe définitivement plus au salarié. L’employeur doit pouvoir prouver la cause réelle et sérieuse. Également l’article L.1235-1 alinéa 4 du Code du travail précise que « si un doute subsiste, il profite au salarié »

L’apparence de la cause réelle et sérieuse n’est donc plus suffisante. Des éléments de preuve apportés par l’employeur doivent corroborer les faits allégués. Dans le cas contraire, le licenciement sera jugé abusif et donc sanctionnable.

Les évolutions sont à l’avantage du salarié.

B) La sanction décidée par le juge en l’absence de cause réelle et sérieuse

L’article L122-14-4 du Code du travail précise que dès lors qu’il y a une absence de cause réelle et sérieuse dans le licenciement, alors l’employeur s’expose à des sanctions.

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit une distinction entre le salarié travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés ou plus. Également, les indemnisations varient en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Également, l’article L.1235-2 du Code du travail prévoit que si la cause est réelle et sérieuse, mais le licenciement est irrégulier : le Code du travail prévoit comme sanction l’obligation d’accomplir la procédure de licenciement, l’allocation d’une indemnité d’1 mois de salaire, la condamnation de l’employeur au remboursement des allocations de chômage.

Les deux sanctions sont prévues en l’absence de cause réelle et sérieuse :

– la réintégration (mesure rarement prise, car il apparaît difficile de réintégrer une entreprise dans laquelle son employeur ne veut plus de soi),

– une indemnité

Les salariés qui ne peuvent bénéficier de l’application de l’article L122-14-4 du Code du travail ont droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi à cause du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 des nombreux changements sont intervenus. Notamment concernant l’indemnité de licenciement, l’ordonnance est venue instaurer le barème Macron. Celui-ci instaure des planchers et des plafonds. Ces plafonds sont prévus à l’article L 1235-3 alinéa 2 du Code du travail. Et diffère selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

Le montant sera donc fixé en fonction de ce barème qui prévoit donc une indemnité minimale et maximale. Toutefois, l’ordonnance permet de cumuler dans la limite des montants maximaux l’indemnité reçue à cause de la rupture du contrat et les indemnités prud’homales. Cependant, ce cumul ne sera possible que dans trois conditions, l’employeur n’a pas respecté les procédures de consultation des représentants du personnel, il ne respecte pas la priorité de réembauche ou si la mise en place d’un comité social et économique fait défaut.

Enfin, l’article L1235-3 prévoit que l’indemnité ne soit pas inférieure aux salaires des six derniers moins, néanmoins pour en bénéficier le juge doit prononcer que le licenciement est nul. Pour que le licenciement soit nul, il doit porter sur : violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, application d’une mesure discriminatoire ou action en justice engagée par le salarié pour condamner une mesure discriminatoire ou contraire à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, dénonciation d’un crime ou d’un délit…

Le Conseil Constitutionnel dans une décision du 7 septembre 2017 a validé le barème Macron.

Cependant, il convient de rappeler que ce dernier n’a pas fait l’unanimité auprès des juridictions. Les conseils des prud’hommes estiment que ce dernier n’est pas applicable conformément à l’article 10 de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail qui imposait le versement d’une «  indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié

Le 17 juillet 2019, la Cour de cassation avait eu l’occasion quant à elle de confirmer l’applicabilité du barème, écarté peu de temps avant par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 22 juin 2019.

Le barème est au cœur de nombreux débats. La Cour de cassation a très récemment eu l’occasion de se prononcer à nouveau en faveur du barème Macron. En effet dans un arrêt rendu le 11 mai 2022, elle a énoncé que le barème Macron n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Elle a également précisé que le juge français ne pouvait écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale. Et finalement, que la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

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CONTRAT DE TRAVAIL ET CLAUSE DE NON-CONCURRENCE

L’employeur qui conclut une rupture conventionnelle homologuée et entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention.

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Lorsqu’il souhaite renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence, l’employeur doit respecter les modalités de forme et de délai prévues par le contrat de travail ou, à défaut, par la convention collective à laquelle celui-ci se réfère . Mais il peut aussi être tenu de respecter d’autres contraintes imposées par la jurisprudence comme l’illustre, une nouvelle fois, l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 26 janvier 2022 et promis à une large publication.

En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail d’un salarié occupant un poste de directeur des ventes devait s’appliquer pendant un an à compter de la rupture effective du contrat de travail. Elle prévoyait par ailleurs la faculté pour l’employeur de renoncer à cette clause par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis ou, en l’absence de préavis, de la notification du licenciement.


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Comme le montre l’espèce, les modalités de renonciation à la clause de non-concurrence ne sont pas toujours adaptées à la rupture conventionnelle homologuée, créée par la loi du 25 juin 2008. La rupture conventionnelle est en effet un mode autonome de rupture du contrat de travail exclusif du licenciement ou de la démission et dont la mise en œuvre n’implique pas l’exécution d’un préavis. D’où la difficulté de leur application dans ce cas.

Par ailleurs, l’arrêt invite à s’interroger sur l’opportunité de conserver des clauses autorisant la renonciation dans un certain délai après la fin du préavis, alors que la jurisprudence interdit de laisser le salarié dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler lorsqu’il quitte l’entreprise.

Le salarié et son employeur ont signé une convention de rupture individuelle le 27 mars 2015, avec date d’effet au 5 mai suivant. Le 11 septembre 2015, en réponse à la demande du salarié de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, son employeur l’a informé qu’il l’avait relevé de son obligation de non-concurrence depuis son départ de l’entreprise.

Pour libérer l’employeur du versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour la période postérieure au 11 septembre 2015, la cour d’appel a considéré qu’il importait peu que les délais de renonciation prévus dans la clause n’aient pas été respectés, puisqu’il n’y avait pas eu, en l’occurrence, de préavis ni de licenciement et qu’il était établi qu’à compter du 11 septembre 2015 le salarié était informé de la volonté de l’employeur de renoncer à la clause. Sa décision est cassée.

Le salarié et son employeur ont signé une convention de rupture individuelle le 27 mars 2015, avec date d’effet au 5 mai suivant. Le 11 septembre 2015, en réponse à la demande du salarié de versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, son employeur l’a informé qu’il l’avait relevé de son obligation de non-concurrence depuis son départ de l’entreprise.

Pour libérer l’employeur du versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour la période postérieure au 11 septembre 2015, la cour d’appel a considéré qu’il importait peu que les délais de renonciation prévus dans la clause n’aient pas été respectés, puisqu’il n’y avait pas eu, en l’occurrence, de préavis ni de licenciement et qu’il était établi qu’à compter du 11 septembre 2015 le salarié était informé de la volonté de l’employeur de renoncer à la clause. Sa décision est cassée.

Rappelons que, lors de la conclusion d’une rupture conventionnelle homologuée, la convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail, celle-ci ne pouvant pas toutefois intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation (Code du travail, article L 1237-13, al. 2). Le contrat ne peut donc pas être rompu avant le lendemain du jour de la notification de l’homologation ou, en cas de silence de l’administration, après que le délai d’instruction de 15 jours ouvrables s’est écoulé (Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008, 3°-B ; CA Rouen 2-10-2012 n° 11-03752).

Le délai fixé par l’article L 1237-13 du Code du travail étant un délai minimum, les parties à la convention de rupture ont la faculté de prévoir une date de rupture de contrat de travail qui leur convienne.

L’employeur qui souhaite se ménager du temps pour réfléchir à l’opportunité de renoncer à la clause de non-concurrence, lorsque les dispositions du contrat de travail ou les stipulations conventionnelles le permettent, pourra convenir avec le salarié d’une date de rupture postérieure au délai laissé à l’administration pour statuer sur la demande d’homologation.

En matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

I. Non-respect des délais

A. Renonciation anticipée

La clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière, est stipulée dans l’intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause au cours de l’exécution de cette convention.

En l’espèce, la clause de non-concurrence donnait à l’entreprise la possibilité de lever l’interdiction de concurrence au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail. L’employeur avait libéré le salarié de son obligation de non-concurrence par lettre du 7 avril et l’avait licencié le 28 juin suivant. La cour d’appel avait validé cette renonciation à la clause. A tort selon la Cour de cassation pour laquelle le délai courait à compter de la rupture du contrat de travail.

Le fait que l’employeur ait manifesté, lors de l’entretien préalable au licenciement, son intention de libérer le salarié de sa clause de non-concurrence est inopérant dans la mesure où cette renonciation n’a pas été confirmée, par écrit, à l’intéressé, dans le délai prescrit par la convention collective (en l’espèce, dans les 8 jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail).

En l’état d’une lettre d’engagement prévoyant que l’employeur pouvait libérer le salarié de la clause de non-concurrence à condition de l’en avertir par écrit dans le délai d’un mois suivant sa démission, la société ne saurait se prévaloir d’une libération faite verbalement lors d’un entretien antérieur au départ de l’intéressé.

En effet, la renonciation alléguée, à un droit qui n’était pas encore né, n’avait pas été confirmé par écrit dans le délai imparti et ne pouvait produire effet.

Sur la validité de la renonciation anticipée à l’application d’une clause de non-concurrence en vertu de l’accord national interprofessionnel des VRP, voir TB-I-34000 s.

B. Renonciation tardive

Une cour d’appel ne saurait débouter un salarié de sa demande de condamnation à l’indemnité compensatrice de non-concurrence alors qu’il résulte des dispositions de la convention collective que l’employeur ne peut décharger le salarié de son obligation de non-concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail et alors que l’employeur avait notifié la libération de l’obligation de non-concurrence plusieurs jours après la notification du licenciement.

Selon l’article 32 de l’annexe IV de la convention collective nationale de l’industrie textile, « l’employeur peut toujours libérer l’intéressé de la clause de non-concurrence inscrite dans son contrat et se décharger en contrepartie de l’indemnité prévue à condition de l’en avertir par écrit, au moment de la notification de la rupture, en cas de licenciement ».

La rupture d’un contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin.

Dès lors que l’employeur pouvait, en application du contrat de travail, renoncer à la clause de non-concurrence à condition d’en informer le salarié au plus tard à la date de la rupture du contrat, la cour d’appel, qui a exactement fixé cette rupture à la date de remise en main propre de la lettre notifiant à l’intéressé la rupture de sa période d’essai, peu important que l’employeur ait différé sa prise d’effet, en a déduit à bon droit que la renonciation au bénéfice de la clause après cette date était tardive.

Dès lors que le contrat de travail stipulait que l’employeur pouvait délier le salarié de la clause de non-concurrence par lettre recommandée dans le mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail, la cour d’appel a exactement décidé que la dénonciation, intervenue par lettre recommandée plus d’un mois après la remise de la lettre de rupture du contrat, avait été tardive, même si le préavis n’était pas expiré.

Le délai prévu pour la dénonciation d’une clause de non-concurrence est un délai de rigueur. En cas de dénonciation tardive, l’employeur reste redevable de la totalité de la contrepartie pécuniaire de la clause et ne saurait limiter l’indemnité à la fraction correspondant au retard.

Si la dispense tardive de l’obligation de non-concurrence ne décharge pas l’employeur de son obligation d’en verser au salarié la contrepartie pécuniaire, celle-ci n’est due que pour la période pendant laquelle il a respecté la clause.

Le salarié n’a pas à justifier d’un préjudice pour prétendre en cas de renonciation tardive à la clause de non-concurrence au versement de l’indemnité compensatrice.

II. Caractère non équivoque

A. Renonciation expresse

La renonciation de l’employeur doit être expresse et ne saurait être déduite des circonstances entourant la rupture. En effet, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer. Ainsi, l’indemnité compensatrice de l’obligation de non-concurrence doit être versée au salarié dès lors que l’employeur n’a pas renoncé expressément à la clause dans le délai imparti par la convention collective.

L’employeur prétendait que la clause de non-concurrence étant dépourvue d’intérêt pour l’entreprise (dans la première espèce, il avait négocié l’embauche du salarié par une entreprise non concurrente, dans la seconde espèce le salarié avait été mis à la retraite), il y avait implicitement renoncé.

L’autorisation donnée « à titre exceptionnel » par l’employeur à son ancien salarié de représenter une entreprise concurrente ne vaut pas renonciation au bénéfice de la clause pour les autres entreprises exerçant la même activité.

La renonciation ne résulte pas du non-versement de l’indemnité de non-concurrence, équivoque dans la mesure où l’intéressé ne l’a pas réclamée, même pendant la période au cours de laquelle il n’était pas encore au service d’une société concurrente.

La lettre de licenciement stipulant que, au terme d’un préavis de 3 mois, les parties seront réciproquement libérées « de tout engagement » n’implique pas une volonté claire et non équivoque de l’employeur de renoncer à se prévaloir d’une clause de non-concurrence.

L’employeur ne saurait faire grief à la cour d’appel de le condamner au paiement d’une indemnité de non-concurrence, dès lors que la formule « libre de tout engagement » apposée sur une lettre adressée au salarié ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de sa part à renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence.

La mention « libre de tout engagement » figurant dans le certificat de travail est insuffisante pour établir que l’employeur a entendu libérer le salarié de son obligation de non-concurrence : voir NA-III-1480 s.

S’agissant de la portée d’une transaction sur les obligations résultant de la clause de non-concurrence, voir NA-III-17600 s.

Une formulation générale dans l’accord de rupture ne vaut pas renonciation.

B. Renonciation dans la lettre de licenciement

La renonciation de l’employeur à la clause de non-concurrence dans la lettre de rupture permet à la salariée de connaître immédiatement l’étendue de sa liberté de travailler et répond ainsi à la finalité de la clause autorisant l’employeur à libérer le salarié de son obligation.

L’employeur délie valablement le salarié de l’obligation de non-concurrence dans la lettre de licenciement envoyée en recommandé dès lors que le contrat de travail ne lui fait pas obligation de renoncer à la clause de non-concurrence par une lettre distincte de la lettre de licenciement.

En l’espèce, le contrat de travail prévoyait que l’employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence par une lettre recommandée envoyée dans les 15 jours suivant la notification du licenciement.

Ayant relevé qu’en raison de la nullité du licenciement, l’employeur ne pouvait se prévaloir des termes de la lettre de licenciement informant le salarié qu’il était libéré de la clause de non-concurrence et qu’à la suite de la rupture ultérieure du contrat de travail de son fait, il n’avait pas libéré le salarié de cette clause, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de le condamner à payer une somme à titre de contrepartie financière de cette clause.

La renonciation de l’employeur à se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue dans un contrat de travail doit résulter d’une manifestation de volonté claire et non équivoque.

La seule mention dans le plan de sauvegarde de l’emploi de l’intention de l’employeur de lever systématiquement l’obligation de non-concurrence des salariés licenciés ne constitue pas, à l’égard de ces derniers, une telle manifestation claire et non équivoque.

Le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant notamment que la clause de non-concurrence serait systématiquement levée afin de faciliter la recherche d’emploi des salariés licenciés, le chef d’entreprise estimait que cette intention inconditionnelle exprimée devant les représentants du personnel se suffisait à elle-même, sans qu’il ait à la réitérer individuellement. Mais la Cour de cassation lui impose de porter sa décision clairement à la connaissance de chacun des salariés pour qu’il n’existe aucune équivoque sur ses intentions.

Faute de l’avoir notifié individuellement aux salariés intéressés, l’employeur ne peut se prévaloir à leur encontre de son engagement pris dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi de renoncer à faire application des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail des salariés licenciés.

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Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045097537?init=true&page=1&query=20-15.755&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007511958?init=true&page=1&query=06-40.293+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030270830?init=true&page=1&query=13-23.880+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030353273?init=true&page=1&query=13-22.257+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007022923?init=true&page=1&query=86-41.452+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007028167?init=true&page=1&query=90-43.452+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007415904?init=true&page=1&query=98-42.290+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021168401?init=true&page=1&query=08-44.052+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023576793?init=true&page=1&query=09-43.170+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007014245?init=true&page=1&query=82-41.114+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052187?init=true&page=1&query=02-46.795+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007021480?init=true&page=1&query=85-43.261+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007022238?init=true&page=1&query=86-41.668+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007003199?init=true&page=1&query=78-40.150+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007290943?init=true&page=1&query=92-42.895+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024179711?init=true&page=1&query=10-12.736+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038137180?init=true&page=1&query=17-27.188&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027367834?init=true&page=1&query=11-26.007+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025474917?init=true&page=1&query=10-17.712+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021791830?init=true&page=1&query=08-45.105+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019537028?init=true&page=1&query=07-41.649+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021194954?init=true&page=1&query=08-40.828+&searchField=ALL&tab_selection=all

LE POUVOIR DISCIPLINAIRE DE L’EMPLOYEUR

L’employeur, non seulement il assure la gestion de l’entreprise, mais aussi celle des salariés. Ainsi, il dispose d’un réel pouvoir disciplinaire réglementé par le Code du travail depuis la loi du 4 août 1982. Toutefois, l’employeur use de son pouvoir disciplinaire tout en respectant certaines conditions et/ou garanties préservant, notamment, les libertés et droits fondamentaux des salariés.

Dès lors que l’employeur remarque une faute disciplinaire de la part d’un salarié, il peut entamer une procédure disciplinaire. Cette faute doit être suffisamment importante pour provoquer une réaction patronale sous forme de sanction. Nous nous posons alors la question de savoir qu’est-ce qu’implique véritablement le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

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Notons que le pouvoir disciplinaire est une prérogative de l’employeur (1) réglementée pour protéger les salariés (2) et contrôlée par le juge afin de sanctionner les abus éventuels (3)

I. Une prérogative de l’employeur

A) L’exigence d’une faute du salarié

L’employeur peut décider de prendre une sanction disciplinaire dès lors que le salarié commet une faute. La faute disciplinaire peut se définir comme le manquement par le salarié aux obligations qui découlent pour lui du contrat de travail. Elle peut être caractérisée en cas de refus du salarié d’accomplir son travail ou d’absences non justifiées du lieu de travail. Elle doit donc être distinguée des faits qui relèvent en principe de la vie personnelle du salarié, d’une simple insuffisance professionnelle, d’une mesure destinée à assurer la sécurité au sein de l’entreprise et au profit des clients, ainsi que du refus exprimé par le salarié contre la modification de son contrat de travail. Il ne sera pas fautif, non plus lorsque le salarié exerce un droit de grève, droit d’expression, une activité syndicale, etc.


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Relève incontestablement du droit disciplinaire tout manquement :

  • aux règles de discipline et d’organisation collective du travail énoncées dans le règlement intérieur (respect des horaires, des consignes d’hygiène et de sécurité, justification des absences…) ainsi qu’aux obligations qui découlent du lien de subordination et de l’appartenance du salarié à une communauté de travail (respect des directives et instructions de l’employeur, devoir de correction…) ;
  • à l’obligation générale de loyauté qui interdit au salarié de se livrer à des agissements moralement et/ou pénalement répréhensibles (notamment obligation de fidélité, de discrétion et de réserve).

S’agissant de l’exécution défectueuse de la prestation de travail, il n’y aura faute susceptible d’être sanctionnée sur le terrain disciplinaire que si l’exécution défectueuse est due à l’abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise volonté délibérée (1).

Par ailleurs, la chambre sociale (Cass. Soc., 20 décembre 2017) a décidé que, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, est infondé le licenciement prononcé pour un motif autre que l’inaptitude, en l’occurrence, pour un motif disciplinaire (2).

B) Une faute sanctionnée

Dès lors que l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires, c’est-à-dire pour convoquer le salarié à un entretien préalable ou pour lui adresser un avertissement ( l’article L1332-4 du Code du travail).

La Cour de cassation pose le principe que lemployeur sentend, au sens des dispositions du Code du travail relatives au droit disciplinaire, non seulement du détenteur du pouvoir de sanctionner, mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir (3) (Cass. Soc., 23 juin 2021, n° 20-13.762 et n° 19-24.020).

Le délai de deux mois court à compter du jour où l’employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés (Soc., 17 février 1993). Dans le cas contraire, la faute ne pourra plus faire l’objet d’une sanction : elle sera prescrite. Elle pourra toutefois être invoquée à l’occasion d’une nouvelle faute (Soc., 30 mars 1999).

Un nouveau délai recommence à courir à compter de la date de convocation au 1er entretien lorsque la procédure engagée concerne un salarié en arrêt maladie (4) (Cass. Soc., 9 octobre 2001, n° 99-41.217 ; Cass. Soc., 25 octobre 2007, n° 06-42.493). Toutefois, cet arrêt maladie n’entraîne ni suspension, ni interruption du délai de prescription (5) (Cass. Soc., 20 nov. 2014). Par conséquent, l’employeur ne peut plus engager la procédure disciplinaire au-delà du délai des deux mois.

C) Une sanction libre

L’article L1331-1 du Code du travail donne une définition de la sanction : il s’agit de « toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié, considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Le terme « toute mesure » est général et laisse, à l’employeur, une latitude d’exercice pour sanctionner la faute. La sanction doit donc être qualifiée comme telle par l’employeur ; elle doit aussi être proportionnée et justifiée par rapport aux faits reprochés aux salariés. Les sanctions les plus répandues sont :

  • l’avertissement (écrit ou verbal): il peut s’agir d’une simple lettre de l’employeur adressant des reproches à son salarié et le mettant en demeure d’apporter un maximum de soin à l’exécution de son travail (Soc., 13 octobre 1993) ;
  • le blâme (Soc., 7 décembre 1999);
  • la mise à pied disciplinaire, c’est-à-dire la suspension temporaire du contrat de travail.
  • la mutation (Soc., 10 juillet 1996) ;
  • la rétrogradation (Soc., 22 juin 1994);
  • le licenciement

Concernant la rétrogradation, il convient de préciser que l’acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction (6) (Cass. Soc., 14 avr. 2021).

II. Une prérogative réglementée pour protéger les salariés

A) Les sanctions interdites par la loi et la Jurisprudence

1) Les sanctions discriminatoires

Le Code du travail prévoit, à l’article L1132-1, que l’employeur ne peut pas sanctionner un salarié en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de sa situation de famille, etc. Il s’agit d’éléments appartenant à la vie privée du salarié qui ne doivent pas entrer dans le champ professionnel. L’employeur ne peut donc pas fonder sa sanction sur un de ces éléments.

Il ne peut pas, par ailleurs, apporter des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (article L1121-1 du Code du travail). La Jurisprudence a apporté des précisions. Par exemple, dans un arrêt du 28 mai 2003, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que la sanction disciplinaire était justifiée, car « la tenue vestimentaire de M.X était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail ».

Cependant, linterdiction des discriminations ne fait pas obstacle à ce que lemployeur sanctionne différemment des salariés qui ont participé à une même faute dès lors que ces mesures disciplinaires ne sont pas le résultat dun détournement de pouvoir. Par ailleurs, la différenciation peut être fondée sur les comportements respectifs des salariés et tenir compte de leur ancienneté (12). En revanche, l’employeur qui a eu connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, et qui choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction (C. trav., art. L. 1331-1). L’employeur s’entend comme le supérieur hiérarchique du salarié, donc en cas de litige le juge doit rechercher si la personne qui a eu connaissance des faits fautifs par un salarié était ou non le supérieur hiérarchique (13).

2) Les sanctions pécuniaire

Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites (art. L1331-2 code du travail).Toute disposition ou stipulation contraire est réputée « non écrite ». De ce fait, l’employeur ne peut pas prévoir dans le contrat de travail ou dans le règlement intérieur de son entreprise une interdiction générale visant toute forme de retenue sur salaire en raison d’une faute du salarié ou d’une exécution volontairement défectueuse de sa prestation de travail. De plus, il ne peut pas y avoir un cumul des sanctions (principe du non bis in idem).

L’article L1332-5 du Code du travail précise que les sanctions sont prescrites par trois ans. Cela signifie donc qu’une sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement de nouvelles poursuites disciplinaires ne peut pas être invoquée, par l’employeur, pour sanctionner plus gravement les faits reprochés au salarié. En revanche, l’employeur peut se prévaloir de faits ayant motivé une sanction prescrite pour justifier une différence de traitement (14). Il s’agissait dans ces affaires d’actions en discrimination syndicale.

B)  Une procédure disciplinaire à respecter

La procédure disciplinaire peut être conventionnelle ou légale (article L1332-2 du Code du travail). Cette procédure comporte deux phases : l’entretien préalable et la notification de la sanction.

  • L’entretien préalable

L’entretien préalable est une obligation légale : si le règlement intérieur de l’entreprise ne la prévoit pas, elle devra quand même avoir lieu.

Avant la notification de la sanction, un entretien préalable doit avoir lieu sauf si la sanction envisagée est « un avertissement ou une sanction de même nature qui n’a pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié » (article L1332-2 du Code du travail). Pour être licite, il est nécessaire que la convocation, remise en main propre contre décharge ou envoyée en recommandé (article L122-44 du Code du travail), comporte les informations suivantes :  l’objet de l’entretien, ou la date, ou l’heure, ou le lieu de l’entretien, ou/et la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne appartenant à l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction et le salarié peut se défendre, apporter des explications concernant les faits qui lui sont reprochés.

  • La notification de la sanction

Une fois l’entretien passé, l’employeur doit notifier au salarié le motif de la sanction et la sanction elle-même. Pour les sanctions qui ont été infligées suite à un entretien préalable, elles ne peuvent intervenir moins d’un jour franc ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ( L1232-2 du Code du travail). Dans un arrêt du 10 juillet 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation a énoncé que l’employeur est présumé avoir renoncé à l’application de la sanction si 20 mois se sont écoulés depuis sa notification.

III. Une prérogative contrôlée par le juge

A)  L’appréciation au cas par cas du Conseil des Prud’hommes

Le salarié sanctionné a la possibilité de contester la sanction disciplinaire devant le Conseil des prud’hommes. Le juge va contrôler le bien-fondé de la sanction. Il vérifie si cette sanction n’est pas injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise ou irrégulière. La charge de la preuve incombe à l’employeur. Aussi, il a été précisé que la sanction prononcée par une juridiction ordinale (Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes) n’a pas l’autorité de la chose jugée devant le juge judiciaire. L’appréciation faite par l’ordre professionnel des manquements de l’un des leurs ne saurait s’imposer au juge prud’homal (Cass. Soc., 7 nov. 2006, n° 04-47.683).

B) L’annulation possible de la sanction

Si le juge constate que la sanction était disproportionnée, irrégulière ou injustifiée, elle pourra être annulée. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une faculté : le juge peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. (article L1235-11 du Code du travail). Le pouvoir disciplinaire de l’employeur n’est dès lors pas illimité et si les employeurs veulent user de leur pouvoir disciplinaire ils doivent le faire en connaissance de cause.

Le juge du fond a pleine compétence pour examiner la réalité des faits reprochés au salarié. À cet effet, il examine tous les éléments de preuve fournis par les parties au soutien de leurs prétentions. Néanmoins, le juge n’a pas à s’expliquer sur les éléments qu’il retient ou écarte (15). Le juge examine, également, le caractère licite de la sanction. Ainsi, le juge peut-il être appelé à apprécier s’il s’agit, ou non, d’une sanction pécuniaire prohibée par la loi, ou encore si la sanction concerne des faits déjà sanctionnés.

Le contrôle de la régularité de la procédure suivie laisse au juge le pouvoir d’apprécier l’incidence de l’irrégularité. Contrairement au licenciement, l’irrégularité formelle peut justifier l’annulation de la sanction (16).

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SOURCES :

(1)(Cass. Soc. 31 mars 1998, n° 95-45.639 ; Cass. Soc., 19 juin 2002 n° 00-43.602, à propos d’une insuffisance de production).

(2)(Cass. Soc., 20 décembre 2017, n° 16-14.983).

(3)(Cass. Soc., 23 juin 2021, n° 20-13.762 et n° 19-24.020)

(4)(Cass. Soc., 9 octobre 2001, n° 99-41.217 ; Cass. Soc., 25 octobre 2007, n° 06-42.493).

(5)(Cass. Soc., 20 nov. 2014, n° 13-16.546)

(6)(Cass. Soc., 14 avr. 2021, n° 19-12.180)

(7)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007025519

(8)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007442781

(9)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021788178/

(10)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025437173

(11)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007120293

(12)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007039877

(13)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043711119

(14)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000029057147/

(15)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032265946

(16)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007055168/

QUE FAIRE EN CAS DE DISCRIMINATION RELIGIEUSE ?

Cette question particulière est souvent posée par les victimes de discrimination religieuse ou les personnes qui pensent être victimes de discrimination religieuse. La discrimination peut se définir comme l’action de distinguer des êtres vivants à partir de critères ou caractères distinctifs. Si on applique la discrimination à la religion, la distinction réalisée sera faite uniquement au regard de la religion de l’individu.

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Regroupant plusieurs religions différentes, la France est un pays dans lequel plusieurs personnes se disent victime de discrimination religieuse. La question de savoir que faire en cas de discrimination religieuse est donc importante et a un sens particulier. Il faut savoir que la discrimination religieuse est interdite par la loi, la victime de discrimination religieuse doit donc agir contre l’auteur de ladite discrimination.

Tout d’abord, il convient de répondre à la question : que faire en cas de discrimination religieuse. La réponse à la question que faire en cas de discrimination religieuse vous sera donnée dans cet article. Plusieurs décisions jurisprudentielles ont été prises et plusieurs textes adoptés pour pouvoir lutter contre la discrimination religieuse, la réponse à cette question existe donc et n’est pas très difficile à trouver. Avant de commencer notre développement, il faut noter que la discrimination religieuse se remarque souvent au niveau du droit du travail.

C’est la raison pour laquelle la réponse à « que faire en cas de discrimination religieuse ? » touchera au droit du travail, mais également au droit pénal, car le droit pénal est une autre alternative pour agir contre une discrimination religieuse.


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Force est de constater que plusieurs textes internationaux proclament la liberté religieuse et l’égalité de tous devant la loi sans évoquer précisément la discrimination fondée sur la religion (articles 7 et 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). La plupart des textes internationaux sont faiblement contraignants et/ou ne peuvent fonder une action en justice (comme le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques ou la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981 des Nations Unies).

Les textes européens et communautaires sont plus contraignants pour les États. La victime d’une discrimination religieuse peut utilement alléguer la violation de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou de l’article 13 du traité CE qui étend les compétences de l’Union en matière de discrimination fondée sur les croyances religieuses.

Si la discrimination a eu lieu dans le domaine du travail, il est également possible de se référer à la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Si la lutte contre la discrimination raciale a fait l’objet de nombreuses initiatives communautaires, la lutte contre la discrimination religieuse est limitée au seul domaine du droit du travail, car le consensus est plus difficile à obtenir sur cette question et parce qu’il semble parfois difficile de distinguer dans la pratique la discrimination fondée sur l’origine et celle sur la religion.

Les dispositions nationales affirment le principe d’égal traitement des citoyens ou de liberté de culte (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905…).

La discrimination notamment fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une religion est sanctionnée en vertu des articles L225-1 et suiv. du Code pénal. En effet, l’article L1132-1 du Code du travail interdit la discrimination à l’embauche, réprime les sanctions prises sur le fondement des convictions religieuses du salarié et plus généralement, interdit tout comportement discriminatoire. Enfin, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires leur garantit le droit de ne pas être discriminé pour leurs convictions religieuses.

I. LA DÉFINITION DE LA DISCRIMINATION RELIGIEUSE

Les victimes de discriminations agissent la plupart du temps sur le fondement du droit pénal ou droit du travail.

A. Par le droit pénal

La discrimination religieuse désigne la distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Cette discrimination peut être directe (c’est-à-dire fondée sur un critère interdit comme les opinions religieuses) ou indirecte (c’est-à-dire se présentant comme basée sur un critère neutre qui entraîne des effets défavorables à l’égard d’une certaine catégorie de personnes).

Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l’appartenance vraie ou supposée à une religion, l’article 225-1 du Code pénal ne s’applique pas aux différences de traitement fondées sur l’appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (CA Paris, 25 mars 1996, pour « l’église » de Scientologie).

Afin que le délit de discrimination soit constitué, il faut démontrer des agissements interdits et l’intention discriminatoire de leur auteur.

S’agissant la matérialité des faits, le droit pénal ne réprime que la discrimination intervenue dans 5 situations spécifiques :

– refus de fourniture d’un bien ou de service

– entrave à l’exercice normal d’une activité économique

– refus d’embauche, sanction, licenciement

– la subordination de la fourniture d’un bien ou d’un service à un critère discriminatoire

– offre d’emploi, de stage, de formation en entreprise discriminatoire

Concernant l’élément intentionnel, l’auteur des faits doit avoir agi dans une intention discriminatoire, en ayant conscience de se livrer à des agissements réprimés par la loi. Peu importe qu’il ait de l’animosité personnelle ou non à l’encontre de personnes d’une religion déterminée.

B. Par le Code du travail

L’interdiction des pratiques discriminatoires dans les relations de travail est prévue par l’article L1132-1. L’article L1321-3, quant à lui, dispose que le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi et leur travail en raison de leurs opinions ou confessions. Toute disposition contraire ou toute acte contraire serait nul.

L’article L1121-1 rappelle que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

La liberté religieuse conférée au salarié ne peut donc nuire au fonctionnement normal de l’entreprise. Ainsi, sauf autorisation spéciale, le salarié ne peut prétendre justifier des absences ou des refus de travail par des exigences religieuses (voir ci-dessus).

I. LA PRISE EN COMPTE DE L’APPARTENANCE RELIGIEUSE

A. La conciliation avec le principe de laïcité ou de neutralité

Il est indéniable que la liberté religieuse doit se concilier avec un autre principe à valeur constitutionnelle, le principe de laïcité de l’État.

Les agents publics et les fonctionnaires sont soumis au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité, en vertu desquelles ils ne peuvent manifester leur appartenance religieuse pendant les heures de service. Le port par un agent public de tout signe d’appartenance à une religion s’analyse comme un manquement à ses obligations, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire voire à la radiation (CAA de Lyon, 27 novembre 2003, Mlle Nadjet Ben Abdallah). Le principe de laïcité des fonctionnaires et des agents contractuels de la fonction publique a été confirmé également par un arrêt du Conseil d’État rendu le 28 juillet 2017. En outre, la Cour de cassation avait affirmé ,dans un arrêt rendu le 25 juin 2014, qu’une personne privée ayant la gestion d’un service public peut imposer l’interdiction de tout signe d’appartenance religieuse en vertu du principe de la neutralité du service public. (1) En revanche, le Conseil d’État considère que les croyances religieuses ne sont pas en soi contraires au devoir de neutralité (CE, 28 avril 1938 Dlle Weiss), mais leur manifestation peut l’être (CE, 3 mai 1950, Dame Jamet).

Bien que les usagers aient en principe le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans les locaux d’un service public, la jurisprudence a estimé que le principal d’un établissement scolaire qui exclut deux élèves ayant adopté une attitude de propagande religieuse contraire aux principes constitutionnels de laïcité et de neutralité de l’enseignement public ne commettait pas le délit de discrimination religieuse (CA Douai, 3 avril 1991). Aujourd’hui, une telle exclusion serait d’autant plus justifiée que la loi du 15 mars 2004 prohibe le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements publics.

B. Les différences de traitement en entreprise

L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles de ses salariés que des restrictions nécessaires et proportionnées à la tâche à accomplir. La liberté religieuse des salariés est donc garantie.

Toutefois, lorsque cette liberté se heurte à des dispositions législatives ou réglementaires impératives, il ne doit pas en être tenu compte. Ainsi, en raison du caractère impératif des dispositions en matière de médecine du travail, le refus d’un salarié de passer la visite médicale du fait de ses convictions religieuses constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cassation, sociale, 29 mai 1986).

D’ailleurs, ne commet aucune faute l’employeur qui demande au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public. En l’espèce, un salarié affecté au rayon boucherie d’un magasin d’alimentation a refusé, après deux ans d’activité, de poursuivre son travail qui impliquait d’entrer en contact avec de la viande de porc (Cassation, Chambre sociale, 24 mars 1998).

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 avril 2021, affirme que le défaut d’une « clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur », le licenciement prononcé en raison du refus d’une salariée de retirer un signe religieux « caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée. ».

Il s’agissait, en l’espèce, d’un employeur ayant licencié une salariée dans un magasin de prêt-à-porter pour femmes en raison de son refus d’enlever. La Cour d’appel de Toulouse avait jugé que le licenciement était nul pour discriminations en raison de ses convictions religieuses. Cette décision a été confirmée par la Cour cassation en précisant que la volonté de préserver l’image de l’entreprise ne constituait pas une exigence professionnelle déterminante qui permet d’interdire à une salariée de porter le voile. (2)

Cette décision reprend la position jurisprudentielle da CJUE qualifiant l’interdiction du port d’un signe religieux de discrimination directe en l’absence d’une clause de neutralité. (3)

D’ailleurs, la CJUE vient préciser, dans un arrêt rendu le 15 juillet 2021, qu’une règle interne interdisant le port toute forme visible d’expression des convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail peut être justifiée, sous certaines conditions, par le besoin de l’employeur de se présenter de manière neutre à l’égard des clients ou de prévenir des conflits sociaux. (4)

L’appartenance d’un employé à une religion ne doit pas nuire à la bonne marche de l’entreprise, mais également à la liberté de conscience de ses collègues. Ces derniers peuvent exiger d’être protégés des pressions religieuses. L’employeur est tout à fait justifié à licencier un salarié profitant de ses fonctions de formateur pour faire du prosélytisme (CA Paris, 28 septembre 1993).

C. Les emplois dans les organisations impliquant une communion de foi

Force est de constater que dans les entreprises dites « de tendance », les salariés puissent subissent des restrictions plus grandes à leurs libertés individuelles. Si l’employeur ne peut exiger de son salarié qu’il adhère en son for intérieur à l’objet social de l’institution (aux thèses défendues), une obligation de réserve, même dans la vie personnelle, semble justifiée. Le contrat de travail peut en outre prévoir des clauses imposant un comportement extérieur conforme aux thèses défendues par l’institution.

Ainsi, la Cour de cassation a affirmé que l’ancien article L. 122-45 du Code du travail (devenu article L 1132-1) n’est pas applicable lorsque le salarié, engagé pour accomplir une tâche impliquant qu’il soit en communion de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de son engagement (Cass. soc., 20 novembre 1986).

Néanmoins, les discriminations à l’embauche doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnelles au but poursuivi. C’est pourquoi la jurisprudence considère que la nécessité d’une communion de pensée religieuse ou politique ne saurait autoriser les élus à ne recruter que des affidés (Tribunal correctionnel de Toulon, 5 mai 1998).

III. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉPRESSION

La victime d’une discrimination religieuse peut porter plainte afin engager la responsabilité pénale de l’auteur des faits. La valeur symbolique d’une condamnation pénale est forte.

Pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, la victime peut faire appel à des associations luttant contre la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse. Ces associations peuvent non seulement l’aider dans les démarches, mais aussi se substituer à elle.

Si les faits discriminants ont eu lieu dans le cadre du travail, la victime peut saisir le Conseil des Prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts et/ou faire annuler les décisions discriminatoires prises par son employeur.

Il peut être utile de recourir à la médiation proposée par le Défenseur des droits (assurée auparavant par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité – HALDE) et ce, dans la mesure où la preuve du comportement discriminatoire n’est pas facile à rapporter et que toute procédure judiciaire est longue et éprouvante. Cette médiation peut s’achever par une transaction, évitant aux parties les désagréments d’un procès. Si la médiation échoue, la victime peut toujours saisir les tribunaux.

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Sources :

  • CE, 28 juillet 2017, n° 390740 ; Cass, 25 juin 2014, n° 13-28.369
  • Soc. 14 avril 2021, n° 19-24.079
  • CJUE 14 mars 2017, aff. C-188/15 Micropole SA
  • CJUE, 15 juillet 2021, aff. C 804-18 et C 341-19